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Un des paradoxes de notre vie ici à Mapangu est le fait que nous sommes isolés, notre voisine la plus proche (actuellement en vacances) est la directrice agronomique vivant dans une maison tout juste visible depuis la nôtre, mais que notre vie n’a de secret pour personne. Tant que nous restons à l’intérieur de la maison, compte tenu du fait que les gardiens ont généralement compris qu’il ne fallait pas venir trop près pendant leurs rondes pour éviter d’agacer Makala (notre chienne), nous avons la douce illusion de penser que nos voisins et en particulier les agents de sécurité qui nous gardent, ne savent pas trop ce que nous faisons. Cela, bien sûr sans compter sur le fait que le cuisinier/homme de maison a tendance à trouver quelque chose à faire dans les environs de l’endroit où vous avez une conversation au téléphone, ou que vous êtes devant l’ordinateur ou visionnez un film.
Mais il suffit de mettre le nez dehors, surtout nuitamment, pour observer la féérie de la voie lactée ou les éclairs d’un orage lointain (pas question d’envisager un petit pipi au clair de lune sans courir le risque d’être surpris en pleine action par un faisceau de lampe de poche) pour que nos mouvements soient notés et d’une manière ou d’une autre connu de tous ou presque. Heureusement tous ont plus ou moins compris que nous apprécions une certaine intimité et qu’il n’est pas indispensable de se manifester dès qu’ils nous voient sortir, mais cela n’empêche pas de nous savoir sous étroite surveillance.
Il en va de même pour mes sorties professionnelles, pas besoin d’informer mes collègues de ma destination le matin pour que tous sachent quasi instantanément où le DG a fait l’appel. Il n’y a pas vraiment de mystères à cela car, d’une part les gardiens de la Cathédrale ont une radio et je les ai déjà entendus signaler à leurs collègues que “le DG est en route” et, d’autre part, il en va de même des responsables en plantation qui sont tous munis d’une radio et peuvent donc communiquer aussi la position de l’un ou de l’autre. Généralement tout le monde sait que je ne circule pas avec une radio, encore que ma voiture est équipée d’un poste qui me permet (de temps en temps) d’écouter les échanges et de savoir quels sont les petits problèmes du moment (véhicule embourbé, effectifs présents à l’appel, ou position de l’un ou de l’autre), et cela me permet donc parfois d’avoir un échantillon des échanges qui me concernent (jusqu’à présent jamais “mauvais”).
Tout le monde sait aussi que j’ai du mal à refuser de recevoir des visiteurs au bureau, que ce soit un travailleur qui vient avec une doléance ou une personne extérieure qui vient présenter ses civilités, et comme par hasard il ne se passe pas beaucoup de temps après mon arrivée au bureau pour qu’une file d’attente se forme. Si je dois réellement me concentrer sur un travail, la seule solution est de travailler depuis la maison.
Si nous avons l’impression de ne pas vraiment avoir beaucoup d’intimité dans notre vie, sauf quand nous fermons les portes de notre maison, c’est probablement parce qu’ici cette notion est très différente. Je reçois régulièrement des travailleurs ou personnes extérieures qui viennent m’expliquer avec moult détails leurs problèmes personnels, que ce soit à propos d’évènements qui se sont passés à la maison ou pour exposer des plaies ou autres affections aux endroits les plus variés. Heureusement il y a malgré tout des limites aux descriptions ou expositions corporelles auxquelles j’ai droit, qui sont probablement dictées par la pudeur (très importante ici) et me permettent donc d’éviter des situations trop embarrassantes. Cela n’empêche que parfois les visiteurs viennent parce qu’ils estiment que d’une manière ou une autre je puis les aider à résoudre l’infidélité de leur épouse, les vagabondages de leurs progéniture, des complaintes par rapport à leur curiosité “vers une petite cousine”, plaider en leur faveur auprès de la justice ou donner une avis sur une affection médicale qu’ils estiment mal comprise par le médecin et se sentent obligés de me relater en détail avec un choix de termes parfois très imagés. Il y a évidemment aussi ceux qui viennent me voir pour un problème lié au travail, mais ça c’est normal.
A la maison il est difficile d’imaginer que nos collègues congolais puisse avoir la moindre intimité selon nos critères. Par exemple, il est normal de partager son logement avec parents, neveux, nièces, frères, sœurs, etc. au point ou il est fréquent d’avoir plus de douze personnes (enfants compris) vivant dans une petite maison de 30m². Un des cadres dont la famille vit à Kinshasa m’a expliqué qu’il avait la chance d’avoir une grande maison (50 m²) dans laquelle il y a 30 (oui je dis bien trente) personnes qui habitent. Un lit que nous considérons simple (pour une personne) en Europe est parfois partagé par trois personnes pour y dormir en même temps dans une petite pièce surchauffée car les volets doivent être fermés pour la “sécurité”. Il est plus que probable que notre besoin de ce que nous appelons “vie privée” soit un concept absolument incompréhensible et semble très solitaire ici.
Il n’y a pas que pour le logement que les gens sont serrés, alors que nous ne trouvons pas anormal de voyager seul dans une grande voiture ou préférons généralement trouver un siège isolé dans les transports en commun, ici une moto taxi transporte parfois quatre ou cinq personnes, le record dont j’ai été témoin est de six personnes, mais la sixième personne était un bébé attaché dans le dos de la maman assise à l’arrière de la moto.
Tout cela pour dire que notre sentiment de manque vie privée est tout relatif par rapport à nos collègues qui vivent en permanence entourés et parfois en contact physique constant.
Ce qui ne manque pas de surprendre est que malgré la promiscuité et la grande pudeur qui est de mise ici, les rumeurs de relations amoureuses, leurs résultats et les débats extra-matrimoniaux sont légions et abondamment commentés dans les villages et au bureau.
Pour conclure, comme beaucoup d’entre vous certainement, nous célébrons les fêtes de fin d’année en toute intimité, mais grâce à la technologie actuelle nous avons malgré tout l’opportunité de parler et de voir nos proches et nos amis presque comme si nous étions ensemble.
Nous espérons que vous passerez une excellent “bout d’an” et nous vous souhaitons santé et bonheur pour l’année nouvelle en espérant que nous aurons l’occasion de nous revoir dans un avenir pas trop lointain.
A bientôt vous lire,
Marc & Marie-Claude
One of the paradoxes of our life here in Mapangu is the fact that we are isolated, our closest neighbour (currently on holiday) is the agricultural director living in a house just visible from ours, but that our life has no secrets for anyone. As long as we stay inside the house, given that the guards have generally understood that thet should not come too close during their rounds to avoid annoying Makala (our dog), we have the sweet illusion that our neighbours, and especially the security guards guarding us, don’t really know what we are doing. This, of course, without counting on the fact that the cook/housekeeper tends to find something to do around the place where you have a conversation on the phone, or are in front of the computer or watching a film.
But just by sticking your nose out, especially at night, to watch the fairy tale of the Milky Way or the lightning of a distant storm (no way to contemplate a little pee in the moonlight without running the risk of being caught in the middle of the action by a flashlight beam) our movements are noted and somehow known to almost everyone. Luckily everyone has more or less understood that we appreciate a certain intimacy and that it is not essential to show up as soon as they see us going out, but this does not prevent us from knowing that we are under close surveillance.
The same goes for my professional outings, there is no need to inform my colleagues of my destination in the morning as everyone knows almost instantly where the GM is attending muster. There are no real mysteries about this because, on the one hand, the Cathedral guards have a radio and I have already overheard them informing their colleagues that “the GM is on his way” and, on the other hand, the same goes for the plantation managers who all have a radio and can therefore also communicate the position of one or the other. Generally everyone knows that I don’t drive around with a radio, although my car is equipped with a radio that allows me (from time to time) to listen to the exchanges and to know what the small problems of the moment are (muddy vehicle, number of staff present on call, or position of one or the other), and this sometimes allows me to have a sample of the exchanges that concern me (so far never “bad”).
Everyone also knows that I find it difficult to refuse visitors to the office, whether it is a worker who comes with a grievance or an outsider who comes to present his or her civilities, and as luck would have it, it does not take long after my arrival at the office for a queue to form. If I really need to concentrate on a job, the only solution is to work from home.
If we feel that we don’t really have much privacy in our lives, except when we close the doors of our house, it is probably because here this notion is very different. I regularly receive workers or outsiders who come to explain to me in great detail their personal problems, be it about events that have happened at home or to expose wounds or other ailments in the most varied places. Fortunately, there are nevertheless limits to the descriptions or bodily exposures to which I am entitled, which are probably dictated by modesty (very important here) and therefore allow me to avoid situations that are too embarrassing. This does not prevent visitors from sometimes coming because they feel that I can somehow help them to resolve their wife’s infidelity, the vagrancy of their offspring, complain about their curiosity “towards a little cousin”, plead in their favour with the courts or give an opinion on a medical condition which they feel is misunderstood by the doctor and feel obliged to relate to me in detail with a choice of sometimes in very graphic terms. Of course, there are also those who come to me with a work-related problem, but that is normal.
At home it is hard to imagine that our Congolese colleagues could have the slightest privacy according to our criteria. For example, it is normal to share accommodation with parents, nephews, nieces, brothers, sisters, etc. to the extent that it is common to have more than twelve people (including children) living in a small house of 30m². One of the executives whose family lives in Kinshasa explained to me that he was lucky enough to have a large house (50m²) in which there are 30 (yes I say thirty) people living. A bed that we consider single (for one person) in Europe is sometimes shared by three people to sleep at the same time in a small overheated room because the shutters have to be closed for “security”. It is more than likely that our need for what we call “privacy” is an absolutely incomprehensible concept and seems very lonely here.
It’s not just for accommodation that people are tight, while we do not find it abnormal to travel alone in a large car or generally prefer to find a single seat on public transport, here a motorbike taxi sometimes carries four or five people, the record I have witnessed is six people, but the sixth person was a baby strapped to the back of the mum sitting on the back of the motorbike.
All this to say that our feeling of lack of privacy is all relative to our colleagues who live permanently surrounded and sometimes in constant physical contact.
What does not fail to surprise us is that despite the promiscuity and great modesty that is the order of the day here, rumours of love relationships, their results and extra-matrimonial debates are legion and abundantly commented on in the villages and in the office.
To conclude, as many of you certainly do, we celebrate the end of the year celebrations in all intimacy, but thanks to today’s technology we still have the opportunity to talk and see our relatives and friends almost as if we were together.
We hope that you will have an excellent “end of the year” and we wish you health and happiness for the New Year and hope that we will have the opportunity to see each other again in the not too distant future.
We look forward to hearing from you soon,
Marc & Marie-Claude