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Valeur de la Vie – Life’s Worth

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En Europe et dans les pays développés en général nous attachons une grande valeur à la vie humaine, la souffrance animale, voire même parfois au traitement de tout être vivant quel qu’il soit. Ici au Congo, les choses sont différentes et, à nos yeux d’occidentaux, la vie est généralement considérée de manière fort différente. Par certains aspects on pourrait être amené à penser qu’elle n’a pas la même valeur…

Ainsi dans les derniers mois il y a eu plusieurs accidents, deux naufrages sur le Kasaï et un déraillement de train qui ont fait au total près d’une centaine de morts. Le nombre de victimes est et restera approximatif parce que, d’une part personne ne sait combien de passagers étaient à bord des pirogues ou baleinières surchargées qui ont chaviré ou du train de marchandise qui a déraillé et s’est retrouvé dans une rivière, d’autre part parce que la plupart des victimes sont emportées par le cours de la rivière et ne sont jamais retrouvées. Quand il est question de pirogues surchargées, c’est un euphémisme lorsque l’on voit certaines grandes embarcations avec des centaines de personnes à bord et à peine quelques centimètres de marge pour empêcher l’eau de couler dans la pirogue. Quand l’eau est calme cela ne devrait pas poser trop de problèmes, mais sachant que par endroits la rivière Kasaï est large de plusieurskilomètres et que la combinaison de courant et de vent peut parfois provoquer la formation de vagues assez impressionnantes le voyage paraît,dès lors, nettement plus précaire. De plus, la vaste majorité des passagers qui prennent place dans les frêles esquifs du Kasaï ne savent pas nager et ne portent évidemment pas de gilets de sauvetage, car il n’y en a pas. Souvent aussi, lorsque nous voyons ces bateaux surchargés quitter le port de Mapangu, nombres de passagers sont déjà fébrilement occupés à écoper de l’eau avec des vestiges de seaux, bidons ou autre récipients.

Lorsque nous prenons notre pirogue motorisée pour aller ou venir d’Ilebo, les gens ne comprennent pas pourquoi nous limitons strictement le nombre de passagers et insistons pour que tous soient munis d’un gilet de sauvetage. Il faut dire qu’en plus du courant d’eau qui est assez puissant, il y a régulièrement des tourbillons où même de bons nageurs auraient du mal à garder la tête hors de l’eau. Deux de nos collègues ont, il y a déjà quelque temps à l’occasion d’un pique-nique sur un banc de sable, décidé d’essayer de rejoindre la rive à la nage. Bien que nageurs accomplis, ils ont sagement décidé de mettre un gilet de sauvetage “à tous hasards” et ont reconnu que, même avec cette précaution, leur taux d’adrénaline avait atteint quelques pics avant d’être à bon port… Plus aucun d’entre nous n’a essayé depuis.

La voie de chemin de fer qui relie Ilebo à Lubumbashi fait un peu moins de 1.600 km et, officiellement, il y aurait une liaison par semaine. Aux dires des autorités de la SNCC qui exploite cette ligne, la voie unique date en grande partie de l’époque coloniale et outre les dégradations liées à l’usure et l’érosion, a aussi beaucoup souffert de vols de ballast, de fixations de rails et autres pièces métalliques. Le résultat est une voie dont le parallélisme des rails est illusoire et où les trains avancent parfois à pas d’homme ou doivent s’arrêter le temps de faire un réalignement de fortune pour que le train ne tombe pas des rails… Nous avons fait quelques essais d’envoi d’huile à Lubumbashi par train et l’essai le plus rapide à pris un peu plus d’un mois… mais toute notre marchandise est arrivée plus ou moins en bon état! Le tout donc est d’être patient et d’avoir un peu de chance, ce qui ne fut pas le cas des 32 victimes du déraillement d’un train de marchandises au niveau d’un pont et qui ont péri, noyées elles aussi.

Parmi les victimes nous avons eu plusieurs membres de famille directe de nos travailleurs, mais les personnes ne semblent pas trop affectées si ce n’est pour venir négocier un maximum de compensation auprès de la société car après tout nous sommes le “papa” de tous et il faut soutenir ses “enfants” dans les moments difficiles. Il en va de même dans tous les cas de maladie ou de décès qui sont prétextes pour solliciter de l’argent pour les soins (nous prenons en charge les soins dans notre hôpital mais pas les soins dits “traditionnels” qui souvent ne font que reculer le moment où le malade est amené, trop tard, à l’hôpital) ou pour offrir de l’alcool aux personnes présentes à la veillée. Malheureusement il y a beaucoup de jeunes enfants qui succombent à la malaria ou d’autres maladies souvent liées à une mauvaise hygiène, alimentation et l’aversion à faire appel aux soins médicaux à temps. Nous essayons d’organiser des campagnes de prévention médicale où les personnes présentes (souvent les femmes et personnes âgées) reçoivent des conseils sur les précautions à prendre avec l’eau, l’hygiène corporelle, le planning familial et la prévention du paludisme. Mais une famille moyenne étant composée de 6-7 enfants, souvent avec en plus des “nièces” ou petites ” sœurs” des parents qui viennent aider dans le ménage, et vivant dans une maison qui souvent ne fait pas plus de 20m², il est difficile d’imaginer comment tout ce monde peut dormir en-dessous d’une moustiquaire, pour ne parler que de cela.

Malgré tous ces obstacles, nous continuons de croire que les choses progressent dans le bon sens avec l’aménagement de sources, la réalisation de forages pour de l’eau potable, la distribution de dalles pour latrines et la mise en place de toilettes sèches, la construction ou réhabilitation d’écoles, la prévention naturelle de la malaria, etc. mais le travail est immense et comme les initiatives des autorités sont… nulles et que nous ne pouvons pas tout faire, il faudra encore un peu de temps et de patience…

Dernière anecdote pour ces nouvelles, notre voyage pour venir à Kinshasa il y a deux jours. Comme de coutume lorsque nous voyageons en en milieu de mois, nous avons fait le voyage de Mapangu à Ilebo en pirogue et malgré le fait que ce voyage nous l’avons déjà fait bon nombre de fois, cela reste toujours aussi extraordinairement beau et hors du temps. Les seules autres embarcations sont des petites pirogues creusées dans des troncs d’arbres qui permettent tout juste à une ou deux personnes de s’y tenir debout avec une pagaie et pour lesquelles il faut un sacré sens de l’équilibre et de temps en temps une baleinière plus imposante avec un moteur que l’on entend venir à des kilomètres. A Ilebo tout était calme car c’est la journée de “Salongo”, c’est-à-dire une journée où la population est supposée aider à nettoyer les lieux publiques mais de fait se résume par un ou deux volontaires désignés qui sont supposés remplir des sacs avec de la terre (sans outil) pour essayer d’enrayer l’érosion qui ici aussi creuse de profondes ravines dans les rues. J’ai envie de dire, comme d’habitude, l’avion que nous devions prendre est arrivé avec 2-3 heures de retard et nous avons passé ce temps sur la terrasse du “Business” un bar un peu plus propre de la ville qui sert des boissons fraîches et même un petit quelque chose à grignoter quand il faut. L’avion est finalement arrivé et une fois les bagages et diverses charges à bord nous sommes partis hoquetant sur la piste en herbe qui sert d’aéroport. Il faut savoir que les abords de la piste de l’aéroport d’Ilebo se sont, petit à petit, retrouvés entourés d’habitations et de champs cultivés de maïs et manioc jusqu’aux limites extrêmes de la piste. Comme l’aéroport n’est pas clôturé le spectacle de l’avion qui atterrit et décolle attire moult spectateurs dont beaucoup d’enfants. Lors du décollage, nous étions assis à l’avant de l’avion et de ma place je pouvais voir la piste devant nous où des enfants s’étaient placés au milieu de la trajectoire de l’avion les bras écartés et se jetant sur le côté au dernier moment. Je n’avais encore jamais remarqué cela, si ce n’est que des policiers courent régulièrement sur la piste pour, nous pensions, chasser les animaux en divagation. Certains jeunes semblent avoir parfait l’art d’esquiver l’avion au point de disparaître de vue sous le nez de l’avion au moment où celui-ci prend son envol, phénomène auquel les pilotes sont, semble-t-il habitués…

Nous vous envoyons un grand bonjour de Kinshasa où nous sommes de passage pour quelques jours,

Marc & Marie-Claude


Baleinière sur le Kasaï – “Whaler” on the Kasai river
Kasaï
Village au bord du Kasaï – Village on the Kasai river
Visiteurs de la plantation – Plantation visitors
Fertlisation de la pépinière – Nursery fertilisation
“Business”

In Europe and in developed countries in general, we attach great value to human life, animal suffering and sometimes even the treatment of any living being. Here in Congo, things are different and in our Westerners’ eyes life is generally considered in a very different way and somehow we could be led to think that it is not very valuable.

Thus in recent months there have been several accidents, two shipwrecks on the Kasai and a train derailment which have resulted in a total of nearly a hundred deaths. The number of victims is and will remain approximate because, on the one hand, no one knows how many passengers were on board the overloaded canoes or whaleboats that capsized or the freight train that derailed and ended up in a river, and on the other hand, most of the victims are swept away by the river’s course and are never found. When it comes to overcrowded canoes, it is a euphemism when you see some large boats with hundreds of people on board and only a few centimetres of margin to prevent water from flowing into the canoe. When the water is calm it should not cause too many problems, but knowing that in some places the Kasai River is several kilometres wide and that the combination of water flow and wind can sometimes generate rather impressive waves, the journey seems much more precarious. In addition, the vast majority of passengers who sit in these frail skiffs cannot swim and obviously do not wear life jackets, as there are none. Often, too, when we see these overloaded boats leaving Mapangu port, many passengers are already feverishly busy scooping up water with the remains of buckets, cans or other containers.

When we take our motorised dugout canoe to and from Ilebo, people do not understand why we strictly limit the number of passengers and insist that everyone be wearing a lifejacket. It must be said that in addition to the water flow, which is quite powerful, there are regularly eddies where even good swimmers would have trouble keeping their heads above water. Two of our colleagues decided, some time ago during a picnic on a sandbank, to try to swim to shore. Although accomplished swimmers, they wisely decided to wear a lifejacket and acknowledged that without this precaution (and even with it), their adrenaline levels had reached a few peaks before they were safe….

The railway line linking Ilebo to Lubumbashi is just under 1,600 km long and officially there is reported to be one passenger train per week. According to the SNCC authorities operating this line, the single track dates largely from colonial times and, in addition to wear and tear and erosion-related damages, it has also suffered greatly from the pilferage of ballast, rail fastenings and other metal parts. The result is a track whose parallelism of the rails is illusory and where trains sometimes advance at a man’s pace or have to stop until they make a temporary realignment so that the train does not fall off the rails… We did some tests sending oil to Lubumbashi by train and the fastest trip took a little over a month… however despite the long journey all our goods arrived more or less in good condition! The important thing is to be patient and have a little luck, which was not the case for the 32 victims of a freight train derailment at a bridge and who drowned.

Among the victims we have had several direct family members of our workers, but the people did not seem too affected by their loss, except to come and negotiate maximum compensation with the company because after all we are everyone’s “father” and we have to support our “children” in difficult times. The same applies in all cases of illness or death, which are excuses to request financial aid for care (we pay for care in our hospital but not for so-called “traditional” care, which often only postpones the moment when the patient is brought to the hospital, too late) or to offer alcohol to people present at the wake of a deceased relative. Unfortunately, many young children die of malaria or other diseases often linked to poor hygiene, nutrition and reluctance to seek medical care in time. We try to organize medical prevention campaigns where those present (often women and the elderly) receive advice on precautions to be taken with water, personal hygiene, family planning and malaria prevention. But an average family being composed of 6-7 children, often with in addition to “nieces” or little “sisters” who come to help in the household, and living in a house that is often no more than 20m², it is difficult to imagine how everyone can sleep under a mosquito net, to name just that, or to maintain adequate personal hygiene.

Despite all these obstacles, we still believe that things are progressing in the right direction with the development of springs, the drilling of wells for drinking water, the distribution of latrine slabs and the installation of dry toilets, the construction or rehabilitation of schools, the prevention of malaria with natural methods, etc. But the work is immense and since the authorities’ initiatives are… non existent, and we cannot do everything, it will still take a little time and patience.

Last anecdote for this blog posting, relates to our trip to Kinshasa two days ago. As usual for the middle of the month, we made the trip from Mapangu to Ilebo by canoe and despite the fact that we have already done it many times, it is still extraordinarily timeless. The only other boats are small pirogues dug into tree trunks that allow just one or two people to stand on them with a paddle and for which you need a great sense of balance, and occasionally a larger whaleboat with a motor that you can hear coming from miles away. In Ilebo everything was quiet because it was the day of “Salongo”, i.e. a day when the population is supposed to help clean public places but in fact it is summed up by one or two designated volunteers who are supposed to fill bags with soil (without tools) to try to stop the erosion that here too digs deep ravines in the streets. I am tempted to say, “as usual”, the plane we were supposed to catch arrived 2-3 hours late and we spent that time on the terrace of the “Business” a somewhat better kept bar in the city that serves cold drinks and even a little something to nibble when needed. The plane finally arrived and once the luggage and various loads were on board we hiccupped on the grassy runway that serves as an airport. It should be noted that Ilebo airport has gradually found itself surrounded by houses and the surroundings of the runway, in addition to the corn and cassava fields that are cultivated there up to the edge of the runway. As the airport is not fenced off, the spectacle of the plane landing and taking off attracts many spectators including many children. During take-off, we were sitting at the front of the plane and from my seat I could see the runway in front of us where children had placed themselves in the middle of the plane’s trajectory with their arms spread and threw themselves to the side at the last moment. I had never noticed this before, except that police officers regularly run on the track to, we thought, chase the animals away. Some young people seem to have perfected the art of dodging the plane to the point of disappearing from view under the nose of the plane as it takes off, a phenomenon to which pilots are, it seems, used to…

We send you a big hello from Kinshasa where we are visiting for a few days,

Marc & Marie-Claude

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