See below for English version
Les régions tropicales sont connues pour les maladies diverses, inconnues dans les régions tempérées, qui peuvent affecter hommes, animaux et même les plantes.
La plus connue et aussi la plus dévastatrice est sans nul doute la malaria qui fait plus d’un demi million de victimes par an, dont une grande partie sont des enfants. Personne n’est épargné par les assauts du plasmodium , ni expatriés ni même congolais. Tous les expatriés de Brabanta ont eu une ou plusieurs crises de malaria depuis que nous sommes arrivés dans la plantation il y a bientôt trois ans, tous sauf Marie-Claude et moi. La seule différence est que Marie-Claude et moi prenons religieusement notre infusion d’Artémisia annua pendant une semaine tous les mois, tandis que les autres prétendent ne pas en avoir besoin et pouvoir se soigner facilement avec des comprimés lorsqu’une crise se manifeste.
Même si son utilisation est “empirique”, nous essayons d’encourager les personnes de notre entourage à faire pousser et àutiliser la plante, mais les croyances de sorcellerie et autres gris-gris sont tellement ancrées dans la culture locale que la cause de la maladie est plus aisément associée à un mauvais sort qui leur aurait été jeté plutôt que le fait qu’ils n’ont pas ou mal utilisé l’Artémisia.
A Mapangu nous avons depuis plusieurs mois maintenant une épidémie de choléra qui affecte les habitants. Nous organisons des campagnes de sensibilisation pour expliquer qu’il est indispensable de bouillir l’eau de boissons et de veiller à une bonne hygiène, surtout des mains. A Mapangu cela semble porter ses fruits car le nombre de cas est en régression et nous n’avons plus eu de fatalités depuis plusieurs mois. Il n’en va pas de même pour la population de Dima, en aval de Mapangu le long du Kasaï, où le manque d’infrastructure médicale et surtout l’absence de sensibilisation fait que l’on nous rapporte de nombreux cas de décès chaque mois.
Le Congo est également affecté par des nouvelles épidémies d’Ebola, qui ont d’abord affecté les populations riveraines du fleuve Congo aux environs de Mbandaka et ensuite dans l’est près de Beni. La maladie est originaire du Congo où elle aurait été contracté par des populations consommant des animaux sauvages capturés en forêt et probablement mal cuits, le pays a donc une certaine expérience dans la gestion de ce genre d’épidémies, même si d’un point de vue matériel ils sont fortement tributaires d’aide extérieure. Les communications à l’intérieur du pays étant extrêmement difficiles à l’heure actuelle, il est peu probable que cette maladie puisse rapidement s’étendre jusqu’à chez nous, mais à tout hasard nous sommes équipés avec un pavillon d’isolation et l’équipement nécessaire. Tous nos points des rassemblements sont équipés de points de lavage des mains et des campagnes d’information sont régulièrement organisées parmi nos travailleurs.
Concernant ce dernier point, lors d’un appel matinal le chef de section a rappelé quelques mesures préventives aux travailleurs et avait pour cela assisté la veille à une petite séance de formation pour rafraîchir les connaissances de tous les responsables. Lors de cette séance de formation, il a été noté que les chauves-souris étaient l’un des vecteurs connus de la maladie et qu’il était donc recommandé de vérifier si les fruits récoltés n’avaient pas été mordus par les chauves-souris, même si les fruits étaient cueillis dans les arbres, comme par exemple les mangues. A l’appel matinal le chef de section a expliqué à ses travailleurs qu’il était dangereux de manger des mangues, même si on les cueillait dans les arbres, car celles-ci étaient à l’origine de la maladie Ebola…
A l’époque coloniale un des grands fléaux du Congo était la maladie du sommeil véhiculée par la mouche tsé-tsé. Des importantes campagnes d’éradication ont été menées tant à l’époque coloniale que par les autorités sanitaires du pays indépendant par la suite, au point que cette maladie semble quasi inconnue aujourd’hui et ne figure plus dans les statistiques médicales de notre hôpital.
Au niveau des plantes, surprenamment nos légumes aux potager sont relativement peu affectés par des maladies, ce qui est une bonne chose car nous n’utilisons strictement aucun moyen de lutte à l’exception de rotations, d’application de copieuses quantités de compost et d’une élimination manuelle des insectes trop intéressés par nos légumes.
Dans la plantation, par contre, nous avons une maladie non-identifiée qui s’attaque à nos palmiers et pour laquelle nous avons déjà eu droit à la visite d’un nombre impressionnant d’éminences de la phytopathologie qui sont tous, jusqu’à présent rentrés bredouilles. Après des recherches effectuées ici et en Europe, il semblerait que cette maladie encore inconnue (que nous appellerons “Maladie de Brabanta” car elle ne se retrouve pas dans les autres plantations du pays) aurait déjà été observée ici à l’époque où la plantation était aux mains des frères Lever, soit dans les années 1930. Toutes sortes d’études, d’essais et de théories ont été formulées à l’époque, mais sans jamais (semble-t-il) arriver à une conclusion et nous trouvons donc en quelque sorte à reprendre cette recherche après une pause de plus d’un demi siècle.
Pour le moment nous avons à nouveau un expert en visite sur la plantation qui va reprendre toutes les observations, résultats d’essais et littérature sur le sujet pour essayer d’en tirer un fil conducteur. Il est arrivé sur la plantation avec un arsenal de machines qui devrait nous permettre d’extraire des échantillons d’ADN dans les différents tissus des palmiers malades afin d’envoyer ceux-ci dans un laboratoire spécialisé de Grande-Bretagne où des analyses génomiques séquentielles seront réalisées, bref Brabanta est en quelque sorte en train de devenir un laboratoire de recherche du palmier, pas seulement dans le domaine phytosanitaire d’ailleurs, mais ça c’est pour un autre récit.
Nous vous écrivons ces lignes après avoir passé un agréable moment avec tous les autres expatriés qui sont venu fêter, en avance, mon anniversaire. Pour l’occasion Marie-Claude a préparé une tarte tatin aux pommes et poires qu’elle avait secrètement ramené dans ses bagages lors de notre retour de Kinshasa. Même si ce dessert ne pouvait être qu’exceptionnel dans notre coin de brousse, je crois qu’il aurait fait saliver plus d’un même dans un endroit ou les pommes et les poires peuvent se trouver dans la boutique du coin.
En espérant très bientôt avoir de vos nouvelles, nous vous envoyons nos salutations depuis la Toscane congolaise,
Marie-Claude et Marc
Tropical regions are known for various diseases, unknown in temperate regions, that can affect humans, animals and even plants.
The most famous and also the most devastating is undoubtedly malaria, which kills more than half a million people a year, many of whom are children. No one is spared the assaults of the plasmodium, neither expatriates nor even Congolese. All the expatriates in Brabanta have had one or more malaria attack since we arrived in the plantation almost three years ago, all but Marie-Claude and I. The only difference is that Marie-Claude and I take our Artemisia infusion religiously for a week every month, while the others claim not to need it and to be able to treat themselves easily with tablets when a bout of malaria affects them.
Even if its use is “empirical”, we try to encourage people around us to grow and use the plant, but beliefs of witchcraft and other spells are so deeply rooted in the local culture that the cause of the disease is more easily associated with a curse that has been cast on them than with the fact that they have not or not properly used Artemisia to prevent the disease.
In Mapangu we have had a cholera epidemic affecting the local population for several months now. We organize awareness campaigns to explain that it is essential to boil drinking water and to ensure a good hygiene, especially of the hands. In Mapangu this seems to be bearing fruit because the number of cases is decreasing and we have not had any fatality for several months. The same is not true for the population of Dima, downstream from Mapangu along the Kasai River, where the lack of medical infrastructure and especially the lack of awareness results in several fatal cases every month.
Congo is also affected by a new Ebola epidemics, which first affected populations along the Congo River around Mbandaka and now in the east of the country near Beni. The disease originated in Congo where it is believed to have been contracted by populations consuming wild animals caught in forests and probably undercooked, so the country has some experience in managing such epidemics, although materially they are heavily dependent on external assistance. Communications within the country are extremely difficult at the moment, so it is unlikely that this disease will spread quickly to our area, but we are nevertheless equipped with an isolation structure and the necessary equipment. All our muster points are equipped with water and soap for handwashing and information campaigns are regularly organised among our workers.
Concerning this last point, during an early morning call, the head of section reminded the workers of some of the most important preventive measures and had attended a short training session the day before where all section managers were given a refresher course on the subject of Ebola. During this training session, it was noted that bats were one of the known vectors of the disease and that it was therefore recommended to check whether the harvested fruit had not been bitten by bats, even if the fruit, such as mango, was plucked directly from the trees. At the muster call, the head of the section explained to his workers that it was dangerous to eat mangoes, even if they were picked from trees, because they were the cause of the Ebola disease…
In colonial times, one of the great scourges of Congo was the sleeping sickness carried by the tsetse fly. Major eradication campaigns were carried out both during the colonial era and by the health authorities of the independent country thereafter, to the point that this disease seems almost unknown today and no longer appears in the medical statistics of our hospital.
At the plant level, surprisingly our vegetables in the garden are relatively unaffected by diseases, which is a good thing because we do not use any means of control except rotation, application of copious quantities of compost and manual elimination of insects too interested in our vegetables.
In the plantation, on the other hand, we have an unidentified disease that attacks our palm trees and for which we have already had the the visit of an impressive number of prominent phytopathologists, all of whom have so far returned without conclusions. After research here and in Europe, it seems that this still unknown disease (which we will call “Brabanta disease” because it is not found in other plantations in the country) was already observed here when the plantation was in the hands of the Lever brothers, in the 1930s. All kinds of studies, essays and theories were formulated at the time, but without ever (apparently) reaching a conclusion and so we find ourselves in a way to resume this research after a break of more than half a century.
At the moment we have another expert visiting the plantation, who will take up all the observations, test results and literature on the subject to try to draw a common thread from it. He arrived on the plantation with an arsenal of machines that should allow us to extract DNA samples from the different tissues of diseased palm trees in order to send them to a specialized laboratory in Great Britain where sequential genomic analyses will be carried out. In short Brabanta is somehow becoming a palm research laboratory, in fact not only in the field of plant health, but that is for another story.
We are writing these lines after having spent a pleasant time with all the other expatriates who came to celebrate my birthday in advance. For the occasion, Marie-Claude prepared an apple and pear tarte tatin, for which she had secretly brought apples and pears in her luggage when we returned from Kinshasa. Even if this dessert could only be exceptional in our bush corner, I think it would have made more than one of us salivate even in a place where apples and pears can be found in the local shop.
We look forward to hearing from you soon and send our greetings from Congolese Tuscany,
Marie-Claude and Marc