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Parfois on pourrait avoir l’impression d’être comme les visiteurs, non pas du moyen age vers les temps modernes mais l’inverse, c’est évidemment tout à fait exagéré car le Congo et le Kasaï ne sont certainement pas restés isolés des développements du monde, mais certaines choses, assez fondamentales, sont manifestement restées inchangées depuis très longtemps.
Les exemples les plus frappants sont les moyens de navigation fluviaux, les habitations et les croyances magiques.
Sur le Kasaï la navigation se fait quasi exclusivement avec des pirogues creusées dans des troncs d’arbres mus au moyen de pagaies elles aussi façonnées à partir d’une seule pièce en bois. Les pirogues sont parfois tellement étroites qu’il est seulement possible de s’y tenir debout un pied devant l’autre et exigent un sens de l’équilibre assez extraordinaire car le centre de gravité de ces embarcations avec une personne debout est nécessairement bien au-dessus du niveau de l’eau. Il est assez facile d’imaginer qu’il y a des centaines voire milliers d’années le moyen de locomotion sur l’eau était absolument identique, la seule différence étant que maintenant il y a aussi des pirogues équipées de moteurs hors-bord, mais cela reste des exceptions. Il est aussi probable que dans le passé il y avait des pirogues qui étaient beaucoup plus grandes fabriquées au départ d’arbres gigantesques, alors qu’aujourd’hui les plus grandes embarcations sont assemblées avec des planches et du goudron, même si heureusement les grands arbres n’ont pas encore tout à fait disparus. Ces pirogues ne sont pas des reliques du passé car dans les villages au bord des cours d’eau la fabrication de pirogues continue et il n’est pas difficile de trouver un artisan pour fabriquer une embarcation selon les dimensions souhaitées (et la disponibilité d’un arbre répondant aux besoins).
Dans les villages, la population habite dans des cases fabriquées avec des sticks de bois entre lesquels on tresse de plus petites branches qui sont ensuite enduites de boue pour faire les murs. La construction est chapeautée par une structure couverte de rameaux de palme dont les couches superposées assurent une relative étanchéité en cas d’averses. Le sol est de terre battue et les meubles (couches en particulier) sont fabriquées avec des rameaux de palmes assemblés au moyen de pointes en bois (“chevilles”) ou grosses épines. De même que les pirogues, il est difficile d’imaginer qu’à l’époque des premiers explorateurs voire même avant les habitations aient été fort différentes car même aujourd’hui la majorité des maisons n’ont ni eau ni électricité, la cuisine est le plus souvent faite sur un feu de bois sous un abris ou une petite construction séparée dont la couleur noircie suggère la présence prolongée de fumée. Certes de nos jours certaines maisons dans les villages plus affluents sont dotées de toits en tôles et sont parfois construites avec des briques en terre pressée, on y voit également l’un ou l’autre panneau solaire et exceptionnellement même une parabole de télévision, mais à la base les villages ont très peu changé et certains petits villages en brousse pourraient être transposés au moyen age sans que personne ne se rende compte qu’il a en fait été construit au 21ième siècle.
Le troisième thème qui nous parait médiéval est la magie, ici beaucoup de choses telles que maladie, décès, panne, problème technique, etc. trouve son explication dans un acte de magie, généralement malicieux. Certaines croyances sont assez banales comme par exemple l’organisation d’une cérémonie traditionnelle avant de réaliser un forage pour assurer que celui-ci produira de l’eau en abondance ou consacrer une nouvelle construction aux ancêtres de la communauté. Mais ces croyances vont beaucoup plus loin, ainsi lorsque nous avons dû évacuer la plantation à cause des menaces de milices Kamuina Nsapu, les notables de Mapangu envisageaient très sérieusement de réaliser un sacrifice humain pour la protection de la contrée. Leur argument étant que c’est ce qui avait été fait pour la consécration de l’huilerie et son bon fonctionnement est la preuve qu’une telle mesure est justifiée et effective… Il y a peu notre médecin avait une infection au pied, mais malgré le fait que c’est un homme de science il était convaincu que son infection était le résultat d’un sortilège et qu’il ne servait à rien de soigner cela avec des antibiotiques. Plus dramatique encore est le sort des personnes accusées de sorcellerie, soit parce qu’un membre de sa famille est mort d’une maladie inconnue ou parce que son voisin a été tué par la chute d’un arbre, car celles-ci sont généralement tuées par la communauté si elles n’arrivent pas à se réfugier quelque part avant cela. La justice dans tout cela? Trop souvent ils prennent le parti des tortionnaires parce que, disent-ils, il n’y a pas de fumée sans feu et tout le monde sait qu’ici il y a vraiment des sorciers…
Nous avons aussi des visiteurs plus traditionnels et cela semble être la période car après une courte visite du directeur technique du groupe au mois de juin, nous venons d’avoir la visite de notre directeur agronomique du groupe avec un spécialiste mondial du palmier. Ensuite au mois d’août nous aurons la visite pendant deux semaines d’une auditrice pour tout ce qui concerne la certification environnementale de la plantation. Cette visite sera suivie par celle du responsable “durabilité” du groupe pendant une semaine. En octobre on nous annonce la possible visite des grands patrons du groupe, seulement pour un jour ou deux mais qui demande une préparation logistique sans failles. Bref tout un petit monde qu’il faut loger, nourrir, balader, etc., mais heureusement pas tous à la Cathédrale car nous avons une maison de passage tout à fait correcte et certains visiteurs ne sont pas aussi agréables à avoir à la maison que d’autres…
Outre la maison de passage VIP où nous logeons certains de nos visiteurs du groupe, nous avons également aménagé une maison de passage beaucoup plus basique disposant de 5 chambres que nous mettons à la disposition des visiteurs locaux contre une petite participation financière. Ils ont la possibilité d’y manger si nécessaire et comme elle n’est pas trop éloignée de l’huilerie il y a de l’électricité presque tout le temps, plus que chez nous à la Cathédrale en tous les cas. L’endroit semble être devenu assez populaire car il y a des chambres occupées et des réservations presque tous les jours. Il faut dire que mis à part notre “Maison de Passage Brabanta” Mapangu ne dispose pas de logement digne de ce nom pour des visiteurs, sauf pour ceux qui connaissent l’un de nos employés et peuvent utiliser ou louer une chambre d’amis chez celui ou celle-ci.
Nous espérons que vous recevrez ces nouvelles en bonne forme et espérons vous lire très bientôt,
Marc & Marie-Claude
Sometimes we could have the impression of being like The Visitors, not from the Middle Ages to modern times but the other way around, it is obviously quite exaggerated because Congo and Kasai have certainly not remained isolated from the developments of the world, but some things, quite fundamental, have obviously remained unchanged for a very long time. The most striking examples are the means of river navigation, dwellings and magical beliefs.
On the Kasai, navigation is almost exclusively by dugout canoes made out of hollowed tree trunks powered by paddles, which are also made from a single piece of wood. Canoes are sometimes so narrow that it is only possible to stand with one foot in front of the other and require an extraordinary sense of balance because the centre of gravity of these boats with one person standing is necessarily well above the water level. It is quite easy to imagine that hundreds or even thousands of years ago the means of locomotion on the water was absolutely identical, the only difference being that nowadays there are also dugouts equipped with outboard motors, but these are still exceptions. It is also likely that in the past there were dugout canoes that were much larger made from gigantic trees, whereas today the larger boats are assembled with boards and tar, although fortunately the large trees have not yet completely disappeared. These canoes are not relics of the past because in villages along the banks of rivers the manufacture of canoes continues and it is not difficult to find a craftsman to manufacture a boat according to the desired dimensions (and the availability of a tree to meet the needs).
In the villages, the population lives in huts made of wooden sticks between which smaller branches are braided and then coated with mud to make the walls. The construction is covered by a structure covered with palm branches whose superposed layers ensure relative watertightness in the event of showers. The floor is made of clay and the furniture (beds in particular) is made of palm branches assembled with wooden spikes or large thorns. Like dugout canoes, it is difficult to imagine that during the time of the first explorers or even before, the dwellings would have been very different. Even today the majority of houses have no water or electricity, the kitchen is most often made on a wood fire under a shelter or a small separate building whose blackened colour suggests the prolonged presence of smoke. Nowadays, some houses in the more affluent villages are equipped with sheet metal roofs and are sometimes built with pressed clay bricks, occasionally a solar panel and exceptionally even a television dish, but at the base the villages have changed very little and some small bush villages could be transposed to the Middle Ages without anyone realizing that they were actually built in the 21st century.
The third theme that seems medieval to us is magic, here many things such as illness, death, breakdown, technical problem, etc. find their explanation in an act of magic, usually malicious. Some beliefs are quite common, such as organizing a traditional ceremony before drilling a well to ensure that it will produce abundant water or dedicate a new construction to the community’s ancestors. But these beliefs go much further, so when we had to evacuate the plantation because of threats from Kamuina Nsapu militias, the Mapangu elders were very seriously considering making a human sacrifice for the protection of the area. Their argument being that this is what had been done for the consecration of the oil mill and its proper functioning is proof that such a measure is justified and effective… Not long ago our doctor had an infection on his foot, but despite the fact that he is a medically trained scientist, he was convinced that his infection was the result of a spell and that it was useless to cure it with antibiotics. Even more dramatic is the fate of those accused of witchcraft, either because a member of his family died of an unknown disease or because his neighbour was killed by the fall of a tree, as these people are often killed by the community if they cannot take refuge somewhere before that. Justice in all this? Too often they take the torturers’ side because, they say, there is no smoke without fire and everyone knows that there are really witches here….
We also have more traditional visitors and this seems to be the period because after a short visit by the group’s technical director in June, we have just had the visit of our group’s agronomic director with a world renown palm specialist. Then in August we will have a two-week visit from an auditor for all aspects of the environmental certification of the plantation. This visit will be followed by a one-week visit by the group’s sustainability manager. In October we are informed of the possible visit of the group’s big bosses, only for a day or two but which requires flawless logistical preparation. In short, a whole small world that needs to be housed, fed, walked, etc., but fortunately not all of them stay at the Cathedral because we have a very comfortable guest house close to the river and some visitors are not as pleasant to have at home as others…
In addition to the VIP guest house where we accommodate some of our group visitors, we have also set up a much more basic guest house with 5 rooms that we make available to local visitors for a small financial contribution. They have the possibility to eat there if necessary and as it is not too far from the oil mill there is electricity almost all the time, more than at home at the Cathedral in any case. The place seems to have become quite popular as there are occupied rooms and reservations almost every day. It must be said that apart from our “Brabanta Guest House” Mapangu does not have any decent accommodation for visitors, except for those who know one of our employees and can use or rent a guest room in their home.
We hope this news will find you well and hope to read you very soon,
Marc & Marie-Claude