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Vous l’aurez deviné, ou peut-être pas, mais ayant été confiné pendant une semaine supplémentaire, c’est à nouveau une semaine qui sera consacrée à des souvenirs plus anciens.
J’avais espéré sortir de mon confinement en milieu de semaine et me suis rendu à la capitale pour confirmer mon impression que tout allait bien. Dans un premier temps le résultat était bon (test négatif), mais en route pour la maison, prêt à reprendre une activité normale, la clinique m’a rappelé me demandant de revenir… Ils s’étaient trompés dans l’interprétation du test et au lieu de pouvoir retourner au travail je devais continuer à m’isoler à la maison encore pour un peu de temps… parlez d’une douche écossaise sous les tropiques!
J’ai refait une tentative en fin de semaine et cette fois c’est bon, je suis apte au service. Sur la route de retour vers Ribeira Peixe, peu de temps après avoir quitté la capitale, j’ai été arrêté par une patrouille de police qui m’a demandé de présenter mes papiers. J’ai sorti tout ce que je trouvais comme documents paraissant semi-officiels de la boîte à gants et remis ceux-ci au policier pour qu’il fasse le tri lui-même. Il est ainsi tombé sur une lettre adressée à Pedro, notre directeur industriel qui utilisait la voiture avant moi, et le policier m’a donc demandé si je m’appelais Pedro. Je lui ai expliqué que non, c’était le nom de mon collègue qui utilisait la voiture avant moi et que mon nom était Marc. Entendant cela le policier m’a dit (en portugais évidemment) “Ah c’est vous le fameux Marc!” et il s’est empressé d’appeler sa collègue pour lui dire que j’étais “Marc”. Compte tenu du fait qu’il m’a immédiatement rendu tous les papiers et m’a dit de circuler avec un grand sourire, j’ose espérer que le “fameux – famoso” n’était pas parce que j’étais un dangereux criminel recherché… enfin j’espère.
Revenons à nos souvenirs plus anciens, également des îles, mais dans les Caraïbes celles-ci. Comme expliqué la semaine passée, pour circuler dans le cadre de mon travail (là où c’était possible) nous avions à notre disposition une vieille Land Rover qui démarrait une fois sur deux (ou trois) après quelques interventions sous le capot et dont la boîte de vitesse était tellement usée qu’il fallait tenir le levier en position pour éviter que les vitesses ne sautent. Je puis vous assurer que c’est la dernière chose que l’on veut avoir lorsque la voiture descend une piste escarpée à flanc de ravine avec des freins qui demandent de pomper une ou deux fois avant de réagir, mais on s’habitue.
Haïti est malheureusement devenu une île quasi déserte où le manque de végétation permanent fait que les pluies ne font qu’emporter la maigre couche de terre arable au point qu’en Haïti on nous a expliqué que dans les champs il n’y a que les pierres qui poussent. Ceci à ajouter au fait que les pluies emmenant la terre, polluent les environs immédiats de l’ île, les transformant en mangroves peu propices à la pêche. Le pêcheur haïtien n’ayant pas les moyens pour un moteur il ne peut vivre de pêche non plus…
Cette situation dramatique est liée à de nombreux facteurs dont la surpopulation est évidemment l’un des principaux. Mais malheureusement les “experts” internationaux ont également une part de responsabilité importante dans le déclin de l’île qui dans le passé était réputée pour son café et son rhum. Dans les années 70 (je crois), le marché mondial du café s’est effondré au point que la meilleure utilisation pour celui-ci était de l’utiliser pour alimenter les chaudières des locomotives (au Brésil entre autres). Dans le but louable d’encourager la population (d’Haïti entre autres) à cultiver des produits alimentaires plutôt que des produits d’exportation, les “agronomes” ont recommandé de cultiver des légumineuses, riches en protéines, pour ainsi combattre la malnutrition omniprésente en Haïti. Seulement, à la différence du caféier, les haricots sont des cultures annuelles qui ne poussent pas bien à l’ombre et même si leur consommation est bénéfique pour la santé, il est difficile d’en produire assez pour également avoir les ressources financières nécessaires pour payer ce qui ne peut être produit localement. Ainsi a commencé une nouvelle grande vague de déboisement (loin d’être la première car déjà à l’époque coloniale les arbres avaient été coupés en grande quantité pour la construction entre autres des navires utilisés pour le transport). Dans un premier temps, l’abatage des arbres a permis de produire du bois et du charbon de bois assurant des revenus immédiats aux bénéficiaires et assuré l’ensoleillement des champs nouvellement plantés avec des légumineuses. Par contre, le sol ainsi dénudé et régulièrement sarclé, a été exposé aux pluies tropicales et au lieu de s’infiltrer dans le sol à la faveur des racines des arbres et cultures pérennes, l’eau a ruisselé emportant avec elle la fine couche de terre fertile. Les terres ainsi dépourvues de leur capacité de produire étaient abandonnées au profit de celles encore vierges et de moins en moins planes, accélérant ainsi le processus de désertification. Heureusement certains coins ont été plus ou moins préservés et généralement les arbres fruitiers (manguiers principalement) étaient épargnés car assurant un revenu régulier.
Peu de temps avant notre arrivée en Haïti, une nouvelle vague de déboisement (si c’était encore possible) a frappé le pays, cette fois à cause de mesures prises par les autorités américaines, dont les financements assuraient une grande part du budget de fonctionnement de l’état haïtien. La raison de cette nouvelle vague de déboisement s’explique par la peur, des États-Unis, de voir débarquer des immigrants clandestins (c’était l’époque des boat-people essayant de regagner la Floride) mais surtout que ceux-ci n’amènent avec eux la peste porcine endémique dans l’île et potentiellement créer des ravages dans les élevages industriels américains. En effet, les cochons haïtiens étaient plus ou moins résistants à la maladie et si la croissance était peut-être affectée par la prévalence de la peste, rares étaient les cochons qui en mouraient. Il faut savoir que le cochon haïtien (un petit cochon rustique vivant principalement de restes, déchets ménagers, fruits pourris et crasses autour des habitations) était l’exemple même de la tirelire des haïtiens. Même si leur croissance était lente et limitée, ils ne coûtaient pas grand chose à élever et assuraient un petit revenu pour faire face aux dépenses essentielles telles que les frais de scolarisation, mariage, enterrement et autres évènements de la vie.
Je passerai sur les différentes étapes qui ont été envisagées et testées pour arriver à la conclusion tirée par les autorités américaines qui ont décidé d’éradiquer tous les cochons de l’île avec l’idée de repeupler Haïti avec des cochons sains après une période de vide sanitaire de 6 mois. Quasi du jour au lendemain les haïtiens se sont retrouvés sans leur tirelire car beaucoup n’ont pas bénéficié des soi-disant compensations payées par les autorités américaines, probablement restées collées dans les poches des édiles locaux. Le résultat ne s’est pas fait attendre, pour subvenir à leurs besoins financiers l’abatage d’arbres pour la production de planches, charbon ou autres usages a repris, dénudant encore un peu plus une île déjà largement dépourvue de couvert végétal permanent…
Peu de temps après notre arrivée en Haïti, les premiers efforts de repeuplement porcins ont commencé, mais c’était des races issues d’élevages industriels américains (Large White, Duroc, Hampshire) peu ou pas du tout adaptées au climat tropical de l’île et faute de soins adéquats les premiers cochons ont rapidement dépéri à cause d’une combinaison d’alimentation inadaptée, coups de soleil et déshydratation. Les autorités américaines ont par la suite envoyé des techniciens pour former les éleveurs de cochons haïtiens et veiller à ce que les animaux soient logés dans des conditions adéquates. Ainsi les règles des techniciens étaient simples, les animaux devaient de préférence être élevés sur des surfaces dures (ciment) nettoyées et désinfectées régulièrement pour éviter les parasites, ils devaient être sous toit pour ne pas être exposés à des risque d’insolation, disposer en permanence d’eau fraîche et avoir une alimentation équilibrée riche en protéines… L’haïtien moyen (en fait la grande majorité de la population) vit dans des cases dont le sol est en terre battue, doit généralement faire plusieurs heures de marche pour trouver une source d’eau potable et ne mange certainement pas une alimentation équilibrée ou à leur faim tous les jours. A l’exception de quelques privilégiés, l’haïtien moyen avait définitivement perdu sa tirelire!
L’une de nos activités dans le cadre du projet de développement agricole était d’essayer de faire du reboisement, tant que possible avec des arbres fruitiers, mais de manière plus générale pour essayer de retenir le peu de matière organique encore présente dans le sol. Pour être effectif, les conditions ne sont pas toutes simples car il faut d’abord protéger la zone à reboiser contre les chèvres et autres animaux friands de jeunes pousses, protéger la zone contre les feux et surtout donner le temps à la nature de faire son travail, plus facile à dire qu’à faire dans un pays surpeuplé. En utilisant une combinaison de graminées, légumineuses pérennes et arbres fruitiers en courbes de niveau (car il n’y a pas de terrain plat en Haïti) nous avons réussi à démontrer qu’en moins de deux ans il est possible de reverdir un flanc de colline, sans irrigation, mais au prix d’une protection rigoureuse contre les animaux et humains, ce qui n’est malheureusement pas réaliste pour la majorité des gens.
L’effet du déboisement fait que, comme expliqué plus haut, l’eau ne peut plus s’infiltrer dans le sol et dévale donc les pentes avec une force grandissante le laissant rien sur son chemin. Ainsi lorsqu’il faut traverser le lit d’une rivière (généralement sec) il faut surveiller les mornes (collines) avoisinantes pour s’assurer qu’il n’y pleut pas car l’eau arrive littéralement comme un mur de manière quasi instantanée et nous avons vu l’effet que cela peut avoir sur un véhicule qui traverse au mauvais moment, il n’en reste rien.
Nous avons eu de nombreux visiteurs en Haïti, famille et amis, à qui nous avons fait visiter différents coins de l’île ou découvert certains coins que nous ne connaissions pas. Lors de l’une de ces visites, de mes parents je crois, nous avons décidé d’aller visiter le centre de l’île et plus particulièrement Hinche, la Citadelle et le Palais du Roi sans Souci. A ce moment-là nous avions toujours notre “poubelle” (Land Rover) et lors de la traversée d’une rivière est arrivé ce que tout le monde redoute, la panne. Dans notre cas c’est le croisillon de la transmission arrière qui a cassé et l’arbre de transmission est tombé bloquant la voiture au milieu du lit de la rivière. Heureusement nous avions un outillage complet dans la voiture (mais pas de croisillon de réserve) et nous avons pu démonter l’arbre de transmission nous permettant de continuer notre voyage avec la seule transmission avant et sans se faire emporter par une crue de la rivière. Peu de temps après cela nous avons reçu une nouvelle voiture (d’occasion) avec laquelle nous n’avons eu aucun problème malgré les routes impossibles dans lesquelles nous l’avons amené. Mais ça sera pour un prochain épisode car je ne voudrais pas abuser de votre temps.
A très bientôt vous lire,
Marc & Marie-Claude
You may or may not have guessed it, but having been confined for another week, it is once again a time for older memories.
I had hoped to be out of confinement by midweek and went to the capital to confirm my impression that all was well. At first the result was good (negative test), but on the way home, ready to resume normal activity, the clinic called me asking me to come back… They had misinterpreted the test and instead of being able to go back to work I had to continue to isolate myself at home for a little while longer… talk about a cold shower in the tropics!
I tried again at the end of the week and this time I was fit for duty. On the way back to Ribeira Peixe, shortly after leaving the capital, I was stopped by a police patrol who asked me to show my papers. I took out all the semi-official-looking documents I could find from the glove compartment and handed them to the policeman to sort out. He came across a letter addressed to Pedro, our industrial manager who used the car before me, so the policeman asked me if my name was Pedro. I told him no, that was the name of my colleague who used the car before me and that my name was Marc. Hearing this, the policeman said (in Portuguese of course) “Ah, you’re the famous Marc!” and he hurriedly called his colleague to tell him that I was “Marc”. Considering that he immediately gave me back all the papers and told me to move on with a big smile, I hope that the “famous – famoso” was not because I was a dangerous wanted criminal… well, I hope.
Let’s go back to our earlier memories, also of the islands, but in the Caribbean this time. As explained last week, to get around for my job (where possible) we had an old Land Rover that would start every other day (although generally not) after some under-bonnet work and whose gearbox was so worn that you had to hold the lever in position to prevent the gears from jumping. I can assure you that this is the last thing you want to have when the car is going down a steep gully-sided track with brakes that require pumping once or twice before responding, but you get used to it.
Haiti has unfortunately become an almost deserted island where the permanent lack of vegetation means that the rains wash away the thin layer of arable soil that is left to the point that in Haiti we were told that in the fields only stones grow. This is in addition to the fact that the soil being thus washed away pollutes the immediate surroundings of the island, turning them into mangroves that are not very suitable for fishing. The Haitian fisherman does not have the means for a motor and cannot live from fishing either…
This dramatic situation is linked to many factors of which overpopulation is obviously one of the main ones. But unfortunately the international “experts” also have an important share of responsibility in the decline of the island which in the past was famous for its coffee and rum. In the 1970s (I think) the world market for coffee collapsed to the point where the best use for it was to fuel locomotive boilers (in Brazil, among other places). With the laudable aim of encouraging the population (in Haiti, among others) to grow food rather than export products, “agronomists” recommended growing protein-rich legumes to combat the widespread malnutrition in Haiti. However, unlike coffee, beans are annual crops that do not grow well in the shade, and even if their consumption is beneficial to health, it is difficult to produce enough to also have the financial resources to pay for what cannot be produced locally. Thus began a new wave of deforestation (far from being the first, as already in colonial times trees had been cut down in large quantities for the construction of, among other things, the ships used for transport). Initially, the felling of trees made it possible to produce wood and charcoal, which provided immediate income for the beneficiaries, and ensured that the newly planted fields with leguminous plants received sunlight. On the other hand, the bare and regularly weeded soil was exposed to tropical rains and instead of infiltrating the soil through the roots of the trees and perennial crops, the water ran off carrying with it the thin layer of fertile soil. The land thus deprived of its capacity to produce was abandoned in favour of that which was still virgin and less and less flat, thus accelerating the process of desertification. Fortunately, some areas were more or less preserved and generally fruit trees (mainly mango) were spared as they provided a regular income.
Shortly before our arrival in Haiti, a new wave of deforestation (if it was still possible) hit the country, this time due to measures taken by the American authorities, whose funding ensured a large part of the Haitian state’s operating budget. The reason for this new wave of deforestation is explained by the United States’ fear of seeing illegal immigrants disembark (it was the time of the boat people trying to reach Florida) but above all that they would bring with them the swine fever which was endemic in the island and potentially create havoc in American industrial farms. Indeed, Haitian pigs were more or less resistant to the disease and while growth may have been affected by the prevalence of the disease, few pigs died from it. It is worth noting that the Haitian pig (a small, hardy pig living mainly on scraps, household waste, rotten fruit and dirt around the house) was the epitome of the Haitian piggy bank. Although they were slow and limited in growth, they did not cost much to raise and provided a small income to meet essential expenses such as school fees, weddings, funerals and other life events.
I will pass over the different steps that were considered and tested to arrive at the conclusion drawn by the American authorities who decided to eradicate all pigs from the island with the idea of repopulating Haiti with healthy pigs after a 6-month sanitary vacuum period. Almost overnight, Haitians found themselves without their piggy banks as many did not benefit from the so-called compensation paid by the US authorities, which probably remained stuck in the pockets of local officials. The result was not long in coming: to meet their financial needs, the felling of trees for the production of planks, charcoal or other uses resumed, denuding a little more an island already largely devoid of permanent vegetation cover…
Shortly after our arrival in Haiti, the first pig repopulation efforts began, but these were breeds from American industrial farms (Large White, Duroc, Hampshire) that were little or not at all adapted to the island’s tropical climate and, due to a lack of adequate care, the first pigs quickly withered away because of a combination of inadequate feeding, sunburn and dehydration. The US authorities subsequently sent technicians to train Haitian pig farmers and ensure that the animals were housed in proper conditions. The technicians’ rules were simple: the animals should preferably be raised on hard surfaces (cement) that are regularly cleaned and disinfected to avoid parasites, they should be under a roof to avoid the risk of sunstroke, they should have fresh water available at all times, and they should have a balanced diet rich in protein… The average Haitian (in fact the vast majority of the population) lives in huts with dirt floors, usually has to walk several hours to find a source of drinking water and certainly does not eat a balanced diet or enough every day. With the exception of a privileged few, the average Haitian had definitely lost his piggy bank!
One of our activities in the agricultural development project was to try to do reforestation, as much as possible with fruit trees, but more generally to try to retain the little organic matter still present in the soil. To be effective, the conditions are not all simple, as the area to be reforested must first be protected from goats and other animals that are fond of young shoots, the area must be protected from fires and, above all, nature must be given time to do its work, which is easier said than done in an overpopulated country. By using a combination of grasses, perennial legumes and fruit trees in a contour (because there is no flat land in Haiti) we have managed to demonstrate that in less than two years it is possible to regreen a hillside, without irrigation, but at the cost of rigorous protection against animals and humans, which is unfortunately not realistic for most people.
The effect of deforestation is that, as explained above, the water can no longer infiltrate the soil and therefore runs down the slopes with increasing force leaving nothing in its path. So when you have to cross a river bed (usually dry) you have to watch the surrounding mornes (hills) to make sure it doesn’t rain because the water literally comes in like a wall almost instantly and we have seen the effect this can have on a vehicle that crosses at the wrong time, there is nothing left.
We have had many visitors to Haiti, family and friends, to whom we have shown different parts of the island or discovered some areas we did not know. On one of these visits, I think from my parents, we decided to go and visit the centre of the island and in particular Hinche, the Citadel and the Palace of the King Sans Souci. At that time we still had our “bin” (Land Rover) and while crossing a river we had what everyone dreads, the breakdown. In our case it was the rear transmission cross that broke and the driveshaft fell out, blocking the car in the middle of the river bed. Fortunately we had a full set of tools in the car (but no spare cross) and we were able to dismantle the driveshaft allowing us to continue our journey with the front drive alone and without being swept away by a river flood. Shortly after that we received a new (used) car with which we had no problems despite the impossible roads we took it on. But that’s for a future episode as I don’t want to take up too much of your time.
Hoping to hear from you soon,
Marc & Marie-Claude