Nous sortons d’une série ininterrompue de visiteurs et la dernière semaine, durant laquelle nous avons eu la visite de l’un de nos administrateurs, responsable des plantations de palmiers du groupe, a été particulièrement intense et passionnante, mais nous a empêché de nous consacrer à nos nouvelles de la semaine… Nous voici donc de retour avec les derniers potins de Mapangu.
La visite de notre Boss fut très intéressante et utile car nous faisons face à plusieurs problèmes qui, pour être proprement analysés, exigent des connaissances et/ou apports extérieurs et nécessitent de prendre des décisions et actions qui ne seront pas sans conséquences pour la plantation.
L’un de ces obstacles est évidemment la capacité de notre huilerie car, si nous avons dû jeter des régimes cette année ce n’est rien comparé au pronostic pour les prochaines années quand une bonne partie de la jeune plantation va entrer en pleine production. L’extension de notre usine va demander des investissements importants dépassant largement notre capacité d’autofinancement et pour lesquels nous allons donc devoir nous battre car le climat politico-économique de la RDC n’est pas exactement favorable pour attirer des investisseurs extérieurs.
Un autre problème auquel nous devons faire face est une maladie qui semble affecter des parties de la plantation. Des mesures d’intervention sont nécessaires et il était important de mettre les procédures au point avec les experts du groupe car nous allons devoir arracher des palmiers… snif!
Et puis il y a le terrorisme fiscal qui ne semble pas vouloir perdre de son enthousiasme, maintenant les autorités en sont à bloquer nos barges si nous ne payons pas les montants de taxes et pénalités, inventées de toute pièce, voire bloquer nos comptes à la banque. Nous consacrons plus de 50% de notre temps à essayer de réfuter ces notes de perception illégales plutôt que de gérer la société qui n’est pas sans ses difficultés propres. Jugez-en plutôt: outre la production que nous avons dû jeter, les cuves de stockage sont à présent pleines et à force de bloquer les barges nous risquons de devoir arrêter l’huilerie dans les prochains jours.
Au cours de la dernière semaine nous avons bien évidemment fait le tour de la plantation, rencontré tous de manière formelle et moins formelle et pour faire quelque chose d’original nous avons pris l’un des derniers petits déjeuners en admirant le lever du soleil depuis la plateforme d’observation construite dans un des grands arbres de la plantation, c’était magique car la journée était bien dégagée et le lever du soleil magnifique!
Dans notre dernier message nous vous avions parlé du livre de l’anthropologue Mary Douglas qui a vécu près de 3 ans dans un village “Lele”, qui est la tribu qui vit dans la partie du Kasaï où nous sommes basés. Son séjour date de la période coloniale et les choses ont probablement évolué depuis, mais l’étude reste néanmoins fort intéressante et semble se confirmer dans certains des évènements que nous vivons ici.
Ainsi peut on lire que dans le village Lele il y a un strict respect de l’ancienneté pour déterminer qui sera le chef du village: c’est l’homme le plus âgé quel que soit sa lignée et/ou ses capacités intellectuelles. Le pouvoir repose également sur le contrôle sur les femmes et généralement l’homme le plus âgé du village est aussi celui qui contrôle le plus de femmes car outre ses épouses privées (les siennes et celles héritées de son père), il a un contrôle absolu sur ses filles, petites-filles et arrières-petites-filles matrilinéaires, ainsi que des femmes communautaires.
Le contrôle de l’homme sur sa descendance matrilinéaire est tel que lui seul décide à qui vendre une femme de sa descendance et même choisir de garder une ou plusieurs de ses petites-filles pour son propre “usage” de femme. Les filles sont généralement mariées dès 15 ans tandis que les hommes ne peuvent acheter une femme privée que vers 35 ans pour limiter la concurrence à la tête du village.
Le prix d’une femme est tel que les jeunes hommes n’ont pas les moyens de payer le prix demandé sans l’aide du village et sont ainsi contraints d’attendre d’avoir l’âge requis à moins d’aller voler une femme dans un village voisin (ce qui est du reste encouragé pour accroître la richesse du village).
Pour limiter la convoitise des jeunes hommes et/ou les adultères, le village met des femmes communautaires à la disposition des jeunes. Les femmes communautaires sont dispensées des tâches ménagères telles que par exemple la cuisine, la collecte de combustible ou d’eau et sont prises en charge par leur mère et d’autres femmes du village qui lui apportent sa nourriture et l’eau dont elle à besoin. Les hommes de son groupe communautaire doivent lui offrir un tapis de sisal à chaque visite, dont elle pourra garder environ la moitié, le reste étant donné au village. La femme communautaire peut devenir femme “privée” à un moment donné et dispose pour cela d’un atout puisqu’elle peut payer une partie de son “prix” avec les tapis qu’elle aura accumulé pendant son service communautaire.
Les fils vivent généralement écartés de leur père, car concurrence potentielle dans l’usage des femmes de la maison ou de l’autorité, et cherchent généralement à vivre à l’écart avec un groupe de jeunes du même âge qui deviennent ainsi presque plus importants que ses frères de sang. Ils choisissent souvent de migrer vers un autre village où ils seront admis dans un groupe correspondant à son âge et moyennant une paiement (en tapis de sisal) au village pourra bénéficier des services de la femme communautaire de son groupe.
Quand une personne devient trop “concurrentielle” elle risque d’être perçue comme responsable des maux du village, maladies, perte de bétail, mauvaise chasse, etc. voire accusée de sorcellerie et si son comportement ne change pas peut même être soumise au test du poison (si la personne survit c’est un sorcier et il/elle est tué(e) et sinon il/elle était innocent(e)… ça ne vous rappelle rien ? )
Tout cela, c’était il y a 50 ans, mais nous avons quand même perdu un de nos travailleurs cette semaine tué par les gens de son village parce qu’accusé de sorcellerie et la “vente” des femmes est encore d’actualité (outre les tapis il faut maintenant payer en monnaie sonnante et trébuchante), même si les femmes ont un peu plus leur mot à dire dans le choix du partenaire. Pour ce qui est des femmes communautaires… Certains disent que la tradition perdure. Il est certain que les femmes sont généralement beaucoup plus jeunes que leur mari car se marier reste encore le privilège des hommes “mûrs”, entre autre à cause du prix de la dote.
Voilà pour les nouvelles de cette semaine. A bientôt vous lire,
Marc & Marie-Claude
Our uninterrupted series of visitors has come to an end with the departure of one of our board members, in charge of the groups palm oil plantations, whose visit was particularly intense and enlightening, but left us no time to write our blog last week. Here we are back with the latest gossip from Mapangu.
Our Boss’ visit was very interesting and fruitful because we are facing several problems that require outside expertise and decisions to be made that will not be benign for the plantation.
One of our major hurdles is the capacity of the mill because the amount of fruit bunches that we had to throw away is nothing compared to what will happen next year, when large parts of the young plantation will enter into significant production. The expansion of our mill will require significant investments that are way beyond our own financing capacity and for which we therefore require external financing that will be tough to get given the current political and economic standing of the DRC.
Another problem that we have to manage is a disease that affects parts of the plantation. We will need to take corrective measures, which might require destroying some of our palm trees after all these years of tender love and care… snif!
And then we have fiscal terrorism that does not seem to abate, now authorities have come to put our barges on the chain unless we pay the taxes and penalties that they have created and even threaten to seize our bank accounts. We must be spending more than 50% of our time trying to fend off illegal claims from all kinds of state services rather tan manage the company. After being forced to throw part of our production away due to insufficient milling capacity, now we might have to stop the mill altogether in a few days because of blocked barges and no storage capacity.
During the past week we have obviously been touring the plantation, met with most of the staff in a formal or less formal manner and to conclude with something unusual we had one of our last breakfasts on a platform built in a tree on the top of a hill. It was magical because we were fortunate enough to have a clear day and a magnificent sunrise.
In our last posting, we mentioned a book by an anthropologist, Mary Douglas, who spent about three years in a local “Lele” village, which is the tribe present in the Kasai area where we are also located. Her stay here dates back to the colonial times and things have most certainly evolved since, however some aspects somehow seem to coincide with our own observations and makes it a very interesting read.
The author explains that in a Lele village there is an absolute respect of age and the eldest man of the village, whichever his lineage or mental capabilities, will be the head of the village. The village chiefdom is also linked to the control over women and generally the eldest man of the village is also the one who has the most women under his control because besides his private wives (his and those inherited from his elders), he has absolute control over his daughters, grand-daughters and great-grand-daughters, as well as the communal women.
Control of a man over his matrilineal his female offspring is such that he only will decide to whom the women will be “sold” and may even choose one or several of his grand-daughters for his own “use” as wife. Girls are generally married at the age of fifteen, while men tend to marry when they reach the mature age of 35 to limit competition for the village chiefdom.
The cost of a woman is such that young men cannot afford to pay the requested price without the help of the village and must therefore wait, unless they “steal” a girl from a neighbouring village (which is actually encouraged to enrich the village).
To limit the lust of young men and/or adultery, the village has communal women that are at the disposal of a given age group of young men of the village. The communal women are given a special statute where they are not required to execute household chores such as cooking, collecting fire wood or water and are taken care of by their mother and/or other women of the village. Men of her “group” have to pay her with a woven sisal carpet every time they “visit” her, of which she can keep about half, the rest being given to the village (head). The communal women can eventually become a private wife and has an advantage over other women in that she can pay part of her “price” with the carpets she has collected during her communal service.
Sons usually live away from their father from a young age, to avoid competition in the use of the women of the household or power, and generally live with other young men of the same age group, which therefore become more important than their own blood relatives. They would also choose to move to another village, where they will join a group of their age and benefit the use of the communal women after paying a kind of entry fee.
When a person becomes a potential threat to the authority of the village or an elder of a family, he/she may be accused of being responsible of all the evil befalling on the village such as sickness, loss of animals, unsuccessful hunt, etc. and sometimes accused of sorcery. In case the behaviour of the person does not improve he/she may be given the poison test (if he/she survives he/she is a sorcerer and is killed and if not he/she was innocent)… does it remind you of anything?
All this was written 50 years ago, but we have lost one of our workers, killed by his fellow village people on the grounds that he was a sorcerer and the “sale” of women is still going on (although in addition to carpets money is now also required), even though women seem to have a greater say in the choice of their partner. As to communal women, some say it is still the case in some villages. It is obvious that women are generally much younger than their husbands as marrying remains very expensive and only more mature men can afford the cost.
That’s it for this week. We look forward hearing from you,
Marc & Marie-Claude