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Mardi, avec notre avion du mois, Marie-Claude a rejoint la plantation après plus de deux mois d’absence. Cet exil prolongé n’était pas prévu, mais vu l’incertitude sur l’état de sécurité à Mapangu nous avions choisi de revenir en différé. Avec le recul ce n’était probablement pas nécessaire mais comme il se dit “avec si on peut mettre Paris en bouteille”.
Dans le même avion, nous avons également accueilli le directeur technique du groupe Socfin qui est venu passer quelques jours à Mapangu pour faire le point sur nos installations (huilerie, garage, etc.). Pendant sa courte visite, il est resté seulement deux jours sur place avant de repartir à Kinshasa via Ilebo ce vendredi, les déjeuners et dîners se sont succédé et nous avons probablement mangé et bu plus en deux jours que toute une semaine normale.
Cela ne nous a pas empêché de retrouver tous les expatriés pour un déjeuner à la Cathédrale hier midi, car exceptionnellement nous avoins un long week-end à l’occasion de la fête nationale de la RDC. Au-delà du plat principal qui était délicieux, Marie-Claude nous a gâté avec une tarte tatin aux pommes et noix qui était particulièrement réussie et bonne. Tout le monde ayant été très raisonnable, il en reste même quelques morceaux pour faire une deuxième dégustation pour me permettre de confirmer si réellement cette tarte est aussi exceptionnelle que lors du déjeuner de hier.
Aujourd’hui c’est le cinquante neuvième anniversaire de l’indépendance du Congo, mais, à l’instar des trois années précédentes, les autorités ont décidé qu’il n’était pas approprié d’organiser de défilé ou de manifestation publique pour des raisons de sécurité. Il faut dire que la semaine dernière était consacrée aux examens d’état qui mobilisent toutes les autorités locales (policières, renseignement, administratives et même militaires), officiellement, pour s’assurer que les examens se déroulent en toute impartialité, pratiquement, parce que tous veulent leur part du gâteau… Officiellement les élèves doivent s’acquitter d’une inscription aux examens de 35.000 francs, mais certaines écoles et inspecteurs de Mapangu n’hésitent pas à demander jusqu’à 150.000 francs sous prétexte de devoir couvrir des frais de mission et de logistique, la différence étant pour la poche des “autorités” locales. Ce racket se déroule chaque année et personne ne semble pouvoir ou vouloir dénoncer le processus de peur de voir leurs enfants refoulés aux examens, probablement aussi car “le gâteau” est partagé jusqu’aux plus hauts échelons de l’administration. Beaucoup de travailleurs (et non-travailleurs) sont obligés de s’endetter fortement pour que leur(s) enfant(s) puisse(nt) être admis aux examens. Quand j’appelle les préfets des écoles de Mapangu pour comprendre ce qui se passe, ils me jurent les grands dieux que le tarif officiel est strictement appliqué, mais quand je propose de venir payer moi-même ce montant contre réception d’un reçu officiel toutes sortes de complications sont avancées pour expliquer que c’est aux élèves de venir régler cela eux-même parce que parfois ils ont des dettes pour du matériel ou d’autres services non-payés.
Une autre raison, officieuse celle-là, pour laquelle les manifestations de célébration de la fête nationale ont été supprimée est beaucoup plus typique d’ici, à savoir le risque pour les hommes de perdre leur sexe. Je devine que cela demande quelques lignes d’explications car, moi non plus, je n’ai pas bien compris le problème. A la base, il circule une rumeur comme quoi certaines personnes seraient dotées de pouvoirs magiques qui leur permettent de dérober le sexe d’un homme en lui serrant simplement la main. Ce ne serait rien si les autorités, y compris notre médecin, le chef de secteur et d’autres notables, n’étaient pas convaincus de la véracité de ces allégations, au point d’émettre une recommandation officielle d’éviter de serrer la main des personnes rencontrées. Cela va jusqu’au point ou lors des célébrations à l’église, lorsque vient le moment pour la congrégation de se serrer la main avec ses voisins, les recommandations sont de simplement faire un petit geste mais d’éviter le contact physique. Il va sans dire que personne n’est en mesure de témoigner avoir vu de ses propres yeux une personne ayant été dérobée de ses attributs masculins et encore moins d’avoir vu l’effective absence des attributs. En attendant, dans l’ignorance de ce grave fléau, je continuais à serrer la main de mes collaborateurs et travailleurs. Mon directeur des relations publiques m’a entre-temps informé que compte tenu des circonstances (auxquelles il ne donne évidemment aucune crédibilité…???) il serait préférable que je ne serre plus la main des gens….
Ce n’est pas la première fois et certainement pas la dernière fois que des rumeurs farfelues circulent dans le coin. La dernière fois l’histoire était que le chef de secteur et notre directeur des relations publiques étaient impliqués avec les expatriés dans un trafic d’organes humains. Ici la frontière entre la réalité et le mystique est très vague et tout ce qui ne s’explique pas tout à fait clairement dans la tête des gens est forcément lié à de la magie. Ainsi notre médecin a eu une inflammation du pied qui a gonflé et était fort douloureux, probablement le résultat d’une infection, mais selon le médecin (et là, les choses deviennent quand même inquiétantes) c’était le résultat d’un sort qui lui avait été jeté… Il n’est donc pas nécessaire d’expliquer en détail pourquoi, en cas de problème médical, nous préférons nous rendre à Kinshasa ou en Europe.
En espérant que ces quelques lignes vous trouveront bien et dans l’attente de vos nouvelles,
Marc & Marie-Claude
On Tuesday, with our monthly plane to Mapangu, Marie-Claude rejoined me on the plantation after more than two months of absence. This prolonged exile was not planned, but given the uncertainty about the security situation in Mapangu, we chose to return in a staggered manner. With hindsight this was probably not necessary but with hindsight everything is possible.
In the same plane, we also welcomed the technical director of the Socfin group who came to Mapangu for a few days to review our facilities (oil mill, garage, etc.). During his short visit, he stayed only two days here before leaving for Kinshasa via Ilebo on Friday, lunches and dinners followed one another and we probably ate and drank more in two days than in a normal week.
This did not prevent us from meeting all the expatriates for a lunch at the Cathedral yesterday, because exceptionally we are having a long weekend on the occasion of the DRC’s national holiday. Beyond the main course which was delicious, Marie-Claude spoiled us with a particularly successful and delicious apple and walnut tatin pie. Everyone having been very reasonable, there are even a few pieces left to make a second tasting, which may enable me to confirm if really this pie is as exceptional as it was during yesterday’s lunch.
Today is the fifty-ninth anniversary of Congo’s independence, but, as for the previous three years, the authorities have decided that it is not appropriate to hold a parade or public demonstration for security reasons. It must be said that last week was devoted to the school’s state exams that involve all local authorities (police, intelligence, administrative and even military), officially, to ensure that the reviews are conducted in complete impartiality, practically, because everyone wants their share of the cake… Officially, students must pay 35,000 francs for exam registration, but some schools and inspectors in Mapangu do not hesitate to ask up to 150,000 francs on the pretext of having to cover mission and logistics costs, the difference being for the pocket of the local “authorities”. This racket takes place every year and no one seems to be able or willing to denounce the process for fear of having their children turned away for exams, probably also because the “cake” is shared up to the highest levels of the administration. Many workers (and non-workers) are forced to incur significant debt in order for their child(ren) to be admitted to the examinations. When I call the heads of the Mapangu schools to understand what is going on, they swear to the gods that the official rate is strictly applied, but when I propose to come and pay this amount myself against receipt of an official receipt, all kinds of complications are put forward to explain that it is up to the students to come and pay for it themselves because sometimes they have debts for unpaid equipment or other services accrued during the school year.
Another reason, unofficial that one, for which the parade and other events celebrating the national holiday have been suppressed is much more typical of here, namely the risk for men to lose their sex. I guess this statement requires a few lines of explanation because I didn’t understand the problem either. Basically, there is a rumour that some people have magical powers that allow them to steal a man’s sex by simply shaking his hand. It would be nothing if the authorities, including our doctor, the sector head (mayor) and other notables, were not convinced of the truth of these allegations, to the point of issuing an official recommendation to avoid shaking hands when meeting people, whether known or not. This goes to the point that during church celebrations, when it comes time for the congregation to shake hands with its neighbours, the priest recommendations are to simply make a small gesture but avoid physical contact. It goes without saying that no one is able to testify that they have seen with their own eyes a person who has been robbed of their male attributes, let alone that they have seen the actual absence of the attributes. In the meantime, in ignorance of this serious scourge, I continued to shake hands with my collaborators and workers. In the meantime, my Director of Public Relations has informed me that given the circumstances (to which he obviously gives no credibility…???) it would be better if I no longer shake hands with people….
This is not the first time and certainly not the last time that crazy rumours are circulating in the area. The last time the story was that the local mayor and our public relations director were involved with expatriates in human organ trafficking. Here in Mapangu the boundary between reality and mysticism is very vague and everything that is not quite clearly explained in people’s minds is necessarily linked to magic. Even our doctor, who had an inflammation of the foot that swelled and was very painful, probably the result of an infection, was convinced (and things are getting worrying anyway) that it was the result of a spell that had been cast on him… It is therefore not necessary to explain in detail why, in the event of a medical problem, we prefer to travel to Kinshasa or Europe.
We hope that these few lines will find you well and waiting for your news,
Marc & Marie-Claude