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Pourquoi parler d’organisation alors que nous sommes sans conteste dans le pays le plus désorganisé que nous ayons jamais connu. C’est bien simple, rien ne fonctionne et quand il y a encore un peu d’espoir au mieux cela marche en retard ou à moitié. Ce n’est pas juste une question d’organisation, mais aussi de propension à utiliser les choses (machines, outils, accessoires), même flambants neufs, d’une manière qui fait que leur durée de vie en est réduite drastiquement malgré (ou à cause ?) des réparations “plan B”, à la locale. d’une façon ou d’une autre ils ne sont jamais plus pareils . . .
Les exemples ne manquent pas, ainsi nous avons équipé nos coupeurs avec des ciseaux en acier trempé qu’il suffit d’affûter de temps en temps avec une pierre à aiguiser pour pouvoir travailler le plus efficacement possible. Nous en avons distribué plusieurs centaines et pour faciliter la tâche des coupeurs nous avons même mis en place un système où les coupeurs ramènent leur ciseau en fin de travail pour qu’une personne formée à cela se charge d’affûter tous les outils. Toute une organisation, même si en principe c’est très simple, car chaque travailleur est responsable son ciseau propre, marqué, soit parce qu’il a une préférence pour le type de manche ou sa longueur, ou encore pour pouvoir s’assurer que les outils qui disparaissent sont facturés à la bonne personne.
Les travailleurs estiment que ce système n’est pas à leur convenance et emportent donc les ciseaux au village après le travail où ils vont chauffer les lames pour les marteler et ainsi “améliorer” leur performance. Seulement voilà, en chauffant la lame dans un brasier l’acier perd sa dureté et doit donc être aiguisé beaucoup plus fréquemment (ce qu’ils ne font pas). Le résultat est qu’avec les ciseaux “modifiés” le travailleur doit donner 4-5 coups de lames pour couper une palme alors qu’avec la lame d’origine un seul coup suffit… Malheureusement le constat est amer, car à l’appel plus de 90% des ciseaux montrent les caractéristiques de chauffage et de martellement, le mal est maintenant fait jusqu’au prochain arrivage d’outils, si les travailleurs ont compris, ce qui est loin d’être certain.
Mais l’organisation dont je souhaitais vous écrire concerne plutôt la façon dont certains travaux sont organisés et pour lesquels nous ne semblons pas arriver à former nos agents à des méthodes plus efficaces de travail. L’exemple que je cite le plus souvent, certains d’entre vous l’auront déjà certainement entendu, c’est lorsque nos fonds arrivent et qu’il faut ranger l’argent dans le coffre.
L’argent arrive dans des malles et avant de ranger celui-ci dans le coffre nous faisons un comptage. Les billets viennent en briques de 500 billets (ne vous emballez pas, les coupures principales font 1.000 francs ce qui est équivalent à un peu moins de 60 cents à l’heure actuelle et nous avons aussi beaucoup de coupures de 500, 200, 100 et même 50 francs (je vous laisse faire la conversion), donc une brique ne représente pas nécessairement un montant faramineux. Bref, pour faciliter le comptage des briques celles-ci sont disposées par paquet de 10, ce qui (par hasard) correspond aussi exactement à la hauteur des étagères dans le coffre et devrait (en théorie) faciliter le rangement.
Visualisez maintenant l’étagère du coffre avec une brique de billets qui reste de l’envoi précédent, logiquement nous la mettrions de côté pour mettre les paquets de 10 briques les uns à côté des autres sur l’étagère, mais pas ici… Comme il y a déjà une brique en place sur l’étagère, la seule solution est de recomposer un paquet de briques en prélevant une à une les briques d’un paquet se trouvant à côté du coffre, mais évidemment il reste alors une brique de trop qui nécessite de recommencer le même processus jusqu’à ce que le tout soit rangé dans le coffre. Si cette méthode était “justifiée” par le souhait de recompter chaque brique, je pourrais peut-être comprendre, mais non ici il s’agit seulement et uniquement de ranger l’argent dans le coffre.
Un exemple similaire est survenu au port hier matin où une barge est arrivée pour nous livrer des brouettes et du carburant. Le carburant se trouvant dans les cales de la barge tandis que les brouettes étaient entassées sur les écoutilles des mêmes cales. Pour vous donner une idée claire des opérations je dois rapidement vous décrire notre port où, d’une part nous avons un quai en béton permettant aux barges de ce mettre à fleur de terre (du moins en-dehors de la saison sèche quand le tirant d’eau est suffisant) et d’autre part nous avons des quais en terre où se trouvent les tuyaux permettant de pomper le carburant en-dehors des cales.
Hier matin quand je suis arrivé, le bateau était à quai (là où il y a le béton) et le capitaine a décidé de bouger la barge pour se positionner près du tuyau de dépotage de carburant. La barge reste accessible depuis la terre, mais cette fois avec une grosse planche (pas trop large quand même) qui permet de relier le bateau à la berge.
Une fois en place pour dépoter le carburant, le capitaine à réalisé qu’il fallait d’abord débarquer les brouettes (il y en avait quand même 300) pour accéder aux écoutilles abritant le carburant. Mais cette fois il ne suffisait pas de juste passer celle-ci du bateau au quai, mais de les transporter individuellement via la passerelle ( qui penchait quand même un peu), ce qui a évidemment pris au moins deux fois plus longtemps… De plus, il s’est révélé que les amarres qu’ils avaient ne permettaient pas de fixer le bateau à l’emplacement choisi, mais la solution a été vite trouvée avec un morceau de ficelle en nylon (en espérant que le courant ou les mouvements d’une autre barge ne viennent pas perturber la solution.
Les situations de ce genre ne manquent pas et sont parfois désespérantes. La semaine passée nous devions charger 5 tonnes de graviers dans un camion, mais le camion ne pouvait pas reculer jusqu’au tas de gravier à cause d’une poutre en bois que personne n’a pensé à déplacer. La solution, évidente me direz-vous, a consisté à prendre des brouettes, de charger celles-ci avec le gravier, contourner la poutre et venir déverser celles-ci au pied du camion pour ensuite les charger à la pelle dans le camion. Quand j’ai vu cela j’ai cru que j’allais pleurer, car en plus la poutre en question n’a pas nécessité plus de 3 personnes pour la déplacer et reculer le camion jusqu’au tas de graviers. Le commentaire du chef d’équipe était: “vous les blancs vous avez la technique!”, malheureusement je n’oserais pas garantir que la prochaine fois ils ne feront pas la même chose, mais nous ne perdons pas espoir.
Heureusement qu’à la maison c’est tout du contraire, Marie-Claude nous fabrique continuellement des choses qui embellissent ou rendent plus facile notre vie de brousse, beaucoup de couture pour le moment mais aussi des systèmes-D pour lutter contre les cafards qui semblent coloniser les lieux en force. Ces créatures nous amènent d’ailleurs à une observation des plus remarquables car, parmi les stratagèmes de Marie-Claude il y a la solution de mettre tous les rouleaux de papier alu, papier de cuisson, etc. dans un zip-lock pour que les cafards ne s’y installent pas. Grande était donc notre surprise de voir que le sachet était en fait occupé par un gros cafard. Plutôt que d’essayer de le pourchasser nous avons pensé être malin en mettant le tout pendant la nuit au congélateur et effectivement le lendemain matin la créature était raide et dure, en principe une fin assez douce. Toutefois à notre grande surprise, un quart d’heure après sa sortie du congélateur le cafard a décidé de se réveiller… il paraît qu’ils résistent aussi au micro-onde, mais ça nous ne l’avons pas testé.
A très bientôt vous lire,
Marc & Marie-Claude
Why talk about organisation when we are unquestionably in the most disorganized country we have ever known. It is quite simple, nothing works and when there is still a little hope at best it works late or halfway. It’s not just a question of organization, but also of the propensity to use things (machines, tools, accessories), even brand new ones, in a way that drastically reduces their lifespan despite (or because of?) local “plan B” repairs. Somehow they are never the same again …
There is no lack of examples, one is that we have equipped our harvesters with hardened steel chisels that just need to be sharpened from time to time with a whetstone in order to work as efficiently as possible. We have distributed several hundred of them and to make the work of the harvesters easier, we have even set up a system where the harvesters bring their chisel back at the end of the work so that a person, trained in this work, can sharpen all the tools. A whole organisation, even if in principle it is very simple, because each worker is responsible for his own chisel, which is marked, either because he has a preference for the type of handle or its length, or to ensure that tools that disappear are charged to the right person.
The workers feel that this system is not to their liking and therefore take the chisel to the village after work where they will heat the blades to hammer them and thus “improve” their performance. However, by heating the blade in a fire, the steel loses its hardness and therefore has to be sharpened much more frequently (which they do not do). The result is that with the “modified” chisels the worker has to give 4-5 strokes of the blade to cut a palm, whereas with the original blade one stroke is enough… Unfortunately the perspective is not great, because at muster in the morning I notice that more than 90% of the chisels show the heating and hammering characteristics, the damage is now done until the next arrival of tools, if the workers have understood, which is far from certain.
But the “organisation” I wanted to write to you about is rather about the way in which some work is organised and for which we do not seem to be able to train our workers in more efficient working methods. The example I cite most often, as some of you will no doubt have already heard, is when our funds arrive and we have to put the money in the safe. The money comes in trunks, and before we put it in the safe we do a count. The notes come in bricks of 500 notes (don’t get excited, the main denominations are 1,000 francs which is equivalent to just under 60 euro cents at the moment and we also have a lot of 500, 200, 100 and even 50 franc notes (I’ll let you do the conversion), so a brick doesn’t necessarily represent a huge amount. In short, to make it easier to count the bricks, they are arranged in bundles of 10, which (by chance) also corresponds exactly to the height of the shelves in the safe and should (in theory) make storage easier.
Now visualize the shelf of the safe with a brick of bills left over from the previous shipment, logically we would put it aside to put the packs of 10 bricks next to each other on the shelf, but not here … As there is already a brick on the shelf, the only solution is to reconstitute a packet of bricks by removing one by one the bricks of a packet next to the safe, but obviously there is then one brick too many that needs to repeat the same process until the whole thing is stored in the safe. If this method was “justified” by the wish to recount each brick, I could perhaps understand, but not here, it is just and only a matter of putting the money in the safe.
A similar example occurred at the port yesterday morning where a barge arrived to deliver wheelbarrows and fuel. The fuel was in the barge’s holds while the wheelbarrows were piled up on the hatches of the same holds. To give you a clear idea of the operations I must quickly describe our harbour where, on the one hand we have a concrete dock allowing the barges to tie up flush with the ground (at least outside the dry season when the draught is sufficient) and on the other hand we have earthen wharves (slopes) where the hoses for pumping the fuel out of the holds are located.
Yesterday morning when I arrived, the boat was docked at the main wharf (where the concrete is) and the captain decided to move the barge to position himself near the fuel pumping hose. The barge is still accessible from the shore, but this time with a big board (not too wide though) that allows access from the barge to be river side.
Once in place to pump the fuel, the shipmaster realised that the wheelbarrows (of which there were 300) had to be unloaded first to gain access to the fuel hatches. This time, however, it wasn’t enough to simply pass the whelbarrows from the boat to the quay, but it required to transport them individually via the gangway (which was tilted a little), which obviously took at least twice as long… Moreover, it turned out that the mooring lines they had didn’t allow the boat to be fixed in the chosen location, but the solution was quickly found with a piece of nylon string (hoping that the current or the movements of another barge wouldn’t disrupt the solution.
There is no shortage of such situations and they can be desperate at times. Last week we had to load 5 tons of gravel into a truck, but the truck couldn’t back up to the gravel pile because of a wooden beam that no one thought to move. The obvious solution, you might say, was to take wheelbarrows, load them with the gravel, go around the beam and come and dump them at the bottom of the truck and then shovel them into the truck. When I saw that, I thought I was going to cry, because not only that, but the beam in question required no more than three people to move out of the way and allow the truck to back up to the gravel pile. The comment of the team leader was: “you white guys have the technique”, unfortunately I wouldn’t dare to guarantee that next time they won’t do the same thing, but we don’t give up hope.
Luckily at home it’s quite the opposite, Marie-Claude is constantly making things that make our bush life more beautiful or easier, a lot of sewing for the moment but also D-systems to fight against the cockroaches that seem to colonize the place in force. These creatures bring us to a most remarkable observation. Among Marie-Claude’s solutions is to put all the rolls of aluminum foil, baking paper, etc. in a zip-lock so that the cockroaches cannot get access to them. Great was our surprise to see that the bag was in fact occupied by a big cockroach. Rather than trying to chase it we thought we were being clever by putting the whole thing overnight in the freezer and actually the next morning the creature was stiff and lifeless, in principle a fairly soft end. However to our great surprise, a quarter of an hour after it had come out of the freezer the cockroach decided to wake up… it seems that they are also resistant to the microwave, but that we have not tested.
See you soon,
Marc & Marie-Claude