See below for English text version
Mapangu est un endroit où les rumeurs, aussi fantastiques et incroyables soient-elles, semblent trouver un terrain fertile inégalé. Est-ce parce que l’éducation et le niveau intellectuel de la population est généralement extrêmement limité, est-ce à cause des coutumes et croyances qui elles-mêmes baignent dans toutes sortes d’idées qui nous paraissent incongrue, ou est-ce simplement parce qu’à défaut d’autres manières de s’occuper la population s’accroche à toute histoire qui circule quelle qu’en soit la source.
Il y a les rumeurs et croyances qui n’affectent que les locaux et qui concernent le plus souvent des histoires de grigris, sorciers ou autres formes de sortilèges. Ces croyances concernent des choses qui sont simplement destinées à faire gagner une équipe de foot, aider à obtenir un travail ou protéger son champs contre les rapines. Mais elles sont parfois beaucoup plus sérieuses lorsqu’il s’agit prétendument de jeter un sort sur une autre personne voire toute une communauté.
Lors de la réalisation du premier forage à l’hôpital, qui a finalement échoué à cause d’une dalle rocheuse que nous n’avons pas réussi à percer, il a été nécessaire d’organiser une cérémonie traditionnelle avec sacrifice (d’un coq), danses, etc. pour garantir que l’eau coulerait à flot et serait d’une pureté inégalée. Le médecin à préférer ne pas assister à la cérémonie qui se déroulait juste en dehors de son bureau de peur qu’un contre-sort lui soit jeté. Il (le médecin) est convaincu que certaines personnes lui veulent du mal et ne reculeraient pas devant un sortilège pour lui nuire, il est d’ailleurs convaincu que l’infection dont il souffrait au pied était le résultat d’un sortilège plutôt qu’une plaie mal soignée.
On raconte que, lorsque l’huilerie de Brabanta a été construite, pour assurer le succès et bon fonctionnement de celle-ci les notables de Mapangu ont organisé un sacrifice humain et que si aujourd’hui notre huilerie fonctionne si bien c’est grâce aux incantations des chefs coutumiers et des offrandes et rituels associés.
Les expatriés n’échappent pas aux rumeurs rocambolesques, par exemple à un moment donné l’information circulait qu’avec l’aide de mon directeur des relations publiques (congolais du cru) et le chef de secteur j’avais mis en place un réseau de trafic d’organes humains à destination de l’étranger, ou, lors de notre dernier retour de congé, l’un des notables de Mapangu est venu me trouver pour exprimer sa joie de savoir que j’avais malgré tout décidé de revenir à Mapangu, car le bruit circulait dans la cité que j’avais quitté la contrée définitivement emportant, évidemment, avec moi la caisse de la société.
Il y a tellement d’informations extraordinaires qui circulent que même nous avons parfois du mal à distinguer le vrai du faux et c’est là qu’intervient le service de renseignements (d’où le titre de ces nouvelles). Ce service comporte un réseau d’agents (secrets) déployés par “l’Etat” dans toute la plantation. Leur rôle est principalement de renseigner le dit état sur les activités illicites et surtout subversives qui pourraient avoir lieu dans notre coin, mais comme beaucoup d’autres agents officiels, nos amis des renseignements sont mal ou peu payés et doivent donc trouver d’autres moyens pour arrondir leur fins de mois. Ce pour quoi Brabanta semble avoir été désignée. Le responsable du service, qui lui n’est pas une personne anonyme, essaye régulièrement d’avancer que son réseau d’agents permet à la Brabanta de déjouer des vols, attaques et autres méfaits qui pourraient nuire à notre bon fonctionnement, et que cela mérite bien entendu une rétribution …
Un des problèmes auxquels nous faisons face est le vol de régimes et de fruits dans la plantation pour fabriquer de l’huile artisanale dans ce qu’ils appellent ici des malaxeurs, sorte de mini-huilerie fabriquée avec des fûts métalliques. Notre responsable des renseignements a donc proposé de nous aider, contre monnaies sonnantes et trébuchantes, à traquer et déloger les fameux malaxeurs situés dans et autour de la plantation et nous avons accepté de payer une prime pour chaque malaxeur trouvé et détruit, ce qui s’est limité à un seul depuis les trois derniers mois. Notre responsable local des renseignements trouve évidemment que ses revenus ne sont pas à la hauteur de ses aspirations et a essayé de faire valoir que dans d’autres sociétés (minières principalement) ses collègues étaient payés comme des cadres alors que lui ne reçoit que des miettes pour des renseignements qui valent de l’or…
Renseignements qui ne sont pas toujours très précis ou corrects car dernièrement nous avons reçu une convocation du parquet nous sommant de venir expliquer pourquoi (selon le pré-cité service de renseignements) l’un de nos cadres se cachait dans sa maison suite à un retour illicite de Kinshasa sans passer par les contrôles sanitaires requis. Notre cadre est en réalité bloqué à Kinshasa où il est en contact avec nos collègues kinois en attente d’une possibilité de revenir sur la plantation. Nous avons essayé d’expliquer cela au service de renseignements en les mettant même directement en contact téléphonique avec notre cadre, mais ils étaient tellement certains de leurs “informations” que le Gouverneur de la province a été alerté et qu’une équipe de la police est venue contrôler le domicile où notre cadre était supposé se cacher.
Tout cela pour dire que jusqu’à présent les informations que nous recevons ne sont pas des plus impressionnantes et donc certainement pas une base sur laquelle nous pouvons nous reposer ou qui justifie un salaire de cadre…
Sinon la vie ici continue dans le calme et l’isolation habituelle, nous continuons de profiter de nos belles vues, y compris depuis la piscine qui, malgré sa petite taille, offre une conclusion idéale à la journée de travail, surtout quand je reviens du bureau à vélo.
Nous espérons que vous aussi êtes bien et pas trop frustrés par les restrictions de déplacement. Soyez prudents et restez en bonne santé,
Marc & Marie-Claude
Mapangu is a place where rumours, however fantastic and unbelievable, seem to find unparalleled fertile ground. Is it because the education and intellectual level of the population is generally extremely limited, is it because of the customs and beliefs which themselves are steeped in all sorts of ideas that seem incongruous to us, or is it simply because, for want of other ways of dealing with them, the population clings to any story that circulates whatever the source.
There are the rumours and beliefs that only affect the locals and which most often concern stories of grigris, sorcerers or other forms of sorcery. These beliefs concern things that are simply meant to win a football team, help to get a job or protect one’s crop from robbery. But sometimes they are much more serious when it is allegedly about putting a spell on another person or even an entire community.
During the first well drilling at the hospital, which finally failed because of a rocky slab that we were unable to break through, it was necessary to hold a traditional ceremony with sacrifice (of a rooster), dances, etc. to ensure that the water would flow freely and be of unparalleled purity. The doctor preferred not to attend the ceremony that took place just outside his office for fear that a counter spell would be thrown at him. He (the doctor) was convinced that some people wanted to harm him and would not shy from a casting a spell to harm him, and he was convinced that the infection he suffered on his foot was the result of a spell rather than a poorly healed wound.
It is said that when the oil mill of Brabanta was built, to ensure its success and good functioning, the notables of Mapangu organized a human sacrifice and that if our oil mill is working so well today it is thanks to the incantations of the customary chiefs and the associated offerings and rituals.
Expatriates do not escape the incredible rumours, for example at one point a story was going around that with the help of my public relations director (local Congolese) and the administrative sector chief I had set up a network of trafficking in human organs to foreign countries, On our last return from leave, one of the notables of Mapangu came to me to express his joy at knowing that I had decided to return to Mapangu despite everything, because there was a rumour going around the city that I had left the country for good, obviously taking the company’s cash with me.
There is so much extraordinary information circulating that even we sometimes have trouble distinguishing the true from the false and that’s where the intelligence service comes in (hence the title of this news). This service has a network of (secret) agents deployed by the “State” throughout the plantation. Their role is mainly to inform the “state” about illegal and especially subversive activities that could take place in our area, but like many other official agents, our intelligence friends are poorly or not paid on time and therefore have to find other ways to make ends meet. This is what Brabanta seems to have been designated for. The head of the service, who is obviously not an anonymous person, regularly tries to argue that his network of agents allows Brabanta to thwart robberies, attacks and other misdeeds that could harm our smooth functioning, and that this of course deserves a reward …
One of the problems we face is the theft of palm fruit from the plantation to make artisanal oil in what they call blenders, a sort of mini-oil mill made from metal drums. So our information officer offered to help us, in exchange for hard cash, to track down and dismantle the famous mixers located in and around the plantation. We agreed to pay a premium for each blender found and destroyed, which has been limited to one for the last three months. Our local intelligence officer obviously finds that his income is not up to his aspirations and has tried to argue that in other (mainly mining) companies his colleagues are paid as executives while he only receives crumbs for the intelligence he provides us with and which is worth more than gold…
Information which is not always very precise or correct because recently we received a summons from the Public Prosecutor’s Office asking us to come and explain why (according to the above-mentioned intelligence service) one of our executives was hiding in his house following an illegal return from Kinshasa without passing through the required health checks. Our executive is in fact stuck in Kinshasa where he is in contact with our Kinshasa colleagues waiting for the possibility of returning to the plantation. We tried to explain this to the intelligence service, even putting them in direct telephone contact with our colleague, but they were so certain of their “information” that the Governor of the province was alerted and a police team came to check the house where our executive was supposed to be in hiding.
All this to say that so far the information we are receiving is not the most impressive and therefore certainly not a basis on which we can rely on or which justifies an executive’s salary …
Otherwise life here continues in the usual calm and isolation, we continue to enjoy our beautiful views, including from the swimming pool which, despite its small size, offers an ideal conclusion to the working day, especially when I come back from the office on my bike.
We hope you too are well and not too frustrated by the lockdown. Be careful and stay healthy,
Marc & Marie-Claude