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Feu – Fire

Les congolais ont une relation tout à fait particulière avec le feu, logique pour certains aspects et plus compliquée à comprendre pour nous occidentaux par d’autres. Le feu est omniprésent dans la vie du villageois, même si aujourd’hui l’avènement des systèmes d’éclairage de grande capacité avec des piles au lithium et lampes LED a éliminé la nécessité d’une flamme permanente dans les foyers.

La visibilité de l’impact du feu est visible dès que l’on survole le pays, surtout avec l’avion qui nous amène de Kinshasa à Mapangu ou Ilebo, volant à relativement basse altitude et permettant ainsi de distinguer tous les détails ou presque de la vie au niveau de la terre. Le paysage survolé est bariolé de grandes taches noires, souvent au milieu de nulle part en savane ou à l’orée d’une forêt, qui dénotent des zones récemment brûlées et dont les contours laissent généralement penser qu’ils sont dus au hasard plutôt qu’une volonté de dégager une zone spécifique. Parfois ces zones côtoient des habitations (presque toutes construites en pisé avec des toits en feuilles de palmes), mais je n’ai pas encore vu de constructions brûlées, donc il doit y avoir un certain contrôle de la progression des feux.

La raison de ces feux de brousse n’est pas toujours très claire. L’on pourrait croire que c’est pour préparer des champs ou renouveler l’herbe pour le pâturage des animaux, mais ce sont des zones où il est rare de voir des cultures d’aucune sorte et les zones savanicoles sont presque toutes dépourvues de bétail, quelque soit la sorte. Des anciennes personnes de la région, avec qui nous échangeons de temps en temps, m’ont expliqué que les feux de brousse étaient une tradition au village et que ceux qui habitent en ville ont des regrets principalement parce qu’ils ne peuvent pas participer à ces activités. Je leur ai fait remarquer que souvent, quand nous passons à côté de la savane en feu, nous n’y voyons personne qui pourrait être responsable de la mise à feu ou de son contrôle et encore moins de la raison pour laquelle cette mise à feu est tellement prisée.

L’origine de ces feux de brousse traditionnels est multiple, disent les anciens. D’abord la culture des villageois du Kasaï est de vivre de la chasse et de la cueillette et, lorsqu’il y avait encore un peu de gibier…, il était coutumier pour le village de se rassembler pour mettre le feu d’un côté tandis que de l’autre les chasseurs guettaient le gibier qui aurait tenté de fuir la progression des flammes. Malgré le fait que le gibier d’aujourd’hui soit réduit à quelques rongeurs et petits oiseaux, la tradition de mettre le feu persiste mais seuls les enfants essayent encore de capturer ou trouver les petits animaux qui auraient eu la témérité de survivre dans la savane jusqu’à ce jour. Je n’ai pas retrouvé des preuves ou documents pouvant l’attester, mais je crois que les zones herbeuses qui parsèment la région et que nous appelons savane étaient à l’origine des zones forestières qui ont petit à petit été transformées par le passage répété de feux qui ont graduellement éliminé toute trace de forêt, à l’exception de quelques buissons qui résistent à l’effet de la chaleur des flammes. La base de ma théorie repose sur le fait que les forêts avoisinant la plantation sont graduellement envahies pour faire des champs de maïs et ensuite de manioc. Même si les grands arbres ne sont pas abattus ou autrement éliminés, le simple fait de supprimer le sous-bois fait qu’ils meurent et finissent pas tomber suite à l’assaut combiné des termites et de la collecte de bois. Des zones qui étaient couvertes de forêt intacte quand nous sommes arrivés il y a 3 ans sont maintenant des zones dénudées qui deviendront sans doute de la savane si le feu y sévit régulièrement.

Ensuite il y a des raisons sécuritaires car, lorsque les fauves comme le léopard étaient encore présents dans la région, il était impératif de se protéger (en particulier les enfants) en assurant une aire dégagée autour des villages et le seul moyen disponible pour garder une végétation courte était le feu. Les fauves ont disparu depuis belle lurette mais cette nécessité de dégager les abords des villages et maisons est restée dans les mœurs, aujourd’hui vaguement justifié par le risque que représentent les serpents. C’est probablement pour la même raison, et je disgresse un moment du sujet de ces nouvelles, que les abords des maisons est ici traditionnellement tout à fait dénudé au point que la première chose que tout habitant respectable doit faire c’est balayer sa parcelle. Dans un petit village cette pratique ne porte pas trop à conséquences et lorsque le village est entouré d’une zone sauvage de savane et/ou restes de forêt il est imaginable que cette pratique réduit le nombre de bêtes indésirables venant dans les maisons. Mais dans une cité comme Mapangu, qui compte aujourd’hui plus de 35.000 habitants, les effets de cette habitude est dévastatrice car lors des pluies il n’y a pratiquement pas d’infiltration et donc toute l’eau ruisselle, s’accumule et le flot qui en résulte crée des problèmes d’érosion accentués par le fait qu’il n’y a que du sable…

Revenons à nos moutons, le feu. Il est probable qu’occasionnellement le feu soit le résultat de d‘un éclair « bien » placé, phénomène que nous avons vécu dans l’huilerie il y a quelques jours où la foudre est tombée sur une conduite (d’huile) de l’usine qui a immédiatement pris feu. Il est donc probable que lorsque la foudre tombe sur une herbe un peu sèche en savane le même résultat soit obtenu et que certaines des taches noires observées depuis le ciel sont isolées parce qu’elle ne sont pas le fait de l’homme mais de l’éclair.

Outre les effets du feu sur le paysage, le feu de bois ou indirectement celui du charbon de bois est ici le seul combustible disponible pour faire la cuisine, bouillir de l’eau ou même faire le repassage. Les quelques rares personnes qui sont raccordées au réseau électrique de notre usine peuvent faire un peu de cuisine sur des plaques chauffantes, mais sinon seuls les expatriés (pas tous) ont des cuisinières à gaz dont le combustible doit être importé car la RDC ne produit pas de gaz domestique. L’utilisation du charbon de bois est réservée aux personnes qui ont des moyens financiers pour en acheter tandis que la majorité restante utilise du bois ramassé dans les restes des forêts qui entourent la plantation, parfois à plusieurs heures de marche de leur domicile. Il n’est pas rare de voir hommes et/ou femmes revenant du travail avec un énorme tronc d’arbre sur la tête qui servira à chauffer la soupe pendant les prochains jours. Le bois ramassé est rarement tout à fait sec, mais comme l’approvisionnement est généralement en flux tendu il est utilisé tel quel dans la maison et génère souvent des quantités impressionnantes de fumée. Les premières maisons que nous avons construit pour nos travailleurs avaient des cuisines attachées à la maison. Nous pensions ainsi rendre les choses plus faciles pour nos travailleurs et étions étonnés de voir ces cuisines utilisées comme débarras avec une hutte un peu plus loin de la maison servant de cuisine. La raison est très simple, la fumée du feu de la cuisine, qui brûle en quasi permanence, trouvait son chemin dans le reste de la maison et je passe la description de la cuisine elle-même après seulement quelques semaines d’utilisation… Les maisons que nous construisons maintenant sont dépourvues de cuisine car même celles qui ont été équipées d’une cheminée se sont révélées être un échec.

De même que la distribution de lampes solaires que nous avons mis en place depuis près de 3 ans (lampes Waka-Waka découvertes grâce à mon meilleur ami qui se reconnaîtra) et qui ont permis d’équiper plus de 2.000 foyers à ce jour, nous avons initié la distribution de foyers améliorés. Ne vous attendez pas à quelque chose d’extraordinaire, il s’agit simplement d’un brasero en tôle dans lequel est placé un réceptacle en céramique qui permet d’économiser jusqu’à 50% de combustible (charbon de bois) et devrait ainsi encourager les travailleurs à utiliser un combustible plus sain qui peut s’utiliser également dans une cuisine moderne (dans la maison).

Il est possible d’acheter des allumettes (de fabrication locale) sur le marché, mais outre le fait que seuls des experts arrivent à les allumer, la population considère que c’est une dépense inutile et qu’il est préférable d’utiliser une braise d’un feu existant. Ainsi il est fréquent de voir une femme au bord de la route avec un panier ou une bassine sur la tête dont émane de la fumée, ce sont en fait quelques braises emballées dans plusieurs couches de feuilles de banane qui sont ainsi véhiculées, parfois sur un trajet de plusieurs heures, afin de pouvoir démarrer un feu facilement à destination.

Je pourrais encore vous parler de nombreux autres aspects du feu au Kasaï, mais il faut garder des choses à narrer dans une prochaine missive et utiliser cette excuse pour clôturer ces nouvelles, en espérant qu’elles vous trouveront bien.

A très bientôt vous lire,

Marc & Marie-Claude

Rien à voir avec le feu, mais je ne pouvais résister à partager cette photo de notre petite-fille – Nothing to do with fire, but I could not resist sharing this picture of our grand-daughter

The Congolese have a very particular relationship with fire, logical for some aspects and more complicated for us Westerners to understand by others. Fire is omnipresent in the villagers’ lives, even if today the advent of high-capacity lighting systems with lithium batteries and LED lamps has eliminated the need for a permanent flame in the homes.

The visibility of the impact of fire is noticeable as soon as you fly over the country, especially with the plane that takes you from Kinshasa to Mapangu or Ilebo, flying at relatively low altitude and thus making it possible to distinguish all or almost all the details of life on the ground. The landscape overflown is variegated with large black areas, often in the middle of nowhere in the savannah or on the edge of a forest, which indicate recently burned areas and whose contours generally suggest that they are due to chance rather than a desire to clear a specific area. Sometimes these areas are next to houses (almost all built of mud with palm leaf roofs), but I have not yet seen any burnt buildings, so there must be some control over the progress of the fires.

The reason for these bushfires is not always very clear. One might think it is to prepare fields or renew grass for animal grazing, but these are areas where it is rare to see crops of any kind and savannah areas are almost all devoid of livestock of any kind. Some elder people from the region, with whom we talk from time to time, explained to me that bushfires were a tradition in the village and that those who live in the city have regrets mainly because they cannot participate in these activities. I pointed out to them that often, when we pass by the burning savannah, we do not see anyone who could be responsible for the fire or its control, let alone why it is so popular.

The origin of these traditional bushfires is multiple, say the elders. First, the culture of the villagers of Kasai is to make a living from hunting and gathering and, when there was still some game…, it was customary for the village to gather to set fire to one side while on the other side the hunters were watching for the game that would have tried to escape the progression of the flames. Despite the fact that today’s game is reduced to a few rodents and small birds, the tradition of setting fires persists but only children still try to capture or find small animals that would have had the temerity to survive in the savannah until now. I have not found any evidence or documents to support this, but I believe that the grassy areas that dot the region and that we call savannah were originally forested areas that were gradually transformed by the repeated passage of fires, with the exception of a few bushes that resist the effect of the heat of the flames. The basis of my theory is that the forests around the plantation are gradually invaded to grow corn and then cassava. Even if large trees are not felled or otherwise removed, the simple fact of removing the undergrowth causes them to die and eventually fall as a result of the combined assault of termites and wood collection. Areas that were covered with intact forest when we arrived 3 years ago are now bare areas that are likely to become savannah if there is regular fire.

Then there are security reasons because, when wild animals such as the leopard were still present in the region, it was imperative for villagers to protect themselves (especially children) by ensuring an open area around villages, and the only way to keep vegetation short was through fire. Wild animals have long since disappeared, but this need to clear the surroundings of villages and houses has remained a common practice, nowadays vaguely justified by the risk posed by snakes. It is probably for the same reason, and I digress for a moment from the subject of this posting, that the surroundings of the houses here are traditionally so bare that the first thing every respectable inhabitant must do is sweep his plot of any debris that could have settled on the ground overnight. In a small village this practice does not have too many consequences and when the village is surrounded by a wild area of savannah and/or forest remains it is conceivable that this practice reduces the number of unwanted animals coming into the houses. But in a city like Mapangu, which now has more than 35,000 inhabitants, the effects of this habit are devastating because during the rains there is practically no infiltration and therefore the water just  accumulates and the resulting flow creates erosion problems accentuated by the fact that there is only sand…

Let’s get back to our business, fire. It is likely that occasionally the fire is also the result of a “well placed” lightning, a phenomenon we experienced in the oil mill a few days ago when the lightning struck a (oil) pipe of the factory that immediately caught fire. It is therefore likely that when lightning strikes a slightly dry grass in the savannah the same result is obtained and that some of the black areas observed from the sky are isolated because they are not the result of man’s doing but of lightning.

In addition to the effects of fire on the landscape, wood or indirectly charcoal is the only fuel available here for cooking, boiling water or even ironing. The few people who are connected to our factory’s power grid can do some cooking on hotplates, but otherwise only expatriates (not all) have gas stoves whose fuel must be imported because the DRC does not produce domestic gas. The use of charcoal is reserved for people who have the financial means to buy it, while the remaining majority use wood collected from the remains of the forests surrounding the plantation, sometimes several hours’ walk from their homes. It is not uncommon to see men and/or women returning from work with a huge tree trunk on their heads that will be used to heat the soup for the next few days. The wood collected is rarely completely dry, but as the supply is generally just-in-time, it is used as it is in the house and often generates impressive amounts of smoke. The first houses we built for our workers had kitchens attached to the house. We thought this would make things easier for our workers and were surprised to see these kitchens used as storage rooms with a hut a little further away from the house used as a kitchen. The reason is very simple, the smoke from the kitchen fire, which burns almost permanently, found its way into the rest of the house and I pass the description of the kitchen itself after only a few weeks of use… The houses we are now building have no kitchen because even those with a chimney have proven to be a failure.

As well as the distribution of solar lamps that we have set up for nearly 3 years (Waka-Waka lamps discovered thanks to my best friend who will recognize himself) and which have made it possible to equip more than 2,000 homes to date, we have initiated the distribution of improved stoves. Don’t expect something extraordinary, these are just a sheet metal brazier with a ceramic receptacle in it, but it saves up to 50% of fuel (charcoal) and should encourage workers to use a healthier fuel in addition to the fact that these stoves can also be used in a modern kitchen (inside the house).

Matches (locally made) can be purchased on the market, but in addition to the fact that only experts can light them, the population considers that this is an unnecessary expense and that it is preferable to use an ember from an existing fire. Thus it is frequent to see someone walking along the side of the road with a basket or basin on his/her head from which smoke emanates, these are in fact a few embers packed in several layers of banana leaves that are thus transported, sometimes over a journey of several hours, in order to start a fire easily at its destination.

I could still talk to you about many other aspects of the fire in Kasai, but one has to keep things in reserve to tell in a future posting and use this excuse to conclude here for this week, hoping that it will find you well.

We look forward to hearing from you,

Marc & Marie-Claude

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