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Comme partout, ici aussi il y a des coutumes, certaines prétendument ancestrales et d’autres manifestement motivées par l’aspect pécuniaire des choses. En général quand le point de vue coutumier est invoqué il est invariablement motivé par un bénéfice d’une forme ou d’une autre pour la personne qui invoque la dite coutume.
Ainsi, depuis que nous sommes arrivés ici on m’explique invariablement que lorsque quelqu’un vient me rendre visite au bureau, parfois mais très rarement pour me saluer et le plus souvent pour me présenter une liste de doléances plus ou moins sérieuses, il serait “coutumier” de donner un peu d’argent pour le voyage ou le “café” du visiteur, et s’il m’arrivait d’oublier la “coutume” le plus souvent le visiteur (quel que soit son niveau du simple travailleur au chef de secteur) ne manquera pas de me rappeler à l’ordre. Ces demandes sont néanmoins devenues moins fréquentes dernièrement, peut-être parce qu’il est de notoriété publique que sauf besoin avéré les visiteurs ressortent le plus souvent sans leur “café”.
Curieusement, lorsque c’est moi qui vais rendre visite aux chefs de village ou autorités locales, la coutume veut que je leur apporte quelque chose (un peu d’argent) pour une bière ou un café, donc logiquement la définition de la coutume devrait être revue car c’est plutôt “lors d’une rencontre entre un blanc et un ou plusieurs congolais, le blanc donne de l’argent”.
Certains droits coutumiers sont plus logiques et ne posent pas problème (enfin presque), ainsi les communautés locales de Mapangu reçoivent chaque année quelques centaines de litres d’huile de palme de Brabanta en reconnaissance des terres qui ont jadis été achetées pour y établir la plantation, aménager une route ou construire des infrastructures. Le problème est que depuis la centaine d’années que la plantation est établie à Mapangu la population a plus que décuplé et le quota d’huile n’a pas évolué de la même manière. De plus certains villages se sont fractionnés suite à des conflits entre chefs et se pose évidemment la question de savoir qui peut prétendre au colis de fin d’année ou comment le départager. Curieusement pour ces choses-là la coutume est très vague et donne invariablement lieu à des disputes qui se règlent parfois à coups de machettes et fatalités, tout cela pour quelques litres d’huile. Il faut dire que l’attraction que représente une plantation comme celle de Brabanta qui, rappelons-le est la seule entreprise de taille à plus de 400km à la ronde, fait que beaucoup de personnes sont venues des contrées voisines pour chercher fortune et que les traditions et coutumes locales se sont trouvées quelque peu diluées. Ainsi Sa Majesté le Grand Chef Félix, un chef coutumier qui règne en principe sur toute la région du grand Mapangu, a de plus en plus de difficultés pour asseoir son autorité et se tourne de plus en plus vers Brabanta pour chercher un appui physique et financier et garder la tête hors de l’eau.
L’une des coutumes ou pratiques qui reste le plus difficile à comprendre pour nous européens, mais qui n’est pas propre à Mapangu même si elle semble plus exacerbée par ici, est la façon dont les femmes sont traitées. Ainsi même l’un de nos cadres, fils de diplomate ayant vécu de nombreuses années à l’étranger, m’a expliqué que dans le cas ou son frère venait à décéder, c’est lui qui hériterait des biens et des responsabilités de son défunt frère. Il hériterait des biens matériels, de la responsabilité de ses neveux et nièces (en particulier de leur éducation) et de la ou des femme(s) de son frère. En pratique cela ne veut pas dire qu’il doit seulement subvenir aux besoins matériaux de sa ou de ses belles-sœurs mais que celle(s)-ci devien(nen)t effectivement sa ou ses femmes à lui sans autre forme de procès. Il faut dire qu’ici le concept de polygamie est plutôt complexe car en principe l’église (les gens sont majoritairement chrétiens dans la région) n’autorise pas le fait qu’un homme ait plusieurs femmes, mais compte tenu des aspects coutumiers cette pratique est de fait tolérée voir considérée comme normale. En-dehors de ces aspects traditionnels, il y a évidemment l’élément monétaire et la femme est tout comme la plus grande partie des biens juste une question de prix. Un de mes employés m’a un jour raconté que pour préparer sa retraite il souhaitait encore construire une maison, mais qu’il avait quand même déjà 4 femmes et 70 têtes de bétail pour assurer ses vieux jours. Les filles n’ont généralement peu ou pas droit à la parole quand il s’agit de décider à qui elles seront “vendues” et il n’est pas envisageable de fréquenter une fille sans s’acquitter d’une dot qui se chiffre souvent en milliers de dollars (énorme quand on sait que certains travailleurs n’ont pas plus de 50 dollars par mois). Les conséquences ne sont pas anodines pour ceux qui essayent de goûter à la marchandise sans payer car si par hasard la fille se trouve être enceinte la dot est payable immédiatement et il y a beaucoup moins de marge de négociation. Celui qui ne paie pas se retrouve généralement au cachot pour dette impayée. Nombre de travailleurs viennent me demander de l’aide pour s’acquitter de leurs dettes vis-à-vis de la famille d’une fille qui aurait été accidentellement engrossée par eux-même ou l’un de leurs enfants (sans moyens) pour évider d’être arrêtés (et payer des amendes aux autorités en plus).
Mais, tout comme dans nos magasins, il n’est pas interdit de retourner la “marchandise” et d’exiger un remboursement si la dame se révèle infertile ou autrement incapable de fournir les services normalement attendus d’une épouse (travaux au champs, ménage, collecte de combustible et d’eau, soin des enfants, etc.). Le remboursement n’intervient généralement que lorsque la famille de la fille arrive à “revendre” celle-ci à un autre parti, mais le processus inverse de plaintes et arrestations fonctionne également. En fait ici ils adorent porter plainte pour un oui ou pour un non, même si généralement cela ne bénéficie qu’aux autorités en termes d’argent.
Une autre coutume, nettement plus inquiétante, est de considérer que tout événement inattendu (en particulier maladie ou accident entraînant un décès, une fausse-couche, une perte d’animaux) est forcément le résultat de sorcellerie. Le sorcier ou la sorcière est généralement une personne et/ou la famille de celle-ci avec qui il y aurait eu un désaccord dans le passé et qui avait donc forcément une mauvaise intention à l’égard de la victime. La solution plutôt radicale est d’éliminer la personne et les membres de la famille (sauf s’ils arrivent à fuir en forêt avant de se faire attraper) et de prendre et/ou détruire leurs biens, ce qui implique généralement de brûler leur maison (un peu comme les bûchers chez nous dans le temps). Les responsables de ces homicides ne sont le plus souvent peu ou pas inquiétés par les autorités qui semblent penser que la sorcellerie est une chose bien réelle et qu’il est donc légitime que les villageois cherchent à se protéger, même si de temps en temps il peut y avoir des erreurs…
Finalement une coutume que nous apprécions beaucoup plus, même si nous n’en maîtrisons pas toujours toute l’histoire, est celle de l’artisanat traditionnel et en particulier les tapis du Kasaï et les masques traditionnels. Pour ces derniers nous commençons à avoir une collection assez variée de masques de toutes origines, dont certains sont tout à fait spectaculaires.
Nous espérons que ces nouvelles vous trouveront bien.
A bientôt vous lire,
Marc & Marie-Claude
As everywhere, here too there are customs, some supposedly ancestral and others clearly motivated by the pecuniary aspect of things. In general, when the customary point of view is invoked it is invariably motivated by a benefit of one form or another for the person invoking the said custom.
Thus, since we arrived here it has invariably been explained to me that when someone comes to visit me in the office, sometimes but very rarely only to greet me and most often to present me with a list of more or less serious grievances, it would be “customary” to give some money for the visitor’s trip or “coffee”, and if I forget the “custom” most often the visitor (whatever his level from simple worker to head of sector) will not fail to remind me that some token of appreciation is expected. These requests have nevertheless become less frequent lately, perhaps because it is common knowledge that, unless there is a real need, visitors usually go out without their “coffee” when they come for a visit to the GM’s office.
Curiously, when it is me who goes visiting the village chiefs or local authorities, the custom is that I bring them something (a little money) for a beer or a coffee, so logically the definition of the custom should be reviewed because it is rather “during a meeting between a white man and one or more Congolese, the white man gives money”.
Some customary rights are more logical and do not pose a problem (at least most of the time), for example the local communities of Mapangu receive a few hundred litres of palm oil from Brabanta every year in recognition of the land that was once bought to establish the plantation, build a road or construct infrastructure. The problem is that in the 100 years that the plantation has been established in Mapangu the population has increased more than tenfold and the oil quota has not evolved in the same way. Moreover, some villages have split up due to conflicts between chiefs and there is obviously the question of who is entitled to the end-of-year package or how to divide it up. Curiously for these things the custom is very vague and invariably gives rise to disputes that are sometimes settled with machetes and fatalities, all for a few litres of oil. It must be said that the attraction of a plantation such as the one in Brabanta, which is the only one of its kind within a radius of more than 400 km, means that many people have come from neighbouring regions in search of fortune and that local traditions and customs have been somewhat diluted. Thus His Majesty Grand Chief Felix, a customary chief who in principle reigns over the entire Great Mapangu region, is finding it increasingly difficult to assert his authority and is turning more and more to Brabanta to seek physical and financial support to keep his head above water.
One of the customs or practices that remains the most difficult for us Europeans to understand, but which is not unique to Mapangu, although it seems more exacerbated here, is the way women are treated. For example, even one of our officials, the son of a diplomat who had lived abroad for many years, explained to me that in the event of his brother’s death, he would inherit the property and responsibilities of his late brother. He would inherit the material goods, the responsibility for his nephews and nieces (in particular their education) and his brother’s wife(s). In practice this does not mean that he should only provide for the material needs of his sister(s) in law, but that the sister(s) in law actually become his wife(s) without any further proceedings. It must be said that here the concept of polygamy is rather complex because in principle the church (the people are mostly Christians in the region) does not allow a man to have several wives, but given the customary aspects this practice is in fact tolerated or even considered normal. Apart from these traditional aspects, there is of course the monetary element, and women, like most goods, are just a question of price. One of my employees once told me that to prepare for his retirement he still wanted to build a house, but that he already had 4 wives and 70 head of cattle to ensure his old age… Girls generally have little or no say in deciding who they will be “sold” to, and it is not possible to date a girl without paying a dowry that often runs into thousands of dollars (huge when you consider that some workers have no more than $50 a month). The consequences are not insignificant for those who try to taste the merchandise without paying because if by chance the girl happens to be pregnant the dowry is payable immediately and there is much less room for negotiation. Those who do not pay usually end up in prison for unpaid debts. Many workers come to me for help to pay their debts to the family of a girl who has accidentally been knocked up by themselves or one of their children (without the means) and risk being arrested (and pay fines to the authorities in addition).
But, just as in some of our western stores, it is not forbidden to return the “merchandise” and demand a refund if the lady proves to be infertile or otherwise unable to provide the services normally expected of a wife (field work, housework, fuel and water collection, child care, etc.). Reimbursement usually only occurs when the girl’s family manages to “resell” the girl to another party, but the reverse process of complaints and arrests also works. In fact here they love to file a complaint for whatever reason, even if it usually only benefits the authorities in terms of money.
Another custom, much more worrying, is the fact that any unexpected event (in particular illness or accident leading to death, miscarriage, loss of animals) is necessarily the result of witchcraft. The witch is usually a person and/or the family of the witch with whom there has been a disagreement in the past and who therefore necessarily had a bad intention towards the victim. The rather radical solution is to eliminate the person and family members (unless they manage to flee into the forest before being caught) and to take and/or destroy their property, which usually involves burning down their house (a bit like the pyres at home in the old days). Those responsible for these homicides are most often little or not worried by the authorities who seem to think that witchcraft is a very real thing and that it is therefore legitimate for the villagers to seek protection, even if from time to time there may be mistakes?
Finally a custom that we appreciate much more, even if we do not always master the whole story, is that of traditional crafts, and in particular the Kasai carpets and traditional masks. For the latter we are beginning to have a rather varied collection of masks of all origins, some of which are quite spectacular.
We hope that these news will find you well.
See you soon,
Marc & Marie-Claude