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Une des caractéristiques de notre coin du Congo est qu’il n’y a peu ou pas d’armes, il est rare de voir circuler un chasseur avec autre chose que des chiens, une catapulte et une machette et les policiers qui circulent à Mapangu sont généralement sans armes, sauf mission spéciale ou situation qui nécessite un peu plus de muscle. Je n’y connais rien en armes et j’ai donc demandé à l’un des policiers armés qui était venu sécuriser notre paie quelle était la “marque” de sa sulfateuse et il m’a dit que c’était un AK-47 (ou Kalashnikov), mais il n’a pas voulu me dire s’il avait des munitions ou pas. Selon les dires des personnes “informées” la police est limitée dans la disponibilité de munitions et qu’ils partent du principe que le seul fait de tenir leur pétoire en main est assez dissuasif en soi.
Enfin, toujours est-il que l’avènement de la pandémie du Covid-19 provoque une certaine agitation chez nos autorités locales qui, à défaut de savoir quoi faire d’un point de vue sanitaire, ont décidé de patrouiller toutes les frontières du territoire pour empêcher les entrées de personnes “contaminées” chez nous. La police, l’armée et toutes les autorités allant des responsables de la migration aux responsables sanitaires sont sur le pied de guerre et y vont de leur interprétation des mesures à prendre ou pas, mais généralement leur souci principal est que la plantation (source principale voire unique de leurs revenus) puisse continuer à fonctionner sans encombres.
L’ Administrateur du Territoire, représentant local du Gouverneur, est venu à Mapangu pour y coordonner les activités et mettre en place un dispositif de prévention et de lutte pour protéger la population locale d’une contamination potentielle. Ainsi il a été décidé de faire un contrôle de température de la population, estimée à plus de 125.000 personnes dans le seul secteur de Mapangu, afin de mettre en observation toute personne ayant de la température et pour cela les autorités disposent de UN thermomètre à infrarouge. Nous avons eu une réunion avec les autorités pour recevoir des instructions concernant les mesures que nous devons prendre (en plus du fait que nous avons déjà installé une centaine de stations de lavage de mains au travers de la plantation, interdisons les rassemblements, etc.), mais ils n’ont aucune idée. Les personnes qui doivent être mises en observation doivent rester isolées à leur domicile, mais comment faire cela alors qu’il y a, en moyenne, une dizaine de personnes dans chaque case n’a pas été pensé. Les personnes chargées du suivi sont du reste démunies d’équipements car dans le territoire il n’y a que deux tenues, vingt masques et l’unique thermomètre de disponible. Pour remédier à tout cela, la solution la plus simple et la plus visible a été de mettre des patrouilles de police et de l’armée en place, qui circulent dans Mapangu pour identifier les personnes suspectées d’infiltration clandestine…
Aujourd’hui les autorités nous ont demandé de les aider avec notre pirogue motorisée pour aller patrouiller et sensibiliser les villages le long de la rivière Loange, un tributaire du Kasaï qui délimite la frontière entre la province du Kasaï et la province du Kwilu, d’où “l’invasion” pourrait venir. Avant le week-end l’Administrateur du Territoire (“AT”) avait déjà fait mettre en quarantaine une barge arrivée de Kinshasa avec des “cas suspects” à bord, il nous a expliqué avoir refusé que la barge accoste chez nous et reste de l’autre côté du Kasaï qui est une autre province (le Maï-Ndombe dans ce cas-ci)… peu importe si tous les jours il y a des centaines de personnes qui traversent le Kasaï en pirogue pour aller s’occuper de leurs champs situés sur l’autre rive, car ceux-là sont “légitimes”… Les autorités nous ont expliqué que cette mission sur la Loange était de la plus haute importance et qu’il avait donc été décidé que l’AT et le Chef de Secteur devaient faire celle-ci en personne au péril de leur vie, car, disent-ils, ils sont envoyés au “front” sans équipement de protection adéquat, mais heureusement avec une solide garde policière.
Depuis quelques jours je constate une circulation inhabituelle sur la rivière, à savoir une petite embarcation avec un moteur hors-bord qui fait des aller-retours sur la rivière pour, me dit-on, patrouiller. L’embarcation, que je n’avais jamais vue auparavant, est toute petite et ne peut transporter que deux personnes, le pilote et un policier, mais je suppose que c’est suffisant pour dissuader les personnes malintentionnées, même si j’ai du mal à comprendre comment cette seule coquille de noix peut avoir un effet significatif sur une longueur de rivière d’environ 75km.
De notre côté nous essayons de nous organiser pour le cas où… Ainsi nous avons remis en ordre notre pavillon d’isolement, dont la capacité est limitée mais qui rassure les autorités car c’est la seule structure du genre dans le territoire mis à part un camp de tentes que l’on est en train de mettre en place à Ilebo, pour rappel, trois heures de pirogue depuis chez nous (avec des bâches fournies par Brabanta). Nous avons également commandé un stock supplémentaire de fournitures médicales, y compris des thermomètres infrarouge, pour éventuellement mettre en place un système de dépistage au travail, encore que la prévalence de fièvres liées à la malaria, infections et autres causes, risque de déclencher pas mal d’inquiétudes et nous voulons quand même éviter de créer un sentiment de panique ou des agressions sur les “porteurs possibles”.
Ce matin, un avion cargo aurait dû faire une escale de ravitaillement chez nous pour aller prendre des marchandises à Bukavu, mais les autorités ont décidé que l’équipage serait obligé de se soumettre à une quarantaine de 2 semaines au retour du voyage, l’opérateur a, dès lors, décidé que dans ces conditions il n’était pas justifié de faire le vol. C’est dommage, car nous aurions pu profiter de cet avion pour nous faire approvisionner avec des fournitures médicales et quelques pièces urgentes… ce sera pour une autre fois.
Parlant d’avions, un de nos collègues d’une plantation au Cameroun est actuellement bloqué à Kinshasa, où il était venu rendre visite à sa belle-famille. Comme c’était supposé être un séjour court, ils avaient laissé leurs enfants en bas-âge à la garde de la nounou à Douala, mais les quelques jours se sont transformés en semaines et il s’inquiètent évidemment de savoir si la nounou prend les précautions nécessaires pour protéger les enfants. Nous avons demandé une dérogation pour l’organisation d’un vol de rapatriement, qui a été accordé par la présidence mais bloqué par les autorités de migration (dont le patron est de “l’ancien” camp), mais on garde l’espoir car il est compréhensible de vouloir empêcher des personnes extérieures d’accéder au pays, mais pourquoi empêcher les personnes de partir.
A partir de lundi la commune de la Gombe à Kinshasa, où se trouvent nos bureaux, sera soumise à un confinement obligatoire car c’est de là que sont venu les cas de coronavirus. Toutefois pour ne pas paralyser les activités des entreprises, une dérogation est donnée aux personnes dont le travail est essentiel et ne peut se faire qu’au bureau. Cette dérogation est matérialisée par un macaron qu’il faut acheter à l’hôtel de ville et comme cette information a été diffusée en dernière minute samedi, l’hôtel de ville s’est retrouvé assailli par une foule venue se presser pour obtenir le laisser-passer, rien de tel pour qu’avant le confinement il soit donné une dernière opportunité au virus pour se répandre le plus possible, y compris et surtout avec des personnes qui habitent en-dehors de la Gombe… J’ai suggéré à mes collègues de travailler depuis la maison et de ne pas se mêler à la foule pour rien car en plus de tout cela les autorités n’auraient pas eu le temps de préparer un nombre suffisant de macarons, d’où la cohue.
Nous sommes conscients que chez vous il y a probablement pas mal de couacs aussi, mieux vaut prendre son mal en patience car nous ne savons pas pour combien de temps tout cela va continuer. En attendant nous nous habituons à voir un peu plus de policiers qui rôdent autour de nos installations à la recherche des “infiltrés”.
A très bientôt vous lire, gardez le moral
Marc & Marie-Claude
One of the characteristics of our corner of the Congo is that there are few or no weapons, it is rare to see a hunter circulating with anything other than dogs, a catapult and a machete and the police officers circulating in Mapangu are generally unarmed, except for special missions or situations that require a little more muscle. I know nothing about weapons, so I asked one of the armed policemen who came to secure our pay what the “brand” of his machine was, and he told me it was an AK-47 (or Kalashnikov), but he wouldn’t tell me if he had ammunition or not. According to the “informed” persons, the police are limited in the availability of ammunition and they assume that just holding a gun in their hands is a deterrent enough in itself.
So now, the advent of the Covid-19 pandemic is causing a certain amount of unrest among our local authorities who, not knowing what to do from a health point of view, have decided to patrol all the borders of the territory to prevent the entry of “contaminated” people into our county. The police, the army and all the authorities from migration officials to health officials are on the warpath, and they are all at loggerheads as to what to do or not to do, but generally their main concern is that the plantation (the main or even sole source of their income) can continue to operate without hindrance.
The Territorial Administrator, the local representative of the Governor, came to Mapangu to coordinate activities and set up a prevention and control mechanism to protect the local population from potential contamination. Thus it was decided to monitor the temperature of the population, estimated at more than 125,000 people in the Mapangu sector alone, in order to put any person with a temperature under observation, and for this purpose the authorities have ONE infrared thermometer at their disposal. We had a meeting with the authorities to receive instructions about the measures we have to take (in addition to the fact that we have already installed about 100 hand washing stations throughout the plantation, banning gatherings, etc.), but they have no idea. The people who are to be put under observation must remain isolated in their homes, but how to do this when there are, on average, about ten people in each hut has not been thought of. The people in charge of monitoring are also without any equipment because in the territory there are only two protection suits, twenty masks and the only thermometer available. To remedy all this, the simplest and most visible solution has been to put police and army patrols in place, which circulate in Mapangu to identify persons suspected of clandestine infiltration .
Today the authorities have asked us to help them with our motorized dugout canoe to go out and patrol and sensitize the villages along the Loange River, a tributary of the Kasai River that marks the border between Kasai and Kwilu provinces, where the “invasion” could come from. Before the weekend the Territorial Administrator (“AT”) had already quarantined a barge arriving from Kinshasa with “suspicious cases” on board, he explained that he had refused to allow the barge to dock on our side and stay on the other side of the Kasai which is another province (the Maï-Ndombe in this case) to keep the potential virus out… no matter if every day there are hundreds of people crossing the Kasai by dugout canoe to tend their fields located on the other bank, because those are “legitimate” ones. The authorities explained to us that this mission to the Loange was of the utmost importance and that it had therefore been decided that the AT and the Head of Sector had to carry out this mission in person at the risk of their lives, because, they said, they were sent to the “frontline” without adequate protective equipment, but fortunately with a strong police guard.
For the past few days I have noticed unusual traffic on the river, namely a small boat with an outboard motor that goes back and forth on the river to, I am told, patrol the river for clandestine immigrants coming from Kinshasa. The boat, which I had never seen before, is very small and can only carry two people, the pilot and a police officer, but I suppose that is enough to deter the malicious persons, although I have difficulty understanding how this one nutshell alone can have a significant effect on a river length of about 75 km.
On our side we are trying to organise ourselves in case… Thus we have put in order our isolation pavilion, whose capacity is limited but which reassures the authorities because it is the only structure of its kind in the territory apart from a tent camp that we are setting up in Ilebo (with tarpaulins provided by Brabanta), for memory Ilebo is three hours by dugout canoe from our home. We have also ordered an additional stock of medical supplies, including infrared thermometers, to possibly set up a workplace screening system, although the prevalence of fevers linked to malaria, infections and other causes may cause a lot of concern and we still want to avoid creating a sense of panic or aggression on the “possible carriers”.
This morning, a cargo plane should have made a refuelling stop at our premises to pick up goods in Bukavu, but the authorities decided that the crew would have to undergo a 2-week quarantine on their return from the trip, so the operator decided that under these conditions it was not justified to make the flight. It’s a pity, because we could have taken advantage of this plane to get medical supplies and some urgent parts… it will be for another time.
Speaking of planes, one of our colleagues from a plantation in Cameroon is currently stuck in Kinshasa, where he had come to visit his in-laws. As it was supposed to be a short stay, they had left their young children in the care of the nanny in Douala, but the few days turned into weeks and he is obviously worried about whether the nanny is taking the necessary precautions to protect the children. We asked for an exemption for the organisation of a repatriation flight, which was granted by the Presidency but blocked by the migration authorities (whose boss is from the “old” camp), but there is still hope, because it is understandable to want to prevent outsiders from entering the country, but why prevent people from leaving.
From this Monday the commune of La Gombe in Kinshasa, where our offices are located, will be subject to compulsory confinement because that is where the coronavirus cases came from (about 3 weeks ago…). However, in order not to paralyse the activities of companies, an exemption is given to people whose work is essential and can only be done in the office. This exemption is materialized by a badge that must be bought at the city hall and as this information was released at the last minute on Saturday, the city hall was assaulted by a crowd that came rushing to get the pass, nothing better than to give the virus one last opportunity before the containment to spread as much as possible, including and especially with people who live outside the Gombe… I suggested to my colleagues to work from home and not to mingle with the crowd for nothing because on top of all this the authorities appear not have had time to prepare a sufficient number of badges, hence the mob.
We are aware that there are probably a lot of blunders in your areas too, so the situation here is just spiced in a local manner rather than exceptional. However we better to be patient because we do not know for how long all this will continue. In the meantime we are getting used to seeing a little more police officers lurking around our facilities looking for the “infiltrators”.
Read you soon, keep your morale up.
Marc & Marie-Claude