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Il y a deux semaines nous vous parlions des papillons qui avaient débarqué en masse et étaient le signe habituel du début de saison sèche. Ils sont maintenant partis, du moins la masse est partie et restent les résidents habituels. Les migrants n’avaient manifestement pas bien calculé leur venue, car il a continué de pleuvoir abondamment jusqu’au milieu de la semaine. Et donc, ce mois-ci, qui est généralement un mois plutôt sec avec une moyenne de 50-70mm de précipitations (sur base des relevés des 8 années précédentes), est cette année, largement au-dessus des 300mm donc cinq à six fois les précipitations normales.
Ce qui en fait un record pour les dernières années tous mois confondus…
Depuis le milieu de la semaine, un deuxième phénomène propre à la saison sèche est apparu, le brouillard du matin. Depuis trois jours nous nous réveillons tous les matins dans un brouillard épais qui détrempe les moustiquaires et rend les départs du matin un peu plus périlleux car dans le noir une visibilité à 10m combinée avec des routes tout sauf lisses demande une attention totale, donc mieux vaut être bien éveillé. Nous profitons encore, tant qu’il est encore possible de le faire, de notre vue du Kasaï et de ses bancs de sable qui réapparaissent à toute vitesse. Mais le voile brumeux est déjà perceptible et probablement dans une semaine ou deux nous serons privés entièrement de la vue jusqu’au mois de septembre.
Compte tenu de ce brouillard quasi quotidien et souvent assez dense, nous pensons que les palmiers arrivent malgré tout à capter une partie de leurs besoins hydriques grâce à l’humidité qui se condense sur les feuilles. En tant qu’ingénieurs qui se respectent, nous voudrions essayer de quantifier la quantité d’eau apportée par le brouillard et avons conçu un grand carré de 1x1m dans lequel est tendue une toile moustiquaire sous laquelle se trouve une gouttière de réception. Le principe est de permettre à la brume condensée sur la toile moustiquaire d’ y être récoltée et quantifiée. Cela était sans compter sur le fait que nous avons régulièrement des coups de vents violents, qui ont déjà plusieurs fois arrachés la toile moustiquaire et que ce même vent a tendance à souffler les gouttelettes à côté de la gouttière ou à accélérer leur évaporation. Résultat, malgré le fait que tout et tous sont imbibés jusqu’à la moelle à cause du brouillard et de la rosée durant l’appel du matin, aucune mesure significative de l’apport en eau généré par les brumes matinales n’a pu être quantifiée jusqu’à présent … Si quelqu’un a une idée de génie pour mesurer la quantité d’eau apportée par le brouillard, de préférence avec les moyens du bord, n’hésitez-pas à nous faire signe.
Il y a déjà quelques mois, nous avons fait appel à un ingénieur congolais spécialisé dans les forages pour essayer de mettre en place une solution alternative aux longues marches que doivent faire les femmes (principalement) jusqu’aux “sources” ou rivières pour s’approvisionner en eau. Le premier forage aurait dû être opérationnel il y a déjà deux mois, mais à cause d’un problème technique avec la pompe, la quantité d’eau qui sort est dérisoire. L’ingénieur est venu m’expliquer que certes il y avait un problème technique avec la pompe, mais aussi que le grand chef coutumier lui créait des difficultés. J’ai donc demandé à rencontrer le grand chef avec l’ingénieur, pensant qu’il me suffirait d’expliquer que le forage était pour le bénéfice de tous et que le soutient du chef coutumier coulait donc …”de source” . Lors de ma rencontre, j’ai été surpris d’apprendre que (selon le grand chef) si le forage ne fonctionnait pas c’est parce que celui-ci n’avait pas été consacré selon les rites ancestraux et qu’il suffirait de faire la cérémonie coutumière adéquate pour que l’eau coule à flots.
Comme nous souhaitons également réaliser un forage à l’hôpital où il est évidemment essentiel d’avoir de l’eau propre, le grand chef et sa suite sont allés effectuer les rites à l’hôpital (car, semble-t-il, il n’est pas nécessaire de faire une telle consécration pour chaque forage individuel, une cérémonie coutumière unique est suffisamment puissante pour affecter tous les forages existants et futurs dans la chefferie). Peu de temps après, j’ai reçu un appel affolé de notre médecin me disant qu’il avait été invité à assister à la cérémonie qui avait lieu dans l’enceinte de son hôpital. Il m’a expliqué qu’il n’était pas en mesure de se présenter à la cérémonie, non pas parce qu’il avait des patients nécessitant sa présence, mais parce qu’il avait peur qu’un sort lui soit jeté par la même occasion… il est originaire du nord du pays et les étrangers (surtout ceux d’autres tribus congolaises) ne se sentent apparemment pas toujours les bienvenus ici. Nous avions déjà entendu dire que le médecin s’enfermait chez lui quand il entendait les hiboux lui parler, mais de là à craindre un sort lors d’une cérémonie de consécration d’un forage…
Nous sommes de plus en plus convaincus qu’en cas d’urgence médicale il est probablement préférable de ne pas faire appel à notre médecin et d’opter pour une évacuation immédiate. Récemment un de nos chefs de secteur a eu une crise d’appendicite et a été admis d’urgence à l’hôpital, mais le médecin a préféré ne pas l’opérer tout de suite car le patient ne souffrait pas d’aérophagie… et qu’il était donc aussi peut-être question d’une occlusion intestinale. En attendant notre chef de secteur avait des douleurs de plus en plus aiguës que le médecin essayait de soigner à coups d’antibiotiques sans énormément de succès. Il a ensuite prétendu qu’en cas de rupture de l’appendice, les intestins formeraient un nœud autour de la plaie pour empêcher l’infection de la cavité abdominale. Nous avons rapidement décidé d’évacuer le malade sur Kinshasa, où il a été opéré pour une péritonite, est maintenant à nouveau sur pied et pourrait revenir à Mapangu la semaine prochaine. Je ne suis pas médecin et mon jugement est peut-être injuste, mais la combinaison de peur de sortilèges et ses théories fumeuses sur l’anatomie humaine ne me convainquent pas totalement, donc si j’ai le choix…
Cette semaine nous avons eu la visite de deux expatriés venus d’une autre plantation congolaise pour échanger sur nos expériences, idées, solutions éventuelles et réflexions sur l’état du pays. Visite extrêmement agréable et intéressante car elle nous a permis de comparer beaucoup de nos “problèmes” avec ceux qu’ils rencontrent chez eux dans l’équateur et la manière dont ceux-ci sont gérés. Pour leur retour, via Ilebo, notre chef d’usine à proposé de les véhiculer sur son jet ski au lieu de prendre la pirogue, voyage qui leur a pris un peu moins de 45 minutes au lieu de 3 heures… mais évidemment sans bagages et il faut bien s’accrocher car sa bombe fait des pointes de plus de 100km/h, même à trois!
Sur ces exploits mécaniques et aquatiques, nous vous laissons en espérant vous lire très bientôt,
Marc & Marie-Claude
Two weeks ago we were telling you about the butterflies that had landed “en masse” and were usually signaling the beginning of the dry season. They are now gone, at least the large numbers are, leaving the usual residents of the garden. The migrants had obviously not calculated their arrival correctly, as it continued to rain heavily until the middle of this week. As a consequence, this month, which is usually a rather dry month with an average of 50-70mm of rainfall (based on records from the previous 8 years), this year is well above 300mm so five to six times the normal rainfall.
Which makes it a record for the last few years, all months combined…
Since the middle of the week, a second phenomenon specific to dry season has appeared: the morning fog. For the past three days we wake up every morning in a thick fog which soaks the mosquito nets and makes the morning departures a little more dangerous because the darkness and a visibility reduced to 10m combined with roads everything but smooth requires a rather high level of concentration, therefore better to be well awake. We still enjoy, while it is still possible to do so, our view of the Kasai and its sandbanks, which are reappearing surprisingly quickly. But the hazy veil is already perceptible and probably in a week or two we will be completely deprived of our vista until September.
Given this almost daily and often quite dense fog, we think that the palm trees manage to capture some of their water needs thanks to the moisture that condenses on the leaves. As a self-respecting engineer, we would like to try to quantify the amount of water brought by the fog and have designed a large 1x1m square in which a mosquito net is stretched and under which we have installed a small gutter. The principle is to allow the fog condensed on the net to be collected in the gutter and quantified. This was without counting on the fact that we regularly have violent gusts of wind, which have already ripped the mosquito net several times and that this same wind tends to blow the droplets beyond the gutter or accelerate their evaporation. As a result, despite the fact that everything and everyone is soaked to the core because of the fog and dew during the morning muster, no significant measure of the water supply generated by the morning mists could be quantified so far… If anyone has a clever idea on how to measure the amount of water brought by the fog, preferably with locally available means, please let us know.
A few months ago, we contracted a Congolese drilling engineer to try to put in place an alternative solution to the long walks that women (mainly) have to make to the “springs” or rivers to get water. The first borehole should have been operational two months ago, but due to a technical problem with the pump, the amount of water that comes out is negligible. The engineer explained that there was a technical problem with the pump, but also that the local chief was making things difficult for him. So I asked to meet the grand chief with the engineer, thinking that it would be enough for me to explain that the drilling was for the benefit of all and that the chief’s support was therefore very much required. When we met, I was surprised to learn that (according to the Grand Chief) if the well did not work it was because it had not been consecrated according to ancestral rites and that it would suffice to perform the proper customary ceremony for the water to flow.
As we also wish to drill a borehole at our hospital, where it is obviously essential to have clean water, the Grand Chief and his suite decided to perform the rites in the hospital (for, it seems, it is not necessary to make such a consecration for each individual well, a unique customary ceremony is powerful enough to affect all existing and future wells in the chiefdom). Shortly afterwards, I received a panic call from our doctor telling me that he had been invited to attend the ceremony that was taking place on his hospital grounds. He explained to me that he was not able to attend the ceremony, not because he had patients requiring his presence, but because he was afraid that a spell would be cast on him at the same time… he is from the north of the country and foreigners (especially those from other Congolese tribes) apparently do not always feel welcome here. We had already heard that the doctor would lock himself in his house when he heard the owls talking to him, but I was far from imagining that he would fear for his soul during a ceremony of consecration of a borehole…
We are increasingly convinced that in case of a medical emergency it is probably better not to call our doctor and to opt for an immediate evacuation. Recently one of our area managers had an appendicitis and was admitted to hospital as a matter of urgency, but the doctor preferred not to operate immediately because the patient did not suffer from aerophagia… and that there was therefore perhaps also a question of intestinal obstruction. In the meantime our sector manager was experiencing increasing pain, which the doctor was trying to treat with antibiotics without much success. He then claimed that if the appendix ruptured, the intestines would form a knot around the wound to prevent infection of the abdominal cavity and that a surgical intervention was therefore not an emergency. We quickly decided to evacuate the patient to Kinshasa, where he was operated for a ruptured apendicitis within a few hours. He is now back on his feet and may return to Mapangu next week. I am not a doctor and my judgment may be unfair, but the combination of fear of spells and his smoky theories about human anatomy do not totally convince me, so if I have the choice…
This week we had the visit of two expatriates from another Congolese plantation to exchange on our experiences, ideas, possible solutions and reflections on the state of the country. Extremely pleasant and interesting visit because it allowed us to compare many of our “problems” with those they encounter at home in the equator and the way they are managed. For their return, via Ilebo, our factory manager offered to bring them on his jet ski instead of taking the dugout canoe, a trip that took them a little less than 45 minutes instead of 3 hours… but obviously without luggage and it is recommended to hang on because his bomb peaks over 100km / h, even with three adults on board!
On these mechanical and aquatic exploits, we leave you hoping to hear from you very soon,
Marc & Marie-Claude