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Technicité – Technicity

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Comme nous en avions l’impression la semaine passée, notre pointe de production a effectivement commencé, nous travaillons maintenant 7 jours sur 7 et l’huilerie fonctionne 24 heures sur 24 ou presque, un peu plus tôt que l’année dernière et donc se terminera peut-être aussi avant la fin du mois de septembre. Ce qui nous permettrait de finalement prendre quelques jours de vacances.
En pratique “la pointe” veut dire que les régimes mûrissent tout d’un coup beaucoup plus vite et, alors qu’il y a quelques mois un palmier pouvait produire un régime mûr toutes les 2-3 semaines, maintenant il n’est pas rare d’avoir jusqu’à 8 régimes mûrs en même temps sur le même palmier. Si on décale un tout petit peu la récolte (qui se fait théoriquement une fois pas semaine sur chaque palmier) les régimes ont tendance à devenir trop mûrs et tous les fruits tombent par terre ce qui rend le travail de récolte beaucoup plus difficile. Nous essayons donc de maintenir un cycle de récolte de 7 jours quoi qu’il advienne pour éviter de se faire dépasser par les fruits détachés qu’il faut ensuite récolter un-à-un, tamiser pour éliminer la terre et les autre détritus et puis les charger vers l’huilerie.
Le problème des fruits détachés est que ceux-ci sont aussi très prisés par les opérateurs de malaxeurs (sorte d’huilerie artisanale) qui sont installés dans tous les villages autour de la plantation pour (théoriquement) produire de l’huile avec les fruits récoltés dans les palmiers sauvages. Seulement la récolte des palmiers sauvages est nettement plus difficiles car la plus grande partie d’entre eux ont plus de 20 ans en moyenne et donc les régimes sont à 15-20 mètres de hauteur, donc difficiles à atteindre. Qui plus est, les palmiers “sauvages” sont généralement de type “dura” ce qui veut dire qu’ils contiennent une grosse noix et relativement peu de pulpe autour de celle-ci, or l’huile artisanale est celle extraite de la pulpe. Nos fruits et régimes sont issus de variétés sélectionnées de type “tenera” qui contiennent une relativement petite noix et une couche pulpeuse très épaisse. Nos fruits sont donc beaucoup plus intéressants que les fruits sauvages. Donc plus nous avons de fruits détachés, plus il est difficile et lent de les récolter et plus les vols sont importants. Nous faisons appel aux autorités pour interdire les malaxeurs utilisant des fruits volés (facilement identifiables) mais il y a une certaine réticence à nous aider car les malaxeurs seraient un élément essentiel de l’économie villageoise et si nous détruisons les malaxeurs, qui transforment nos fruits, toute la population souffrirait car le prix de l’huile de palme augmenterait sur le marché…
Bon, revenons à nos moutons et au titre de ces nouvelles, en effet en pointe nous devons évacuer entre 500 et 600 tonnes de fruits et régimes de la plantation vers l’huilerie, à raison de 5-6 tonnes par tracteur cela nous fait pas loin de 100 voyages à faire tous les jours. Comme l’huilerie est décentrée par rapport à la plus grande partie de la plantation, il était difficile d’envoyer toute cette production avec les tracteurs jusqu’à l’huilerie car un aller-retour prend en moyenne 5 heures sans compter le temps de charger les régimes au champ, je vous laisse faire le calcul du nombre de tracteurs nécessaires. Les tracteurs se limitent donc à des quais secs où la production est transférée dans des gros camions de sous-traitants qui se chargent d’amener le tout à l’huilerie. Pour rendre les opérations encore plus compliquées, la grande majorité de nos tracteurs sont en panne, c’est-à-dire qu’ils ne sont plus en mesure de faire marcher le système hydraulique permettant de vider la remorque à la station de déchargement, travail qui doit donc se faire à la main ou en branchant un des rares tracteurs en état de marche sur sa prise hydraulique. Comme le nombre de tracteurs ainsi tombés en panne est plutôt incroyable (au dernier tout de vérification je crois qu’il y avait 27 tracteurs dont la pompe hydraulique ne marche plus), j’ai demandé au responsable du garage d’essayer d’expliquer pourquoi à Brabanta les pompes hydrauliques lâchent plus vite que nous ne pouvons les commander et remplacer alors que dans d’autres plantations du groupe c’est exceptionnel d’avoir à remplacer une de ces pompes. Une des causes probables pourrait être un manque d’huile dans la boîte qui fait que les pompes tournent à sec et se grillent, par curiosité nous avons donc fait un test où chaque membre du personnel du garage devait à tour de rôle vérifier le niveau d’huile de la boîte d’un tracteur, il y avait 25 personnes présentes lors du test, tous des supposés mécaniciens ou aide-mécaniciens et le résultat… 25/25 ont été incapables de vérifier correctement le niveau d’huile de la boîte du tracteur. Si les mécaniciens (certains munis de diplômes supérieurs) sont incapables de faire un contrôle aussi basique, il n’est même pas nécessaire de se demander si les chauffeurs sont capables de le faire, d’autant plus que les tracteurs doivent être démarrés quand il fait encore nuit et que les systèmes d’éclairage utilisés (généralement des téléphones) ne permettent probablement pas toujours de voir très clair.
Une autre découverte technique surprenante concerne les démarreurs des tracteurs, dont beaucoup sont aussi en panne et nécessitent de tracter les engins pour les démarrer. Plutôt que de laisser les démarreurs défectueux en place, les mécaniciens ont pris l’habitude de retirer la pièce défectueuse et d’obturer l’ouverture (en contact direct avec la partie interne du moteur) avec un morceau de carton. Je vous laisse deviner combien de temps cela prend pour que le carton se désagrège (surtout en période de pluies) et permet à toutes sortes de “choses” de pénétrer dans le moteur.
Voilà déjà deux causes probables de dégradation des pompes hydrauliques qui, soit tournent à vide, soit ramassent de l’huile mélangée à de l’eau et autres impuretés et ne survivent donc plus très longtemps. Nous avons dès lors décidé de mettre en place des séances de formation pour nos mécaniciens et nos chauffeurs dans le vague espoir d’endiguer ce genre de problèmes, mais nous sommes en droit de nous demander si cela suffira, car les concepts élémentaires de technicité sont rares, voire inexistants, pour la plus grande partie de la population locale.
Non contents des problèmes techniques liés à l’évacuation des régimes vers l’huilerie, au début de cette semaine notre pelle chargeuse, engin utilisé à l’huilerie pour pousser les régimes et les fruits vers les stérilisateurs, est tombée en panne. Nous avons heureusement une engin de réserve, un peu plus petit mais qui permet de dépanner, si ce n’est que lui aussi est tombé en panne… La seule solution pour ne pas arrêter les opérations est manuelle, nous avons lancé un avis de recrutement pour 60 personnes qui, munies de pics, vont devoir se relayer 24h/24 pour pousser les régimes et fruits dans les stérilisateurs. A peine 30 minutes après avoir diffusé l’avis d’appel aux candidats pour nous aider sur le “carreau” de l’huilerie, nous avions des centaines de personnes massées aux grilles de l’huilerie souhaitant être embauchées. N’ayant pas vraiment le temps de faire passer des tests d’aptitude vu l’urgence, nous avons sélectionné les personnes sur base d’un critère essentiel, être en possession d’une paire de chaussures… je n’aurais jamais imaginé qu’un jour je choisirais d’engager quelqu’un selon ses chausses, mais travailler sur une zone de stockage de régimes qui sont munis d’épines redoutables, il vaut mieux avoir autre chose aux pieds que des sandalettes.
La petite histoire technique qui suit pourrait paraître incroyable et exagérée, pourtant c’est une réalité à laquelle je fais face tous les jours. En retournant au bureau, si je fais le voyage en voiture, j’ai l’habitude de prendre quelques travailleurs ayant terminé leur tâche pour les ramener à Mapangu, je fais cela depuis mon arrivée ici à Mapangu il y a maintenant plus de 4 ans et ce sont, la plupart du temps, toujours le mêmes travailleurs qui profitent de cette “roue libre” comme on appelait cela en Haïti. Jusqu’ici rien d’extraordinaire me direz-vous, si ce n’est que bon nombre de ces personnes, après des centaines de voyages dans la même voiture, sont encore et toujours incapables d’ouvrir les portières quand ils veulent descendre. Ils poussent, tirent, actionnent tous les boutons à leur portée, essayent de forcer la porte et restent incapables de l’ouvrir sans assistance. Presque chaque fois je leur montre de la manière la plus didactique possible comment il suffit d’actionner la petite manette tout en douceur pour que la portière s’ouvre presque d’elle-même, démonstration qui est immanquablement accompagnée d’un “merci patron” et d’un grand sourire d’émerveillement (“vous, vous avez la technique DG”) mais le lendemain la même histoire recommence. Au début je ne comprenais pas pourquoi les poignées des portières de ma voiture étaient régulièrement cassées, c’est en fait parce que dans la tête de la plupart des travailleurs la méthode est de forcer coûte que coûte car ça finit par s’ouvrir, même si en fin de compte c’est “le patron” qui le fait de sa touche magique…
Les exemples ne manquent pas et le résultat est presque toujours le même, une casse prématurée de l’objet en question que ce soit un outil, un téléphone, une serrure, un appareil électroménager, etc. et la seule solution est d’en interdire l’accès (pour les choses auxquelles nous tenons en tout cas). Certains objets résistent mieux que d’autres et l’un de ceux-ci est la lampe Waka-waka, dont nous avons distribué plusieurs milliers d’exemplaires à nos travailleurs et dont les premières (distribuées il y a maintenant 4 ans) sont encore toujours fonctionnelles même si leur aspect n’est plus vraiment comme avant. Il n’est donc pas surprenant que ces lampes soient extrêmement populaires auprès de nos travailleurs et, malheureusement, aussi des voleurs qui n’hésitent pas à dérober même les autorités locales.
Comme à l’accoutumée nous espérons recevoir de vos nouvelles.
A bientôt vous lire ou vous parler,
Marc & Marie-Claude

Nouveau forage à Mapangu – New borehole in Mapangu
Petite araignée dans le jardin – Small spider in the garden
Python
Déchetterie – Waste collection point

Ou impression of last week is confirmed, the peak production period has indeed begun, we are now working 7 days a week and the oil mill is operating 24 hours a day or so, a little earlier than last year and therefore may also end before the end of September. This would allow us to take some holidays in a few months’ time, which will be most welcome.
In practice “the peak” means that the bunches suddenly ripen much faster and, whereas a few months ago a palm tree could produce a mature bunch every 2-3 weeks, now it is not uncommon to have up to 8 mature bunches at the same time on the same palm tree. If we shift the harvest a little bit (theoretically once a week on each palm tree) the bunches tend to become overripe and all the fruit falls on the ground, making harvesting much more difficult. So we try to maintain a 7 day harvest cycle no matter what happens, to avoid being overtaken by loose fruit which must then be collected one by one, sieved to remove soil and other detritus and then loaded for transport to the oil mill.
The problem with loose fruit is that it is also highly prized by the operators of mixers (a kind of artisanal oil mill) that are installed in all the villages around the plantation to (theoretically) produce oil from the fruit harvested from the wild palm trees. Only the harvesting of the wild palms is much more difficult because most of them are more than 20 years old on average and therefore the bunches are 15-20 meters high and therefore difficult to reach. What’s more, “wild” palms are generally of the “dura” type, which means that they contain a large nut and relatively little pulp around it, but the artisanal oil is the one extracted from the pulp. Our fruits and bunches come from selected “tenera” type varieties which contain a relatively small nut and a very thick pulpy layer. Our fruits are therefore much more interesting than wild fruits to produce oil. So the more loose fruit we have, the more difficult and slower it is to collect them and the more thefts we have. We are appealing to the authorities to ban the mixers using stolen (easily identifiable) fruits but there is a certain reluctance to help us because they claim that the mixers are an essential part of the village economy and if we destroy the mixers, which process our fruits, the whole population would suffer because the price of palm oil would rise on the local market… In short, we should accept thefts to help maintain accessibility of oil to the local population… No comment!
Well, let’s get back to the title of this news. During the peak production period we have to evacuate between 500 and 600 tons of fruit and bunches from the plantation to the oil mill, at a rate of 5-6 tons per tractor that requires not far from 100 trips every day. As the mill is off-centre in relation to the main part of the plantation, it was difficult to send all this production with the tractors to the oil mill because a round trip takes on average 5 hours without counting the time to load the bunches in the field, I let you do the calculation of the number of tractors needed. We are trherefore using loading bays at different points in the plantation, from where large contractor trucks take the production to the mill. To make the operations even more complicated, the vast majority of our tractors are broken down, i.e. they are no longer able to operate the hydraulic system that allows the trailer to be emptied at the unloading station, a job that must therefore be done by hand or by connecting one of the few working tractors to its hydraulic socket. As the number of tractors that have broken down in this way is quite incredible (at the last check I think there were 27 tractors with faulty hydraulic pumps), I asked the garage manager to try to explain why in Brabanta the hydraulic pumps break down faster than we can order and replace them, when in other plantations of the group it is exceptional to have to replace one of these pumps. One of the probable causes could be a lack of oil in the gearbox which makes the pumps run dry and burn out, so out of curiosity we made a test where each member of the garage staff had to check the oil level in the gearbox of a tractor in turn, there were 25 people present during the test, all supposed mechanics or mechanic’s helpers and the result? 25/25 were unable to properly check the oil level in the tractor’s gearbox.
If mechanics (some with higher degrees) are unable to do such a basic check, it is not even necessary to ask whether drivers are capable of doing it, especially since tractors have to be started while it is still dark and the lighting systems used (usually telephones) probably do not always allow you to see very clearly.
Another surprising technical discovery concerns tractor starters, many of which are also broken down and the tractor needs to be push started. Rather than leave the faulty starters in place, mechanics have got into the habit of removing the faulty part and sealing the opening (in direct contact with the inner part of the engine) with a piece of cardboard. I’ll let you guess how long it takes for the cardboard to disintegrate (especially during rainy periods) and allow all sorts of “things” to enter the engine.
These are already two probable causes of degradation of hydraulic pumps that either run empty or pick up oil mixed with water and other impurities and therefore do not survive very long. We have therefore decided to set up training sessions for our mechanics and drivers in the vague hope of stemming these kinds of problems, but we have every right to wonder whether this will be enough, as basic technical concepts are rare, if not non-existent, for most of the local population.
In addition to the technical problems related to the evacuation of the bunches to the oil mill, at the beginning of this week our front loader, the machine used at the oil mill to push the bunches and fruit into the sterilizers, broke down. Luckily we have a spare machine, a little smaller but which allows us to help out, except that it also broke down… The only solution not to stop the operations is manual, we have launched a recruitment notice for 60 people who, equipped with spikes, will have to take turns 24 hours a day to push the bunches and fruit into the sterilizers. Barely 30 minutes after we put out the call for candidates to help us on the reception platform of the oil mill, we had hundreds of people massed at the oil mill’s gates wanting to be hired. Not really having time to do aptitude tests given the urgency, we selected people on the basis of an essential criterion, being in possession of a pair of shoes… I would never have imagined that one day I would choose to hire someone according to their shoes, but working on a bunch storage area with dreadful thorns, it is better to have something else on your feet than sandals.
The little technical story that follows might seem incredible and exaggerated, yet it is a reality that I face every day. On the way back to the office, if I make the trip by car, I usually take a few workers who have finished their work to bring them back to Mapangu, I have been doing this since I arrived here in Mapangu more than 4 years ago and it is, most of the time, always the same workers who take advantage of this “free wheel” as it was called in Haiti. So far nothing extraordinary, you might say, except that many of these people, after hundreds of trips in the same car, are still unable to open the doors when they want to get out. They push, pull, press all the buttons within their reach, try to force the door open and are still unable to open it without assistance. Almost every time I show them in the most didactic way possible how to operate the little handle gently so that the door almost opens by itself, a demonstration that is inevitably accompanied by a “thank you boss” and a big smile of wonder (“you, you have the Master technique”) but the next day the same story begins again. At first I didn’t understand why the door handles of my car were regularly broken, it’s actually because in the minds of most workers the method is to force it open at all costs because eventually it will open, even if in the end it is “the boss” who does it with his magic touch…
There is no shortage of examples and the result is almost always the same, a premature breakage of the object in question whether it is a tool, a telephone, a lock, a household appliance, etc. and the only solution is to forbid access to it (for things we care about anyway). Some objects resist better than others, and one of these is the Waka-waka lamp, of which we have distributed several thousands to our workers and the first ones (distributed 4 years ago) are still functional even if their appearance is not really the same as before. It is therefore not surprising that these lamps are extremely popular with our workers and, unfortunately, also with thieves who do not hesitate to steal even from local authorities.
As usual, we look forward to hearing from you.
We look forward to hearing from you,
Marc & Marie-Claude

One reply on “Technicité – Technicity”

Bonjour chers Marc & Marie-Claude, c’est encore et toujours avec le plus vif intéret que je continue de lire les récits hebdomadaires de votre incroyable aventure et je reste sidéré des nombreuses embuches qui continuent de jalonner votre presque quotidien… Ici tout va bien. Je vous embrasse tous deux bien fort, Jake

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