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Notre premier lot de visiteurs vient de repartir pour l’Europe, satisfaits (je crois) de leur visite et nous ayant permis d’identifier quelques points d’attention qui se perdent un peu dans la masse à force d’avoir le nez dessus tous les jours. C’était très sympa et nous avons bien rigolé, mais ces visites ne sont pas sans conséquences car d’une part on a tendance à manger beaucoup plus que d’habitude (surtout le soir), pour certains peut-être aussi écluser un verre ou deux de plus que d’habitude, et surtout beaucoup moins d’exercice car pas question de faire du vélo quand il faut véhiculer tout ce beau monde.
Nos visiteurs du groupe ont fait place à un autre groupe, le Gouverneur du Kasaï et sa suite, qui sont arrivés hier en plein milieu de notre paie, dont l’organisation est toujours assez prenante. En effet, en quelques heures nous devons payer environ 3.000 personnes en cash en veillant à ce que cela ne tourne pas en pugilat ou émeute lorsque les travailleurs se font embusquer par leur créanciers à la sortie du bureau de paie. La Brabanta a connu des émeutes assez graves vers la fin 2015 (nous n’étions juste pas encore là) où il a fallu faire appel à l’armée pour maîtriser la situation et pendant les mois qui ont suivi nous avons systématiquement fait venir un contingent de militaires pour sécuriser la paie.
Comment se passe la paie:
– il est d’abord nécessaire d’apporter l’argent de la paie depuis Kinshasa, car ici il n’y a ni banque ni autre caisse pouvant nous fournir les billets nécessaires pour payer tout le monde. L’argent est acheminé sous escorte de la banque à l’avion que nous affrétons et sur notre piste de Mapangu il est attendu par une escorte policière qui l’amène jusqu’au coffre de la plantation. Pour transporter de l’argent ainsi en avion nous devons évidemment planifier cela avec la banque pour avoir les billets nécessaires et obtenir une autorisation de la banque centrale (qui n’est autre qu’une forme de taxe). Généralement une paie représente près de 350kg de billets, donc pas quelque chose que l’on charge sur le tape-cul d’une motocyclette.
– le jour précédent la paie, nous faisons venir une demi-douzaine de policiers d’Ilebo pour encadrer la police locale dans leur travail de sécurisation des bureaux de paie qui sont répartis à plusieurs endroits dans la plantation.
– Le jour-même de la paie, une cinquantaine d’employés qui ont été sélectionnés pour leur sérieux et surtout leurs capacités de lecture et d’écriture, sont temporairement employés comme agents payeurs et reçoivent chacun la fiche de paie et l’argent pour le compte d’une soixantaine de travailleurs. Les agents payeurs et policiers sont alors dispatchés, chaque équipe dans un véhicule, vers les bureaux de paie.
– Les bureaux de paie sont en fait des conteneurs dans lesquels nous avons aménagé trois compartiments avec des portes de part et d’autre, chaque compartiment correspondant à une section de la plantation (nous en avons douze au total). Dans le compartiment il y a une table où est installé l’agent payeur assisté du chef de section, du superviseur et du capita de chaque travailleur afin de s’assurer que c’est bien la bonne personne qui vient retirer sa paie. Les travailleurs entrent dans le bureau de paie par la porte d’un côté et ressortent de l’autre.
– Outre les agents payeurs, l’argent et leur escorte policière, il faut également amener tous les travailleurs jusqu’au bureau de paie car certains habitent dans des villages à plusieurs heures de marche de là. Pour cela nous utilisons notre flotte de tracteurs avec remorque et camions, surtout pour ramener tout le monde à la maison après la paie.
– Le jour de la paie il y a un énorme marché qui s’installe à côté des bureaux de paie avec des commerçants qui viennent parfois de plusieurs centaines de kilomètres de là pour ventre vêtements, nourriture (manioc, maïs, sel, viande boucanée, poisson fumé et autres délicatesses), savon, piles, seaux et bassines. Il y a même des petits restaurants qui s’installent ainsi que de agents “financiers”. Depuis quelque temps, certaines aubettes restent en place en permanence et offrent quelques produits de base essentiels tels que savon, concentré de tomate, unités de téléphone ou piles.
La paie rassemble donc des dizaines de milliers de personnes et comme le gouverneur a choisi d’arriver à ce moment-là, les notables m’ont appelé très inquiets me demandant de suspendre la paie pour qu’il y ait plus de monde pour l’accueillir au “stade” de Mapangu. J’ai calmement expliqué qu’il était peut-être préférable d’avoir moins de monde au stade qu’une émeute quasi garantie et ils ont compris sans passer par le guichet n°5 (désolé pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire du guichet n°5, mais je ne puis pas l’expliquer ici…).
Ce matin le Gouverneur m’a convoqué à une réunion, puis son service de protocole m’a informé qu’il viendrait à la Cathédrale et là je viens d’apprendre, par un coup de téléphone du Gouverneur, qu’il préférait que je vienne le voir dans sa résidence provisoire (notre maison de passage) lorsqu’il en aura fini avec les notables. J’ai finalement eu mon entretien et pendant près d’une heure et demi nous avons refait le monde. Je suis sorti de notre entretien avec le sentiment que nous allons bien travailler ensemble et qu’il est conscient de l’importance que notre société représente pour sa région, la seule grande société de la province (95.000 km² et 3,2 millions d’habitants). A suivre…
Le prochain lot de visiteurs importants arrive dimanche prochain pour une visite de 4 jours et seront tous logés à la Cathédrale. Le fait d’être sans Marie-Claude ici n’est pas évident, mais seul j’arrive à me débrouiller sans trop de casse, par-contre quand il y a des visiteurs la qualité de la réception n’est évidemment pas la même, malgré le fait que Marie-Claude a très bien formé nos cuisiniers et que ceux-ci préparent des petits plats tout à fait délicieux. J’ai déjà prévenu tout le monde qu’ils ne s’attendent pas à des miracles…
Voila pour les potins de cette semaine. J’espère qu’ils vous trouveront bien et nous nous réjouissons d’avoir de vos nouvelles.
A bientôt vous lire,
Marc & Marie-Claude
Our first batch of visitors have just left for Europe, satisfied (I think) of their visit and helped us identify some attention points that tend to get swamped into the mass of small matters with which we have to deal on a daily basis. It was actually quite fun, but these visits are not without consequences as on one hand we tend to eat more (especially in the evenings), some perhaps also take one or two more drinks than usual, and most importantly I do much less exercise because it is not really possible to drive our visitors around on the back of my bicyle.
Our group visitors have left the space for another group, the Governor of Kasaï and his suit, who arrived yesterday in the middle of our pay, which is a fairly significant organisation. In a few hours’ time we have to pay about 3,000 people in cash, while trying to avoid the operation turning into a general fight or uprising when some of the workers are ambushed by their creditors when coming out of the pay booth. This happened towards the end of 2015 (we were not here yet) and the army had to be called upon to restore order in Mapangu. For a while we have systematically called on the army to come and secure our pay operations, but this is fortunately no longer necessary.
How is the payment of our agents organised:
– first we have to bring the actual cash from Kinshasa as here in Mapangu there is no bank or other saving institution that could supply the money. The money is escorted from the bank in Kinshasa to an airplane that we hire to fly to Mapangu where in turn it is escorted by police to the plantation’s safe. To transport cash like this on a plane requires some planning, first with the bank to make sure the necessary bank notes are available and obtain a permit from the Central Bank (which boils down to another tax) to transport the funds. Usually our monthly pay represents about 350kg of bank notes, thus not something that can casually be lopped on the back of a moped.
– the day preceding pay day, we send transport to Ilebo (usually our dugout canoe) to fetch half a dozen policement who will support the local police force in securing the pay operations that take place in booths around the plantation.
– on the actual day, about 50 employees that have been selected for their seriousness and reading and writing capabilities are temporarily appointed as pay agents and each receive the pay slips and the cash for about 60 workers. The pay agents and police force is then dispatched by car to their respective pay centres.
– the pay centres or booths are in fact converted containers, in which three compartments are made with each a door on each side and each compartment is used as pay both for one section of the plantation (we have twelve of them). In each compartment there is a table for the pay agent, who is assisted by the section head, supervisor and team capita to ensure that the rightful beneficiary is collecting his or her pay. The workers line up and enter through one door and exit through the other.
– besides the pay agents, money and policemen, it is also necessary to bring the workers from their village (sometimes several hours walking) to the pay centre and for this we use tractors with trailers and trucks. This is especially important after the pay has been completed to ensure that our workers reach home before the night.
– on pay day there is a huge market that appears around the booths with traders sometimes coming from several hundred kilometres away to sell clothing, food (cassava, corn, salt, dried meat, smoked fish and other delicacies), soap, batteries, buckets and basins. There are even small restaurants as well as “financial” services who have their store front in the market. For some time now, some of the stall seem to become permanent and offer some basic products such as soap, tomato concentrate, telephone units or batteries to the passer-bys.
On pay day there are probably tens of thousands of people assembling and since the Governor chose to arrive on the very same day, the authorities of Mapangu called me very worriedly asking that we suspend the pay so that more people could come to the Governor’s speech in the Mapangu “stadium”. I quietly explained that it was probably preferable to have fewer people at the Governor’s rally than an almost guaranteed revolution if we were to stop paying our workers and they immediately agreed that this was indeed a better option (probably remembering the problems of 2015).
Early this morning I received an invitation to come and meet the Governor, then one of his field officers informed me that the Governor would rather come and see me at home and finally the Governor called himself asking if I would not mind coming to his temporary residence (our guest house) for a private meeting after he would have dismissed the local dignitaries. I did meet him for about an hour and a half and somehow I got the feeling that for once this is someone with whom we can have a constructive relationship. After all we are the only large company in the whole province (95,000 km², 3.2 million inhabitants) and therefore an important partner.
The next visitor batch arrives on Sunday and will stay 4 days, all will stay at the Cathedral. Being without Marie-Claude is obviously not pleasant, but I somewhat manage on my own without too much damage. But the quality of service is obviously not the same when visitors come, despite the fact that our cooks have been superbly trained by Marie-Claude and that I or my guests will certainly not suffer from unsavoury food. I nevertheless warned them that they should not expect miracles…
That’s it for this week’s gossip. I hope these will find you well and we look forward hearing from you.
Until soon,
Marc & Marie-Claude