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Il y a des semaines où l’inspiration est un peu moins abondante et je crois que pour ces nouvelles-ci c’est vraiment une question de savoir quoi raconter car je ne suis pas sorti de la maison et je n’ai pas eu de visiteurs. Alors encore une fois je vais creuser dans les souvenirs plus anciens et essayer de rassembler des images de notre vie en Haïti, aussi une île mais beaucoup moins verte celle-là.
Haïti fut notre première affectation en tant qu’expatriés, la première fois pour moi de partir dans un pays tropical et la première aventure aussi pour notre fils qui avait tout juste 7 mois quand il est arrivé avec Marie-Claude dans les Antilles.
Nous sommes partis en Haïti pour monter un projet de développement agricole dans la zone d’Ennery, une petite bourgade dans les mornes au-dessus dans la province des Gonaïves. J’y étais parti un petit peu à l’avance pour préparer le terrain et surtout trouver un logement pour notre petite famille. Arrivé en Haïti j’ai été accueilli par le médecin de l’organisation qui nous employait et qui m’a aimablement logé dans sa maison, construite par lui-même, dans la zone de Passe-Reine. Passe-Reine n’étant pas vraiment un village mais plutôt une zone résidentielle dans une vallée plutôt verdoyante et plus fraîche où les haïtiens plus aisés avaient des résidences secondaires utilisées pour les week-ends ou vacances.
Mes souvenirs du séjour dans la maison du médecin français (qui avait “épousé” une haïtienne du coin) ne sont pas tous excellents. Pour commencer la maison était construite à la sortie d’un virage de la route nationale allant vers le Cap Haïtien au nord et sur laquelle circulait entre-autres de gros camions “Mack” transformés en bus faisant la liaison entre la capitale et le nord du pays. Ces camions circulaient principalement la nuit et à vive allure me donnant chaque fois l’impression qu’ils allaient entrer directement dans la chambre où je dormais avant de virer au dernier moment sur la route. Je n’ai logé que quelques semaines dans cette maison, mais il m’a fallu des mois pour ne pas me réveiller en sueurs la nuit chaque fois que j’entendais un camion approcher. La maison du médecin était très élémentaire avec un sol en terre battue, de grands espaces ouverts entre la toiture et les murs (pour l’aération) et un simple toit en tôle qui transformait la maison en fournaise pendant la journée. Les ouvertures permettaient évidemment à tous les moustiques de la créature de venir à l’intérieur de la maison et il était donc indispensable de dormir sous une tente moustiquaire. Il y avait aussi des cavalcades de rats la nuit, de très gros rats appelés “rats norvégiens” par les locaux, qui se promenaient au sommet des murs à la recherche de restes alimentaires. L’eau “potable” était stocké dans une grande jarre en terre cuite qui lui donnait une relative fraîcheur mais surtout un goût crayeux pas particulièrement agréable.
Pour l’arrivée de Marie-Claude et Renaud nous avions trouvé une belle villa un peu plus loin dans Passe-Reine avec un petit jardin plein d’arbres fruitiers et surtout, grand luxe, une citerne d’eau. Malgré le fait que cette villa était très “belle” avec plusieurs chambres, salle de bain et énorme terrasse couverte, nous ne nous y sentions pas bien au point de décider de chercher autre chose à peine quelques mois plus tard. Nous avons visité quelques autres “belles” maisons dans Passe-Reine mais pour finir nous avons opté pour une toute petite maison dans le bourg d’Ennery, juste à côté de l’église catholique. En fait la maison appartenait à l’église mais était inoccupée pour une raison que j’ai oublié. La maison était toute petite (environ 30m²) avec 3 portes donnant directement sur la rue, un trou dans le jardin comme seule toilette et un robinet d’eau dans le fond du jardin. Pour une raison qui défie le bon sens, nous avons décidé que cette maison répondait mieux à nos besoins et nous avons déménagé nos quelques possessions peu de temps après.
Peu de temps avant l’arrivée de Marie-Claude j’avais accompagné le médecin dans une de ses visites à Port-de-Paix dans le nord de l’île où un couple de français s’occupait d’un projet de couture. Port-de-Paix est une ville un peu plus importante qui bénéficiait d’un réseau électrique encore fonctionnel et nos collègues avaient donc chez eux un réfrigérateur. Ils m’ont proposé un verre d’eau et jusqu’à ce jour je puis vous garantir que c’était le meilleur verre d’eau fraîche que j’ai jamais bu, c’était comme du nectar. J’ai donc décidé que quoi qu’il advienne, si ce n’est pour conserver les produits alimentaires pour notre jeune enfant, il nous serait indispensable d’avoir un réfrigérateur (à pétrole dans notre cas) dans notre maison. Outre cela nous avons investi dans un réchaud à gaz, même si nous avions une cuisinière “Bibi” qui préférait faire ses préparations sur le charbon de bois. Il n’y avait pas d’électricité à Ennery, mais j’avais installé des petits tubes néon que nous branchions sur la batterie de la voiture parquée à côté de la maison et nous avions des lampes à pétrole “hyppolito” qui donnaient une lumière spectaculaire, même s’il fallait garder ses distances car la chaleur dégagée par ces lampes est impressionnante.
Avec le temps nous avons amélioré quelque peu la maison en ajoutant une douche et un “wc” à l’intérieur d’une extension de la maison, construit une petite chambre supplémentaire pour les enfants et aménagé une terrasse au-dessus de l’extension de la maison pour y profiter un petit peu du soleil à l’abri des regards.
Nous étions en Haïti à l’époque de Baby Doc qui avait repris les rênes de son père (Papa Doc) dont la réputation avait fait trembler plus d’un. Baby Doc était lui plus intéressé par les voitures et le bon temps que par l’exercice du pouvoir qui semblait plus faire l’affaire de son épouse, Michelle Bennet, et de sa belle-famille. C’était aussi l’époque des Tontons Macoutes (nom populaire donne aux VSN – Volontaires pour la Sécurité National) dont l’uniforme était un pantalon et veste en jeans et qui représentaient de fait le service de police du pays. Certains Tontons Macoutes s’étaient fait une réputation de violence et d’abus, mais la majorité des VSN étaient des haïtiens ordinaires qui avaient rejoint les rangs de l’organisation pour qu’on les laisse en paix. Beaucoup de personnes avec lesquelles je serais amené à travailler étaient des porteurs de carte VSN, mais je ne les ai jamais vu porter leur uniforme ou abuser de leur pouvoir.
Au début de notre mission en Haïti nous disposions d’une vieille Land Rover comme véhicule de déplacement, cette voiture était vieille mais surtout en panne de manière quasi journalière et m’a permis de faire mes armes en mécanique. Nous ne faisions aucun déplacement avec cette voiture, surnommée “la poubelle” sans embarquer un outillage complet, qui a beaucoup servi. Cette voiture nous a causé quelques soucis et aussi des souvenirs qui font sourire, mais généralement son avantage était que “tout” était réparable localement, si besoin avec des bouts de fil et de bois.
Un jour, suite à une visite effectuée dans un des mornes, où notre fils Renaud m’avait accompagné trônant dans son siège enfant à côté du chauffeur, la route à flanc de colline s’est dérobée et la voiture s’est retrouvée surplombant à moitié le vide. Heureusement elle est restée accrochée et nous avons pu sortir tous les passagers sains et saufs, mais nous étions trop loin de la route pour prendre le risque de rentrer à pied, surtout avec un enfant de moins d’un an. Utilisant des bouts de bois trouvés dans les environs et des lanières que j’avais dans la voiture, nous avons réussi d’une manière ou d’une autre à extraire la voiture de sa situation précaire et rentrer à la maison sans autres problèmes.
Lors d’un voyage vers la capitale, un jour où il y avait eu des pluies assez abondantes, l’évêque des Gonaives nous a dépassé à vive allure sur la route allant vers Saint-Marc. Un peu plus loin nous l’avons retrouvé arrêté sur le bord de la route son moteur semble-t-il noyé pour être passé trop vite dans une grande flaque d’eau. Monseigneur nous a expliqué qu’il était dans une impasse car il était attendu pour célébrer une messe à Saint-Marc et qu’il avait peur de ne pas y arriver dans les temps. L’évêque est donc monté dans notre “poubelle” à côté de notre fiston à qui Monseigneur a généreusement offert un bonbon au chocolat. Vous savez comment cela se passe avec les jeunes enfants, pour une raison mystérieuse le chocolat ne reste pas en bouche et finit sur les joues, mains et généralement tout ce qui est plus ou moins à distance touchable. Dans ce rayon d’action il y avait également l’évêque habillé tout de blanc pour sa célébration. Lorsque nous avons déposé Monseigneur devant les marches de l’église de Saint-Marc, sa soutane était toute bariolée de chocolat mais il nous a laissé avec un sourire radieux en disant qu’il avait adoré ce voyage.
En écrivant ces lignes je me rends compte que toutes sortes d’autres souvenirs reviennent à la surface, mais cela deviendrait un récit bien trop long pour cette occasion, il y aura donc probablement une épisode supplémentaire sur Haïti à l’occasion.
A très bientôt vous lire,
Marc & Marie-Claude
There are weeks when inspiration is a little less abundant and I think that for this week’s blog it is really a question of knowing what to say because I haven’t been out of the house and I haven’t had any visitors. So again I’m going to dig into the older memories and try to gather images of our life in Haiti, also an island but much less green.
Haiti was our first expatriate posting, the first time for me to go to a tropical country and the first adventure for our son who was just 7 months old when he arrived with Marie-Claude in the Caribbean.
We went to Haiti to set up an agricultural development project in the area of Ennery, a small town in the Mornes in the province of Gonaïves. I had gone there a little in advance to prepare things and especially to find accommodation for our little family. When I arrived in Haiti, I was welcomed by the doctor of the organisation that employed us, who kindly put me up in his house, built by himself, in the Passe-Reine area. Passe-Reine is not really a village but rather a residential area in a rather green and cooler valley where wealthier Haitians had second homes used for weekends or holidays.
My memories of the stay in the house of the French doctor (who had “married” a local Haitian) are not all excellent. To begin with, the house was built at the end of a bend in the national road leading to Cap Haitien in the north and on which, among other things, large “Mack” trucks transformed into buses made the connection between the capital and the north of the country. These trucks travelled mainly at night and at high speed, giving me the impression each time that they were going to enter directly into the room where I was sleeping before turning at the last moment onto the road. I only stayed in this house for a few weeks, but it took me months not to wake up in a sweat at night every time I heard a truck approaching. The doctor’s house was very basic with a dirt floor, large open spaces between the roof and walls (for ventilation) and a simple tin roof that turned the house into a furnace during the day. The openings obviously allowed all the creature’s mosquitoes to come inside the house, so sleeping under a mosquito net tent was essential. There were also cavalcades of rats at night, very large rats called “Norwegian rats” by the locals, who would wander around on top of the walls looking for food scraps. The “drinking” water was stored in a large earthenware jar which gave it a relative freshness but above all a not particularly pleasant chalky taste.
For the arrival of Marie-Claude and Renaud we had found a beautiful villa a little further on in Passe-Reine with a small garden full of fruit trees and above all, a great luxury, a water tank. Despite the fact that this villa was very “beautiful” with several bedrooms, bathroom and a huge covered terrace, we did not feel comfortable there and decided to look for something else only a few months later. We visited a few other “beautiful” houses in Passe-Reine but finally we decided on a very small house in the village of Ennery, right next to the Catholic church. In fact the house belonged to the church but was unoccupied for some reason I forget. The house was very small (about 30m²) with 3 doors directly onto the street, a hole in the garden as the only toilet and a water tap at the back of the garden. For some reason, we decided that this house was more suitable for our needs and moved our few possessions out soon after.
Shortly before Marie-Claude’s arrival I had accompanied the doctor on one of his visits to Port-de-Paix in the north of the island where a French couple were running a sewing project. Port-de-Paix is a slightly larger town with a still functioning electricity network, so our colleagues had a refrigerator at home. They offered me a glass of water and to this day I can guarantee you that it was the best glass of fresh water I have ever drunk, it was like nectar. So I decided that no matter what, other than to store food for our young child, it would be essential for us to have a fridge (working on paraffin in our case) in our house. Apart from that we invested in a gas stove, although we had “Bibi” our housekeeper who preferred to cook on charcoal. There was no electricity in Ennery, but I had installed small neon tubes which we plugged into the battery of the car parked next to the house and we had “Hyppolito” petrol lamps which gave a spectacular light, even if one had to keep one’s distance because the heat given off by these lamps is impressive.
Over time we improved the house a bit by adding a shower and a “wc” inside an extension of the house, built a small extra room for the children and built a terrace above the extension of the house to enjoy a little sunshine out of sight.
We were in Haiti at the time of Baby Doc, who had taken over from his father (Papa Doc) whose reputation had shaken many. Baby Doc was more interested in cars and having a good time than in exercising power, which seemed to suit his wife, Michelle Bennet, and his in-laws better. It was also the time of the Tontons Macoutes (the popular name for the VSN – Volontaires pour la Sécurité National) whose uniform was jeans trousers and jacket and who were in effect the country’s police force. Some of the Tontons Macoutes had earned a reputation for violence and abuse, but the majority of the VSN were ordinary Haitians who had joined the organisation to be left alone. Many of the people I would work with were VSN cardholders, but I never saw them wear their uniforms or abuse their power.
At the beginning of our mission in Haiti we had an old Land Rover as a vehicle for travel, this car was old but above all it broke down almost daily and allowed me to learn about mechanics. We never made a trip with this car, nicknamed “the bin”, without carrying a complete set of tools, which was very useful. This car caused us some problems and also some memories that make us smile, but generally its advantage was that “everything” could be repaired locally, if necessary with bits of wire and wood.
One day, following a visit to one of the mornes, where our son Renaud had accompanied me, sitting in his child seat next to the driver, the road on the hillside gave way and the car found itself halfway over the void. Luckily it stayed put and we were able to get all the passengers out safely, but we were too far from the road to risk walking back, especially with a child under a year old. Using bits of wood found in the area and some straps I had in the car, we somehow managed to get the car out of its precarious situation and back home without further problems.
On a trip to the capital, on a day when there had been quite heavy rain, the bishop of Gonaives passed us at high speed on the road to Saint-Marc. A little further on we found him stopped on the side of the road, his engine apparently drowned because he had driven too fast into a large puddle. The bishop explained that he had reached a dead end because he was expected to celebrate mass at Saint Marc and that he was afraid of not getting there in time. The bishop therefore climbed into our “dustbin” next to our son, to whom the bishop generously offered a chocolate sweet. You know how it is with young children, for some mysterious reason the chocolate doesn’t stay in the mouth and ends up on the cheeks, hands and generally everything that is more or less within reach. Within this range there was also the bishop dressed all in white for his celebration. When we dropped the Bishop off at the steps of St Mark’s church, his cassock was all streaked with chocolate but he left us with a beaming smile and said that he had loved the trip.
As I write this I realise that all sorts of other memories are coming to the surface, but this would be far too long a story for this occasion, so there will probably be an extra episode on Haiti sometime.
Hoping to read from you soon,
Marc & Marie-Claude