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Quand on vit en brousse comme nous, sur notre île du Kasaï, loin du stress de la ville, du trafic, du bruit, de la lumière omniprésente, de la pollution, il est aisé de penser que l’on vit dans un endroit qui doit être reposant. Ce serait peut-être encore plus le cas si nous étions réellement sur une île avec la mer et la plage où l’on pourrait s’installer sous les cocotiers pour profiter de la quiétude des lieux.
Ici il n’y a pas la plage à proprement parler, mais depuis la reprise de la saison sèche le niveau de l’eau de la rivière Kasaï a rapidement baissé révélant des bancs de sable où il est possible d’aller s’installer pour un barbecue et où les plus courageux vont se baigner dans la rivière en évitant les zones de fort courant et tourbillons. Aller jusqu’au bancs de sable nécessite toutefois toute une logistique et n’est pas quelque chose que nous pouvons faire de manière impulsive ou seuls. Outre le piroguier et matelot qui sont nécessaires pour nous amener à bon port, le banc de sable est dénué de toute forme d’abris (il est sous l’eau pendant plus de six mois de l’année) et il faut donc aussi y construire une paillote pour ne pas être grillés vifs par le haut (le soleil) et le bas (le sable devient extrêmement chaud).
Pour palier à cela, nous avons investi dans une petite piscine surélevée que nous allons installer près de la Cathédrale. A défaut de sable cela nous permettra de faire quelques brasses en rentrant du travail ou durant le week-end. La piscine doit toutefois encore arriver, elle était supposée être chargée sur une barge qui est arrivée chez nous la semaine passée, mais c’est sans compter sur le fait que nous sommes au Congo et que le transporteur à oublié de la mettre à bord…
Il est indéniable que le fait de ne pas avoir d’artère routière fonctionnelle et/ou importante dans les environs (même éloignés), pas d’électricité généralisée, pas d’industrie polluante et un paysage généralement sauvage assure un environnement où les seuls bruits sont ceux du vent, des oiseaux, des insectes et occasionnellement les cris, chants ou autres bruits humains dans la distance. Nous bénéficions d’un air qui ne pourrait être plus propre puisque nous sommes entourés de plantes, arbres et autre végétaux qui éliminent les rares petites particules indésirables qu’il pourrait y avoir dans l’air. Cela ne veut pas dire que nos véhicules ne génèrent pas des crasses dans l’air, certains de nos camions sont de vrais fumigènes dont les émanations gazeuses échoueraient sans aucun doute tout test de contrôle technique en Europe, mais compte tenu de leur nombre limité sur une étendue gigantesque leur impact est imperceptible dans notre environnement.
Un autre bénéfice de notre région est le fait d’avoir des ciels étoilés comme il n’est plus possible de voir en Europe, à quelques rares exceptions près (quand il ne fait pas nuageux évidemment). Je me souviens de la magie de la voie lactée lors de nos premières vacances en Espagne, époque où il n’y avait que les petits villages qui avaient de l’électricité et le reste de la vallée devant la maison était sinon plongée dans l’obscurité quasi totale avec un ciel exceptionnel de clarté. En Espagne, du moins dans les environs où nous allions en vacances, cette magie n’existe plus, mais ici les ciels resteront probablement encore longtemps indemnes de la pollution de lumière.
Quand je pars à l’appel le matin ou je me déplace dans la plantation à n’importe quelle heure de la journée, le seul trafic que je risque de croiser est un tracteur ou camion qui transporte la récolte entre la plantation et l’huilerie. Le risque d’embouteillage est une illusion que les gens d’ici ont du mal à imaginer, d’autant plus qu’ici tous les chauffeurs et moi nous nous connaissons, donc le retard éventuel serait plus lié à un arrêt pour discuter plutôt que de faire la file derrière d’autres véhicules. En plus quand les autres véhicules voient ma voiture arriver, privilège de DG obligeant, ils se mettent de côté pour me laisser passer.
Donc on est en droit de s’imaginer que la vie ici est assez relax, pas de stress et tout et tout. Pour certains aspects c’est vrai, mais pour d’autres c’est tout du contraire à commencer par les heures de travail qui frisent souvent avec 13 ou 14 heures par jour, certes avec une pause d’une petite heure à midi. Heureusement il y a le dimanche pour souffler un peu et s’occuper des choses qui n’ont pas un lien direct avec le travail, comme par exemple écrire ces nouvelles.
De même, le fait de vivre en quelque sorte sur une “île”, il n’est pas question de filer rapidement chez un fournisseur pour aller chercher le produit qui nous manque. Pour la maison nous sommes organisés et planifier nos achats de manière mensuelle ne pose pas trop de problèmes, mais quand il s’agit des pièces de rechange pour l’huilerie ou les véhicules c’est une autre histoire. Beaucoup de nos pièces doivent être importées et quand il s’agit de blocs moteur, pièces d’usine, etc. qui pèsent individuellement plusieurs centaines de kilos, cela doit venir par bateau. Ainsi certaines de nos commandes arrivent plus de 12 mois après les avoir passées à cause de tous les délais et points d’attente en cours de route. Je puis vous assurer que prévoir plus de 12 mois à l’avance quelles pièces de rechange nous aurons besoin n’est pas une science exacte et il y a des moments où cette incertitude est tout sauf relaxante. Dans certains cas extrêmes nous en arrivons à fabriquer nous-mêmes des pièces mécaniques (roue dentée pour boite de vitesse, axes de transmission, etc.) pour ne pas être bloqués et puis dans d’autre cas les pièces commandées, quand elles nous arrivent finalement, ne correspondent pas à ce que nous avons besoin. C’est le cas en particulier des pièces pour nos camions Kamaz (russes) qui semblent changer de références de manière fréquente mais sans réelle possibilité de contrôle, ce qui ne nous aide pas.
Finalement, la saison sèche et les bancs de sable n’aident pas à la navigation fluviale et, combinant cela avec de sérieux problèmes logistiques au port d’Ilebo où les barges doivent parfois attendre 4 mois pour être déchargées, les barges qui sont supposées évacuer notre huile ne viennent pas ou ne peuvent charger qu’une infime partie de leur capacité. Entre temps nos cuves se remplissent et on voit le moment où nous serons obligés de tout mettre à l’arrêt à cause d’une capacité d’évacuation insuffisante, ce qui n’est pas exactement relaxant ! Jusqu’à présent nous avons chaque fois réussi à éviter ce genre de désastre, nous devrions arriver à encore une fois contourner le problème, mais je croise quand même les doigts.
Nous espérons avoir de vos nouvelles,
Marc & Marie-Claude
When one lives in the bush like us, on our Kasai “island”, far from the stress of the city, the traffic, the noise, the omnipresent light, the pollution, it is easy to think that we live in a place that must be relaxing. This would perhaps be even more the case if we were really on an island with the sea and the beach where we could settle under the coconut trees to enjoy the tranquility of the place.
There is no beach here strictly speaking, but since the dry season resumed, the water level of the Kasai River has quickly dropped, revealing sandbanks where it is possible to go for a barbecue and where the most courageous go swimming in the river avoiding areas of strong currents and whirlpools. However, going to the sandbanks requires a whole logistic setup and is not something we can do on impulse or alone. In addition to the dugout canoe and sailor who are necessary to get us to our destination, the sandbank is devoid of any form of shelter (it is under water for more than six months of the year) and it is therefore also necessary to build a straw hut so as not to be grilled alive from the top (the sun) and the bottom (the sand becomes extremely hot).
To compensate for this, we have invested in a small raised swimming pool that we will install near the Cathedral. Even thought there will be no sand or beach, it will allow us to swim a few strokes when we get home from work or during the weekend. However, the pool still has to arrive, it was supposed to be loaded on a barge that arrived here last week, but that’s without counting on the fact that we are in Congo and that the carrier forgot to put it on board…
It is undeniable that the fact of not having a functional and/or important road artery in the surroundings (even far away), no generalized electricity, no polluting industry and a generally wild landscape all around us ensures an environment where the only noises are those of the wind, birds, insects and occasionally screams, songs or other human noises in the distance. We enjoy an air that couldn’t be cleaner since we are surrounded by plants, trees and other plants that remove the rare small unwanted particles that may be in the air. This does not mean that our vehicles do not generate dirt in the air, some of our trucks are real smoke generators whose gaseous emissions would undoubtedly fail any roadworthiness test in Europe, but given their limited number over a huge area their impact is imperceptible in our environment.
Another benefit of our region is the fact that it has starry skies like it is no longer possible to see in Europe, with a few rare exceptions (when it is not cloudy of course). I remember the magic of the Milky Way during our first holidays in Spain, when there were only the small villages with electricity and the rest of the valley in front of the house was otherwise almost completely dark with an exceptional skylight. In Spain, at least in the surroundings where we used to go on holiday, this magic no longer exists, but here the skies will probably remain free of light pollution for a long time to come.
When I leave for muster in the morning or move around the plantation at any time of the day, the only traffic I may encounter is a tractor or truck that transports the crop between the plantation and the oil mill. The risk of traffic jams is an illusion that people here have a hard time imagining, especially since here all the drivers know each other, so the possible delay would be more related to a stop to chat rather than queuing up behind other vehicles. In addition, when the other vehicles see my car arrive, GM privilege obliging, they put themselves aside to let me pass.
So we are entitled to imagine that life here is quite relaxed, no stress and all that. For some aspects this is true, but for others it is quite the opposite, starting with working hours, which are often close to 13 or 14 hours a day, even though with a break of about one hour at noon. Fortunately, there is Sunday to take a break and take care of things that are not directly related to work, such as writing this posting
Likewise, living on an “island” of sorts, there is no question of rushing to a supplier to get the product we need. For the house we are organized and planning our purchases on a monthly basis does not pose too many problems, but when it comes to spare parts for the oil mill or vehicles it is another story. Many of our parts have to be imported and when it comes to engine blocks, factory parts, etc. that individually weigh several hundred kilos, it has to come by boat. Thus some of our orders arrive more than 12 months after having placed the order, because of all the delays and waiting points along the way. I can assure you that predicting more than 12 months in advance what spare parts we will need is not an exact science and there are times when this uncertainty is anything but relaxing. In some extreme cases we manage to manufacture mechanical parts ourselves (gearwheel for gearboxes, transmission axles, etc.) so as not to be blocked and then in other cases the parts ordered, when they finally arrive, do not correspond to what we need. This is particularly the case for parts for our Kamaz (Russian) trucks, which seem to change references frequently but without any real possibility of control, which does not help us.
Finally, the dry season and the sandbanks do not help inland navigation and, combined with serious logistical problems at the port of Ilebo where barges sometimes have to wait 4 months to be unloaded, the barges that are supposed to transport our oil do not come or can only load a small part of their intended capacity. In the meantime our tanks are filling up and we see the moment when we will have to shut down everything because of insufficient storage capacity, which is not exactly relaxing! So far we have managed to avoid this kind of disaster every time, we should be able to get around the problem again, but I am keeping my fingers crossed.
We look forward to hearing from you,
Marc & Marie-Claude