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Après plus de 16 semaines de confinement à cause du petit virus global (pour rappel outre les frontières nationales de la RDC qui ont été fermées, nous sommes coupés de Kinshasa qui a été isolé du reste du pays), une petite lumière apparait au bout du tunnel. En effet, l’état d’urgence sanitaire a été levé par le Président congolais dans son allocution du 21 juillet, qui a également brossé les grandes lignes des étapes d’ouverture du pays vers une “normalité” qui reste toutefois prudente car la pandémie est loin d’être finie. Cette annonce arrive juste au moment où le premier cas de Covid-19 a été confirmé dans la province du Kasaï, malade originaire de Kinshasa (oui, je sais, normalement Kinshasa est isolé, mais dans ce pays il suffit généralement de sortir un billet ou deux de sa poche pour que les règles soient “adaptées”), qui s’est toutefois évadé du centre de santé où il avait été confiné et pourrait donc répandre la bonne parole, euh je voulais dire le virus, aux personnes rencontrées dans sa balade illégale.
Malgré ce couac, l’horizon s’est donc éclairci un peu, mais les étapes du déconfinement peuvent faire lever les sourcils car les priorités sont manifestement non conformes et pourraient compromettre le plan d’attaque des autorités. Les premières étapes du déconfinement concernent dans l’immédiat les commerces, banques, entreprises (jusque là, OK), rassemblements, cafés, bars, restaurants, réunions et célébrations (il n’y a plus de limites du nombre de participants), ainsi que la reprise des transports en commun. Il n’est plus question de distanciation ou de port de masques, mais comme ces mesures n’étaient pas respectées même lorsqu’elles étaient obligatoires je présume que les autorités ont renoncé à imposer celles-ci maintenant que les contraintes sont relâchées.
A partir du 3 août ce sont les écoles et universités qui peuvent reprendre, certainement quelque chose qui devenait urgent, car après 4 mois de “vacances” dans un pays ou la qualité de l’éducation est généralement médiocre dans le meilleur des cas et ou l’éducation à distance n’est pas une option à quelques exceptions près, il est crucial de ramener les enfants sur les bancs de l’école et surtout de permettre aux enseignants d’être à nouveau rémunérés.
La troisième et dernière étape est programmée à partir du 15 août avec la réouverture des frontières provinciales et nationales, des églises et autres lieux de culte, et des discothèques. Pour le moment il est prévu d’encourager les personnes arrivant de l’étranger d’observer un quarantaine volontaire à la maison et de se faire contrôler, mais ce n’est pas obligatoire comme en Belgique où, si nous rentrons pour des congés, nous serons obligés de rester en quarantaine pendant deux semaines. Certes une telle quarantaine n’est pas la fin du monde dans la mesure ou nous pourrons effectuer celle-ci à une adresse de notre choix, mais cela veut quand même dire que nous devrons patienter encore deux semaines avant de pouvoir retrouver nos proches et amis.
Pour une raisons que nous ignorons, les seules restrictions qui restent d’application ici en RDC après la levée des mesures d’urgence sont les funérailles, où le nombre de personnes pouvant être présentes reste strictement limité. Cette mesure a dû être copiée de celles prises dans le cadre des épidémies d’Ebola où effectivement les dépouilles des personnes décédées restent hautement contagieuses, mais dans le cadre du Covid-19 j’aurais plutôt mis des limites dans les bars et discothèques.
Généralement se sont plutôt des bonnes nouvelles car cela nous donnera un peu plus de liberté de mouvement, dans la mesure où il n’y a pas une flambée d’infections qui amènerait les autorités à revoir leur copie. Ce ne serait pas la première fois car on nous avait annoncé la reprise des vols internationaux à partir du 22 juin, ensuite à partir de début juillet et maintenant le 15 août, donc tout peut encore changer.
Ce qui est certain c’est qu’ici les autorités ont déjà bien levé le pied, alors qu’en mars une souris n’aurais pas pu mettre le pied dans la province sans avoir été appréhendée par les autorités, qui avaient sollicité toutes sortes d’aide chez nous pour mettre en place les mesures nécessaires (tentes pour camps d’isolement, carburant pour les patrouilles fluviales et terrestres, matériels de protection individuel, etc.), maintenant les villages flottants arrivant de Kinshasa ne font même plus l’objet de contrôles et nous voyons des visiteurs arriver de Kinshasa qui circulent sans être inquiétés. Il est vrai que le nombre de visiteurs est limité et que les passagers arrivant en barge ont de fait déjà fait une quarantaine puisque les barges mettent au moins deux semaines pour faire le voyage de Kinshasa à Mapangu.
Il n’en reste pas moins que nous avons décidé de maintenir, voire renforcer nos mesures préventives dans la plantation, car l’arrivée du virus ici nous obligerait probablement de fermer les opérations, ce qui serait un désastre tant économique que social. Tous les travailleurs sont maintenant dotés de masques qu’ils sont supposés porter lorsqu’ils ne sont pas en mesure de respecter les distances de sécurité comme dans les véhicules (dans lesquels nous avons limité le nombre de passagers), lors de réunions dans les bureaux où à certains appels. Le travail de sensibilisation sur l’utilisation des masques est toutefois encore long car si la majorité des travailleurs portent leur masque pendant le travail aux champs (où ce n’est absolument pas nécessaire ou même utile), dans les véhicules ils ne le portent souvent pas parce que c’est plus facile de parler avec ses voisins sans le masque… Même nos cadres portent souvent le masque juste devant la bouche ou accroché au menton avec le nez à l’air parce que “c’est plus facile de respirer comme cela”… Bref, sans parler de l’état de propreté des masques qui est souvent très douteux, il y a encore beaucoup de travail à faire et la levée des mesures annoncées par le Président ne va pas rendre notre tâche plus facile. Nous exigeons aussi que nos travailleurs se lavent les mains avant d’entrer dans les lieux d’appel, les bureaux, etc., mais là aussi il reste un gros travail de sensibilisation à faire car quand le patron n’est pas là pour leur rappeler ils “oublient”, alors que les lave-mains sont positionnés de manière bien visible à l’entrée de chaque site. Dans les bureaux nous avons disposés des flacons de gel hydro-alcoolique pour assurer une désinfection régulière des mains après avoir manipulé des documents, billets de banque ou autre objets touchés par d’autres personnes. Je ne sais pas si c’est parce que les personnes travaillant dans les bureaux sont généralement plus éduqués, mais ce système semble être bien assimilé à juger du nombre de personnes qui viennent faire remplir leur flacon de gel.
La seule chose que nous n’avons pas encore généralisé est le contrôle de la température, car les thermomètres à infrarouge que nous avons commandés sont encore “en route”. Mais comme il semble que la fièvre ne soit pas nécessairement le symptôme le plus important pour dépister les cas suspects, nous essayons de mettre l’accent principalement sur les mesures préventives, d’autant plus qu’ici la fièvre plus fréquemment le signe d’une malaria ou d’une infection mal soignée.
Finalement, parlant de malaria, au cours de l’année 2019 la RDC a connu 330.000 décès imputés au paludisme, alors qu’à ce jour le Covid-19 a fait moins de 200 victimes (principalement des personnes ayant séjourné en Europe). Cela pousse à se demander si toutes les aides et collectes de fonds qui font la une de la presse pour la lutte contre le coronavirus ne seraient pas mieux consacrées à mettre en place une réelle politique de prévention et de lutte contre la malaria ? Marie-Claude et moi prenons des tisanes d’Artemisia annua (produits dans notre jardin) pour nous prémunir contre le paludisme depuis que nous sommes ici (et même avant cela lorsque je faisais de missions en Afrique) et nous sommes les seuls expatriés qui n’ont pas eu de malaria. Il est vrai que les autorités sanitaires (surtout les sociétés pharmaceutiques) crient au loup contre l’utilisation de cette plante sous forme de tisane, mais vu les conséquences dramatiques de cette maladie en RDC il y a quand même lieu de se demander pourquoi ne pas consacrer plus de moyens à sa vulgarisation. Nous le faisons à petite échelle ici à Mapangu avec les personnes intéressées, mais avec prudence car d’une part il est difficile de s’assurer que les personnes respectent la posologie conseillée et, d’autre part, parce que ce n’est pas un moyen de prévention ou de lutte reconnu par les autorités sanitaires locales et/ou internationales.
Hormis ceux d’entre vous qui nous lisent dans les pays tropicaux, ce problème vous paraîtra secondaire comparé au risque que représente le coronavirus, mais quelle que soit votre situation nous vous souhaitons prudence et une bonne santé.
A bientôt vous lire,
Marc & Marie-Claude
After more than 16 weeks of containment because of the tiny global virus (as a reminder, in addition to the national borders of the DRC which have been closed, we are cut off from Kinshasa which has been isolated from the rest of the country), a small light appears at the end of the tunnel. Indeed, the state of health emergency was lifted by the Congolese President in his speech of 21 July, which also outlined the steps to open up the country towards “normality”, which nevertheless remains cautious as the pandemic is far from over. This announcement comes just as the first case of Covid-19 has been confirmed in the province of Kasai, a sick man from Kinshasa (yes, I know, normally Kinshasa is isolated, but in this country it is usually enough to take some small change out of one’s pocket for the rules to be “adapted”), who has, however, escaped from the health centre where he had been confined and could therefore spread the good word, uh I meant the virus, to the people he meets during his illegal wander.
In spite of this blunder, the horizon has thus cleared up a little, but the steps of deconfinement may raise eyebrows because the priorities are clearly not what we would logically expect and could compromise the authorities’ plan of attack. The first stages of deconfinement with immediate effect are the opening of shops, banks, businesses (so far, OK), authorisation of rallies, cafés, bars, restaurants, meetings and celebrations, as well as the resumption of public transport. There is no longer any question of distancing or the wearing of masks, but as these measures were not respected even when they were compulsory, I assume that the authorities have given up imposing them now that the constraints have been relaxed.
From 3 August schools and universities will reopen, certainly something that was becoming urgent, because after 4 months of “holidays” in a country where the quality of education is generally poor at best and where distance education is not an option with a few exceptions, it is crucial to get children back to school and allow teachers to be paid again.
The third and final stage is scheduled to begin on 15 August with the reopening of provincial and national borders, churches and other places of worship, and discotheques. For the time being it is planned to encourage people arriving from abroad to observe a voluntary quarantine at home and to be checked, but this is not obligatory as in Belgium where, if we return for holidays, we will be obliged to stay in quarantine for two weeks. Of course, such a quarantine is not the end of the world, as we will be able to carry out the quarantine at an address of our choice, but it still means that we will have to wait another two weeks before we can be reunited with our relatives and friends.
For reasons unknown to us, the only restrictions that remain in force here in the DRC after the lifting of the emergency measures are funerals, where the number of people who can attend remains strictly limited. This measure must have been copied from those taken in the context of the Ebola epidemics, where indeed the remains of the deceased remain highly contagious, but in the context of Covid-19 I would have rather put limits on bars and discos.
Generally speaking, this is rather good news because it will give us a little more freedom of movement, as long as there is not an outbreak of infections that would lead the authorities to review their decision. It wouldn’t be the first time because we were told that international flights would resume on June 22nd, then at the beginning of July and now on August 15th, so everything can still change.
What is certain is that here in Mapangu the authorities have already relaxed their approach, whereas in March a mouse could not have set foot in the province without being apprehended by the authorities, who had requested all kinds of help from us to put in place the necessary measures (tents for isolation camps, fuel for river and land patrols, personal protective equipment, etc.), now the floating villages arriving from Kinshasa are no longer even checked and we see visitors arriving from Kinshasa who move around without being disturbed. It is true that the number of travelers is limited (because of the state of the roads) and that the passengers arriving by barge have in fact already made a quarantine since the barges take at least two weeks to make the trip from Kinshasa to Mapangu.
Nevertheless, we have decided to maintain and even strengthen our preventive measures in the plantation, because the arrival of the virus here would probably force us to close down operations, which would be an economic and social disaster. All workers are now equipped with masks that they are supposed to wear when they are unable to keep safe distances, such as in vehicles (in which we have limited the number of passengers), during meetings in the offices or at certain muster calls. However, there is still a long way to go in raising awareness about the use of masks, because although the majority of workers wear their masks while working in the fields (where it is absolutely not necessary or even useful), in vehicles they often do not wear them because it is easier to talk to neighbours without the mask. Even our managers often wear the mask hanging in front of their mouth or on their chin with their nose in the air because “it’s easier to breathe that way”… In short, not to mention the state of cleanliness of the masks, which is often very doubtful, there is still a lot of work to be done and the lifting of the measures announced by the President is not going to make our task any easier. We also demand that our workers wash their hands before entering muster sites, offices, etc., but here too there still is a lot of awareness-raising work to be done, because when the boss is not there to remind them, they “forget”, whereas the hand washing stations are positioned in a highly visible position at the entrance to each site. In the offices we have placed bottles of hydro-alcoholic gel to ensure regular disinfection of hands after handling documents, banknotes or other objects touched by other people. I don’t know if it’s because the people working in the offices are generally more educated, but this system seems to be well assimilated in judging the number of people who come in to have their bottles of gel refilled.
The only thing we haven’t generalized yet is temperature control, because the infrared thermometers we’ve ordered are still “on the way”. But as it seems that fever is not necessarily the most important symptom for detecting suspicious cases, we are trying to focus mainly on preventive measures, especially as here fever is more frequently a sign of malaria or a poorly treated infection.
Finally, speaking of malaria, during the year 2019 the DRC has had 330,000 deaths attributed to malaria, while to date Covid-19 has caused less than 200 victims (mainly people who have come from Europe). This leads one to wonder if all the aid and fundraising that makes the headlines for the fight against coronavirus would not be better spent on setting up a real policy of prevention and fight against malaria? Marie-Claude and I have been taking Artemisia annua herbal tea (produced in our garden) to protect us against malaria since we have been here (and even before that when I was on missions in Africa) and we are the only expatriates who have not had malaria. It is true that the health authorities (especially the pharmaceutical companies) are crying wolf against the use of this plant in the form of herbal tea, but given the dramatic consequences of this disease in the DRC there is still reason to wonder why not devote more resources to its extension. We are doing it on a small scale here in Mapangu with interested people, but with caution because, on the one hand, it is difficult to ensure that people respect the recommended dosage and, on the other hand, because it is not a means of prevention or control recognized by the local and/or international health authorities.
Except for those of you who read us in tropical countries, this problem will seem secondary compared to the risk represented by the coronavirus, but whatever your situation, we wish you caution and good health.
We look forward to hearing from you,
Marc & Marie-Claude