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Pour le moment nous sommes un peu sur les genoux, alors que pourtant la pointe de production est derrière le dos et qu’en plantation et à l’usine théoriquement les choses sont plus calmes. Plus de récoltes à suivre jusque tard dans la nuit, de transports qui s’embourbent à 1 heure du matin qu’il faut aller dépanner ou encore d’huilerie qui tourne 24h sur 24. Et pourtant,… C’est maintenant qu’ont choisi certains de nos travailleurs pour rendre les choses difficiles.
Depuis quelques années j’essaye de petit à petit externaliser des opérations qui ne cadrent pas vraiment avec notre métier et qui nous permettent ainsi d’avoir un meilleur suivi des services sans devoir former, contrôler et encadrer notre propre personnel. C’est toutefois plus facile à dire qu’à faire car dans notre coin reculé il n’y a quasi aucune autre société ou service et il faut donc convaincre des entrepreneurs extérieurs de venir s’installer à Mapangu.
Nous avons commencé par l’entretien et la réparation des climatiseurs car notre équipe d’électriciens, même s’ils sont plein de bonne volonté, ne connaissent pas ou peu de choses concernant le réel fonctionnement d’un climatiseur et il était donc logique de faire appel à un spécialiste. Dans un premier temps nous avons travaillé avec un frigoriste indépendant venu de Kinshasa, très gentil mais pas très efficace et surtout assez onéreux. Entre temps nous avons trouvé un autre entrepreneur qui semble bien connaître son affaire et qui prend tout en charge (main d’œuvre, pièces, etc.) pour un montant forfaitaire. Ce choix est d’autant plus intéressant que sur les huit climatiseurs qui avaient été déclassés par notre équipe interne, six ont pu être remis en activité par notre nouveau fournisseur.
Outre les climatiseurs, nous avons externalisé la plomberie, l’entretien et la réparation des maisons, certains travaux d’entretien en plantation et le transport des régimes en période de pointe. Récemment nous avons également décidé d’externaliser le gardiennage des installations de la plantation dans le but de professionnaliser la sécurité et aussi d’éliminer des conflits d’intérêts évidents qui existent lorsque la sécurité des biens et des personnes de la société est assurée par soi-même. L’externalisation des autres services avait été à l’origine de quelques petites frictions avec les autochtones de Mapangu qui ne comprenaient pas pourquoi eux n’avaient pas gagné ces marchés, mais l’introduction d’un service de gardiennage externe (utilisant pourtant des employés locaux) a provoqué une vague de résistance nettement plus importante, probablement parce que cela met en péril les trafics et autres combines qui avaient été mis en place depuis des années permettant de soustraire des quantités (non négligeables) de carburant et d’autres biens de la société de manière illicite. Cette résistance, pilotée par des personnes influentes extérieures à la société, a été jusqu’à provoquer des confrontations assez agressives (avec jets de pierre, menaces, etc.) qui n’ont pu être calmé que par la promesse de l’intervention de l’inspection du travail. Le dit inspecteur est venu en mission officielle de Kinshasa et nous a aidé à finaliser une arrangement avec les gardiens rebelles, mais un arrangement nettement moins lucratif que ce qui leur avait été promis par la délégation syndicale et leurs éminences grises. Nous avons entamé une procédure de licenciement à l’encontre des délégués syndicaux pour diverses fautes lourdes qui ont été validées par l’inspection du travail, issue qui ne leur était pas venue à l’esprit donc, dans une dernière tentative d’intimidation, ils ont notifié une préavis de grève générale pour le mois de décembre. Le timing n’est pas très bien choisi car d’une part il y a tellement peu de production qu’un arrêt de travail serait quasi sans effet sur les activités de la plantation et, d’autre part, parce que les travailleurs (qui ne semblent pas trop émus du sort réservé aux syndicalistes, qualifiés par beaucoup de brigands) ne veulent pas perdre leur salaire et le colis de fin d’année généralement octroyé au moment des fêtes.
Il n’empêche que tout cela nous tient occupés de manière assez intense et qu’il est heureux que les activités de la plantation tournent à bas régime et ne souffrent donc pas trop de tout ce remue-ménage.
A côté des ces divertissements “humains”, la nature elle aussi estime qu’elle a son mot à dire et nous a ainsi bombardé de quelques pluies très abondantes qui ont détruit des sections importantes de nos routes, y compris le chemin d’accès aux bureaux de la direction générale que nous venions à peine de remettre en état. Comme à côté de cela la même nature a décidé que les palmiers pouvaient se mettre en grève et ne quasi rien produire, nous disposons heureusement d’une main d’œuvre assez abondante qui peut aider parfaire le travail des bulldozer, pelles et niveleuses utilisés pour effectuer des réparations des routes.
J’ouvre une parenthèse concernant la main d’œuvre et les travaux agricoles, car avoir une faible production est aussi compliqué à gérer que quand elle est surabondante. En effet un régime mûr qui n’est pas récolté dans les quelques jours, finit par pourrir ou, dans le meilleur des cas, avoir une acidité élevée qui est indésirable dans l’huile produite. Idéalement il faut donc veiller à ce que le travailleur passe au minimum une fois toutes les deux semaines vérifier chaque palmier pour couper les régimes mûrs. Nous avons ainsi des travailleurs qui arrivent à récolter à peine 5-6 régimes sur toute une journée de travail alors qu’ils ont contrôlé plus d’un millier de palmiers. Ne pas récolter ceux-ci n’est pas vraiment une option car une fois pourris les régimes sont beaucoup plus difficiles à couper, demandent énormément de travail pour ramasser tous les fruits qui se sont détachés et qu’il faut jeter en dehors de la plantation pour éviter que ceux-ci ne germent et nécessitent une intervention de nettoyage supplémentaire. Qui plus est, l’huilerie nécessite un volume minimum de régimes et de fruits pour tourner, mais il ne faut pas que ceux-ci traînent trop longtemps sur la zone de déchargement de l’usine où ils se dégradent très rapidement. Ainsi pour le moment nous essayons de concentrer les opérations de récolte sur trois jours de la semaine et le troisième jour toute la production est traitée par l’huilerie.
Mis à part les régimes qui proviennent de notre plantation, nous achetons également des fruits de palme qui nous sont fournis par les villageois autour de la plantation. En effet, autour de notre plantation il y a beaucoup de palmiers sauvages et/ou palmiers qui ont peut-être été plantés jadis par nos prédécesseurs qui continuent de produire des régimes et des fruits riches en huile. Ces fruits sont apportés par les villageois à l’huilerie où nous les achetons cash et assurons ainsi un revenu régulier pour des personnes extérieures à Brabanta. Le facteur limitant des ces fruits ou noix villageoises est principalement le transport car certains de ces palmiers se trouvent à plusieurs dizaines de kilomètres de la plantation sans routes réellement praticables. La plus grande partie des fruits que nous achetons sont acheminés dans des pirogues qui viennent décharger leur production dans notre port. Nous évitons d’aller chercher les fruits nous-même dans les villages car nous devons alors payer des taxes de “commerce transfrontalier de produits vivriers”…
Cela m’amène à ouvrir une dernière parenthèse concernant les “frontières”. L’état congolais a décidé de décentraliser les compétences en matière de taxes frontalières aux provinces. Logiquement cela veut dire que chaque province doit gérer le trafic de biens allant ou venant de pays voisins. Mais voilà, ici nous sommes au Congo et les autorités provinciales ont ainsi décidé que la loi s’applique aux frontières au sens large, donc aussi aux limites entre les provinces. Ainsi tous les produits qui proviennent de notre concession de l’autre côté du Kasaï juste en face de Mapangu sont soumis à des taxes d’importation conformément à la loi sur le “commerce transfrontalier de produits vivriers”. Comme il n’y a pas réellement de poste frontière, les autorités font des “estimations” sur les quantités “importées ou exportées” qui sont parfois très généreuses, nous avons donc préféré nous abstenir de toute transaction qui ne serait pas faite à l’intérieur de notre concession, laissant le plaisir de négocier l’aspect frontalier aux villageois (qui eux ne payent pas et que les autorités n’osent pas poursuivre dans les villages).
Nous espérons que vous allez bien et attendons avec impatience de vos nouvelles,
Marc & Marie-Claude
At the moment we are somewhat exhausted, despite the fact that theoretically the peak of production is behind our backs and things are supposed to be calmer in the plantation and mill. No more harvests to follow until late at night, no more transport vehicles that get stuck at 1 a.m. needing repair or even the oil mill running 24 hours a day. And yet,…. this is the time some of our workers have chosen to make things difficult.
For a few years now I have been gradually trying to outsource operations that do not really fit in with our core business and should help us ensure a better follow-up of services without having to train, control and supervise our own staff. However, this is easier said than done because in our remote area there is almost no other company or service and it is therefore necessary to convince outside entrepreneurs to come and settle in Mapangu.
We started with the maintenance and repair of air conditioners because our team of electricians, even if they are willing, know little or nothing about how an air conditioner actually works and it made sense to call in a specialist. At first we worked with an independent operator from Kinshasa, very nice but not very efficient and above all quite expensive. In the meantime we have found another contractor who seems to know his business well and who takes care of everything (labour, parts, etc.) for a fixed amount. This choice is all the more interesting because of the eight air conditioners that had been written off by our internal team, six are now back in operation at no extra cost thanks to our new contractor.
In addition to air conditioners, we have outsourced plumbing, home maintenance and repair, some plantation maintenance work and the transportation of harvest during peak periods. Recently we also decided to outsource the security of the plantation facilities in order to professionalize the service and also to eliminate obvious conflicts of interest that exist when the security of the company’s property and people is ensured by oneself. The outsourcing of other services had caused some minor friction with the Mapangu indigenous people who did not understand why they had not won these contracts, but the introduction of an external security service (using local employees) caused a much greater wave of resistance, probably because it jeopardizes the trafficking and other schemes that had been in place for years involving (significant) quantities of fuel and other goods from the company being taken out illegally. This resistance, led by influential people from outside the company, has gone so far as to provoke rather aggressive confrontations (with stone throwing, threats, etc.) that could only be calmed by the promise to call in inspectors from the Ministry of Labour. The said inspector came on an official mission from Kinshasa and helped us finalize an arrangement with the rebel guards, but one that was much less lucrative than what had been promised to them by the union representatives and their outside counselors. We started a dismissal procedure against the union delegates for various reasons of serious misconduct (validated by the labour authorities), an outcome that had not occurred to them, so in a final attempt at intimidation, they have served us with a notice of a general strike for the month of December. The timing is not very well chosen because, on the one hand, there is so little production that a work stoppage would have almost no effect on the plantation’s activities and, on the other hand, because the workers (who do not seem too moved by the fate reserved for trade unionists, qualified by many bandits) do not want to lose their wages and the year-end package generally granted during the year-end period.
Nevertheless, all this keeps us quite busy and it is fortunate that the plantation’s activities are running at low speed and therefore do not suffer too much from all this commotion.
Alongside these “human” entertainments, nature also feels that it has a say and has bombarded us with some very heavy rains that have destroyed important sections of our roads, including the access road to the offices of the general management that we had just restored. Since the same nature has also decided that palm trees could go on strike and produce almost nothing, we fortunately have a fairly abundant workforce that can help perfect the work of bulldozers, diggers and graders used to carry out road repairs.
I would like to make a parenthesis regarding labour and agricultural work, because having a low production is as complicated to manage as when it is overabundant. Indeed, a ripe fruit bunch that is not harvested within a few days will eventually rot or, in the best of cases, have a high acidity that is undesirable in the oil produced. Ideally, it is therefore necessary to ensure that the worker spends at least once every two weeks checking each palm tree to cut ripe bunches. We have workers who manage to harvest barely 5-6 fruit bunches over a whole working day, even though they have controlled more than a thousand palm trees. Not harvesting these is not really an option because once rotten the bunches are much harder to cut, require a lot of work to collect all the fruit that has come loose and that must be thrown away from the plantation to prevent them from germinating and requiring additional cleaning. Moreover, the oil mill requires a minimum volume of bunches and fruits to run, but they should not be left lying around for too long in the unloading bay of the plant where they degrade very quickly. So at the moment we are trying to concentrate the harvesting operations on three days of the week and on the third day the whole production is processed by the oil mill.
Apart from the fruit bunches that come from our plantation, we also buy palm fruits that are provided by the villagers around the plantation. Indeed, around our plantation there are many wild palm trees and/or palm trees that may have been planted in the past by our predecessors who continue to produce bunches and oil-rich fruits. These fruits are brought by the villagers to the oil mill where we buy them for cash and thus ensure a regular income for people outside Brabanta. The limiting factor of these village fruits or nuts is mainly transport because some of these palm trees are located several tens of kilometres from the plantation without really passable roads. Most of the fruit we buy is transported in dugout canoes that unload their production in our port. We avoid picking the fruit ourselves in the villages because we then have to pay taxes for “cross-border trade in food products”…
This leads me to make a final comment on “borders”. The Congolese state has decided to decentralize border tax management to the provinces. Logically, this means that each province must manage the movement of goods (and people) to and from neighbouring countries. But here we are in Congo and the provincial authorities have decided that the law applies to borders in the broad sense, and therefore also to the boundaries between the provinces. Thus all products that come from our concession on the other side of Kasai just opposite Mapangu are subject to import taxes in accordance with the law on “cross-border trade in food products”. As there is no real border crossing, the authorities make “estimates” on the “imported or exported” quantities, which are sometimes very generous, so we preferred to refrain from any transaction that would not be made within our concession, leaving the pleasure of negotiating the border aspect to the villagers (who do not pay and which the authorities dare not pursue in the villages).
We hope you are well and look forward to hearing from you,
Marc & Marie-Claude