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Paradis – Paradise

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Lorsque nous envisagions de nous expatrier vers le Kasaï au Congo, mon patron m’avait dit: “Marc, tu vas voir, la plantation c’est comme si tu étais en Toscane avec les collines ondulantes, le climat agréable, juste les vignobles en moins” et nous avons vu où ça nous a mené. Rien n’était faux, c’est vrai que les paysages étaient superbes avec la majestueuse vallée du Kasaï, le climat chaud mais tout à fait supportable, mais de là à croire que nous étions en Toscane il fallait un (très) gros effort d’imagination.
Sao Tomé ne nous a pas été vendu comme étant l’objectif ultime de l’expatrié, mais venant du Congo (et du Kasaï en particulier) il est certain que le contraste est saisissant. Alors qu’à Mapangu notre seule possibilité de sortie était de prendre l’avion pour un vol de deux heures et demi jusque Kinshasa et que pour cela il fallait d’abord faire trois heures de pirogue jusqu’à Ilebo, ici en un peu plus d’une heure de route nous sommes à l’autre bout de l’île avec accès à des restaurants, supermarchés et autres luxes, et où il est tout à fait faisable d’aller faire ses courses le matin et d’être de retour à la maison pour le déjeuner.
Quand je parle avec mon patron, maintenant il ne me parle plus de la Toscane (qu’il aime beaucoup) mais demande comment ça va “au paradis”. Il est vrai que Sao Tomé a tout du paradis, une végétation luxuriante qui s’étend jusqu’à la mer avec ses kilomètres de plages de sable doré bordée de cocotiers, une population plutôt limitée qui ne doit pas faire grand chose pour manger compte tenu de la mer poissonneuse, de l’abondance de fruits et légumes et un climat tout à fait délicieux. Mais au paradis on n’a pas envie (ou besoin) de travailler et cela rend les choses un petit peu plus difficile lorsqu’il faut faire fonctionner une plantation. Régulièrement nos travailleurs trouvent une excuse pour ne pas faire leur travail, préférant aller jouer au foot, boire du vin de palme avec les collègues ou simplement s’asseoir et attendre qu’il soit l’heure de rentrer à la maison (avec le transport de la société). Sans réelle justification nous avons eu un tel arrêt de travail d’une partie des employés de la plantation, qui par hasard a coïncidé avec une réunion des représentants de la seule structure syndicale du pays. Les représentant syndicaux ont évidemment saisi l’occasion de ce “mécontentement” pour rencontrer nos employés et leur promettre toutes sortes de choses.
Peu de temps après cela, la délégation syndicale a demandé à rencontrer la direction de la plantation pour faire le point sur la situation. Avant de poursuivre votre lecture, il faut savoir que nos amis syndicalistes n’ont jamais travaillé dans une plantation et je soupçonne pour certains qu’ils n’en ont jamais visité. Ainsi, avant notre réunion la délégation est allée en plantation pour rencontrer les travailleurs et comprendre leurs problèmes. Les revendications étaient évidemment multiples à commencer par la tâche surhumaine qu’il est demandé aux travailleurs de réaliser. Le travail de la plantation est généralement réalisé à la tâche et celle-ci est déterminée en fonction d’une variété de facteurs combinant age (hauteur) des palmiers, accessibilité du terrain, nombre de régimes murs récoltables par hectare, etc. Sachant que le travail commence rarement avant 7h du matin, les travailleurs les plus rapides terminent souvent leur tâche avant 10h du matin et les plus lents (ou les nouvelles recrues) restent parfois jusqu’à 11h voire même 11h30, dans certains cas extrêmes, pour terminer leur tâche. Selon les syndicalistes, un travail qui relève plus de l’esclavage moderne que d’autre chose et qu’il y a lieu de rendre plus humain en diminuant les tâches sans toucher aux salairex, qui sont parmi les plus élevés de Sao Tomé.
Une autre communication relevée par la délégation syndicale concerne le poids des régimes, selon eux en moyenne de plus de 40kg, qui représente une entorse par rapport aux accords de l’organisation mondiale du travail où les charges doivent être limitées à un maximum de 25kg. Lorsque nous avons fait remarquer que le poids moyen des régimes de notre plantation était de moins de 13kg (ce qui est déjà pas mal), le délégués ont voulu insister sur le fait qu’il y avait sûrement des exceptions de temps en temps (ce qui est vrai, nous avons parfois des régimes de plus de 20kg…). Nous avons donc heureusement échappé (pour le moment) aux sanctions de l’OMT pour les charges excessives.
La partie qui m’a le plus amusée dans nos échanges est l’argument mis en avant par la délégation que certains travailleurs doivent parcourir 1km pour porter chaque régime du point de récolte jusqu’à la route, imaginez, me disent-ils, la distance que ces pauvres travailleurs doivent faire pour transporter les 150 régimes récoltés sachant qu’à chaque fois ils doivent faire le chemin dans les deux sens, cela fait près de 300km… c’est alors que nous avons observé un petit silence (parcourir cette distance en à peine trois heures de temps relève effectivement du surhumain) et que, curieusement, nous sommes passés à une autre sujet.
Aujourd’hui, la délégation syndicale avait annoncé un passage par la plantation pour venir communiquer le résultat de nos discussions aux travailleurs. Il n’en fallu pas plus pour que ceux-ci décident de ne pas rester au champ, surtout compte tenu du fait que c’est aussi le jour où nous payons aussi les avances salariales, autre motivation pour ne pas traîner au travail. Ce qui ne les a pas empêchés de se plaindre lorsque le camion qui devait les ramener à la maison n’est pas parti tout de suite car il devait attendre les quelques personnes qui avaient malgré tout décidé de prester leur charge…
Un autre problème que nous avons du mal à solutionner concerne la construction non-autorisée d’habitations dans la plantation. Nous avons certes essayé de bloquer les chantiers, mais dès que nous tournons le dos les travaux de construction reprennent et nous avons ainsi toute une série de maisons établies dans la plantation, souvent construites par des personnes qui n’ont rien à voir avec Agripalma. En réalité, ce qui attire ces constructions est l’accès aux facilités (eau et électricité), car nous sommes un des seuls endroits dans l’île où nos générateurs fonctionnent de manière régulière et fiable. Au départ, lorsque la plantation a été mise en place, la direction a accepté de mettre en place un réseau de distribution de courant vers les maisons de la communauté pour leur permettre d’avoir un peu de lumière après la tombée du jour. Petit à petit les habitants des maisons ont élargi la gamme des appareils électriques utilisés allant de la radio et télévision, au réfrigérateur, puis cuisinière électrique entre autre pour pouvoir ouvrir un petit restaurant et pour certains même un petit atelier avec poste à souder, etc. Ceci est sans compter toutes les maisons clandestines qui se branchent directement sur le réseau, généralement sans fusible ou autre dispositif de sécurité et donc, sans surprise, le système qui au départ était prévu pour juste de l’éclairage s’est retrouvé surchargé avec des gros risques d’incendie à cause du câble principal sous-dimensionné et qui devient donc brûlant après peu de temps.
Nous avons donc décidé de couper l’alimentation électrique en attendant que tous les branchements illicites soient éliminés et ce faisant éliminé la principale motivation pour les personnes à venir construire chez nous. L’étape suivante sera d’installer des mètres (pré-payés) pour tous les raccordements légitimes et ainsi, nous l’espérons, éviter de griller notre installation électrique. Certains de mes collègues avaient peur d’une révolution lorsque nous avons coupé le courant, mais comme (pour le moment) l’électricité est distribuée gratuitement, j’ai au contraire reçu le soutient des plusieurs résidents de la communauté qui se sont engagés à nous aider à supprimer les raccordements qui ne sont pas autorisés. Cette démarche est d’autant plus importante que si et quand nous installons éventuellement une micro centrale hydro-électrique, il ne faudrait pas que celle-ci soit incapable de fonctionner à cause d’une surconsommation. Mais bon, nous n’y sommes pas encore et pour le moment le plus important est d’éviter d’avoir une incendie dans nos installations, ce à quoi nous avons tout juste échappé ces derniers jours.
Comme vous pouvez le lire, nous restons bien occupés et ne manquons pas de choses à résoudre ou améliorer, sans doute la raison même de notre présence ici.
A part cela, il est intéressant de signaler que nos températures actuelles en raison de la saison appelée “gravada” ici sont nettement plus agréables que la moyenne en Europe où la canicule semble persister; nous avons une moyenne de 24°C sans air conditionné. Petit bemol, beaucoup moins de soleil car une couverture nuageuse très persistante. D’autre part, la cage pour vignes de fruits de la passion que nous avons fait construire commence a être bien couverte et les ipoméees (morning glories) bleues semées en même temps ont bien pris aussi.
En espérant comme chaque fois avoir très bientôt de vos nouvelles,
Marc & Marie-Claude

Prêts au travail – Ready for work
Régimes de 40kg? – Bunches of 40kg?
Visiteur en plantation – Plantation visitor
Ipomées – Morning glories
Nouvelles plantations – New plantings

When we were thinking of moving to Kasai in Congo, my boss said to me: “Marc, you’ll see, the plantation is like being in Tuscany with the rolling hills, the pleasant climate, just without the vineyards” and we saw where that got us. Nothing was wrong, it’s true that the landscapes were superb with the majestic Kasai valley, the climate hot but quite bearable, but to believe that we were in Tuscany required a (very) big effort of imagination.
Sao Tome was not sold to us as the ultimate expatriate destination, but coming from the Congo (and the Kasai in particular) the contrast is certainly striking. Whereas in Mapangu our only way out was to Kinshasa was a two and a half hour flight, and to do that we first had to take a three hour dugout canoe trip to Ilebo, here in just over an hour’s drive we are at the other end of the island with access to restaurants, supermarkets and other luxuries, and where it is quite feasible to go shopping in the morning and be back home for lunch.
When I talk to my boss, now he doesn’t talk about Tuscany (which he likes very much) but asks how it is “in paradise”. It’s true that Sao Tomé has all the makings of a paradise, with lush vegetation stretching right down to the sea and miles of golden sandy beaches lined with coconut palms, a rather small population that doesn’t have to do much to eat given the plentiful fish in the sea, the abundance of fruit and vegetables and a quite pleasant climate. But in paradise you don’t want (or need) to work and that makes it a little more difficult to keep a plantation going. Regularly our workers find an excuse not to do their work, preferring to go and play football, drink palm wine with colleagues or just sit and wait until it is time to go home (with company transport). Without any real justification we had such a work stoppage of a part of the plantation’s employees, which by chance coincided with a meeting of the representatives of the only trade union structure in the country. The union representatives obviously took the opportunity of this “discontent” to meet our employees and promise them all sorts of things.
Shortly after that, the union delegation asked to meet with the plantation’s management to discuss the situation. Before you read on, you should know that our union friends have never worked on a plantation and I suspect that some of them have never visited one. So, before our meeting the delegation went to the plantation to meet the workers and understand their problems. The demands were obviously manifold, starting with the superhuman task that the workers are asked to perform. The work on the plantation is generally carried out by task and this is determined by a variety of factors combining the age (height) of the palms, the accessibility of the land, the number of harvestable mature bunches per hectare, etc. Given that work rarely starts before 7am, the fastest workers often finish their task before 10am and the slowest (or new recruits) sometimes stay until 11am or even 11.30am, in some extreme cases, to finish their task. According to the trade unionists, this work is more akin to modern slavery than anything else and should be made more humane by reducing the tasks…
Another communication raised by the trade union delegation concerns the weight of the bunches, according to them on average weighing more than 40kg, which represents a breach of the agreements of the International Labour Organisation, where loads must be limited to a maximum of 25kg. When we pointed out that the average weight of the bunches on our plantation was less than 13kg (which is not bad), the delegates insisted that there must be exceptions from time to time (which is true, we sometimes have bunches weighing more than 20kg…). So fortunately we escaped (for the moment) the ILO sanctions for excessive loads.
The part that amused me the most in our exchanges was the argument put forward by the delegation that some workers have to travel 1km to carry each bunch from the harvesting point to the road, imagine, they tell me, the distance that these poor workers have to travel to transport the 150 bunches harvested, knowing that each time they have to go back and forth, that’s almost 300km. … then they fell silent (travelling that distance in just three hours is indeed superhuman) and, curiously, we moved on to another topic.
Today, the union delegation had announced a visit to the plantation to communicate the outcome of our discussions to the workers. That was all it took for our workers to decide not to stay in the field today, especially since we are also paying the advance wages today, which is another incentive not to hang around at work. This did not stop them from complaining when the truck that was supposed to take them home did not leave right away because it had to wait for the few people who had decided to work despite all these “distractions”…
Another problem that we are having trouble solving is the construction of unauthorised houses on the plantation. We have tried to block the building sites, but as soon as we turn our backs, the construction work starts again and we have a whole series of houses established on the plantation, often built by people who have nothing to do with Agripalma. In fact, what attracts these constructions is the access to electricity, as we are one of the only places on the island where our generators work regularly and reliably. Initially, when the plantation was set up, the management agreed to set up a power distribution network to the houses in the community to allow them to have some light after dark. Gradually the inhabitants of the houses expanded the range of electrical appliances used from radio and television, to refrigerator, then electric cooker and for some even a small workshop with a welding set, etc. This is without counting all the clandestine houses that connect directly to the network, sometimes without a fuse or other safety device, and so, not surprisingly, the system that was initially intended for lighting only, found itself overloaded with great risks of fire because the cable was too small and therefore became hot after a short time.
So we decided to cut off the power supply until all the illegal and/or unsafe connections were eliminated and thus eliminated the main motivation for people to come and build houses in our concession. The next step will be to install meters (pre-paid) for all legitimate connections and thus hopefully avoid burning out our electrical installation. Some of my colleagues were afraid of a revolution when we cut off the power, but since (for the time being) the electricity is distributed free of charge, I have instead received the support of several community residents who have pledged to help us remove unauthorised connections (obviously to ensure that their own supply is restored as soon as possible). This is especially important because if and when we eventually install a micro-hydro plant, it should not be put at risk due to over-consumption. But we are not there yet and for the moment the most important thing is to avoid having a fire in our own installations, which we have just escaped in the last few days.
As you can read, we are keeping ourselves busy and have no shortage of things to solve or improve, which is probably the reason why we are here in the first place.
Apart from that, it is interesting to note that our current temperatures due to the season called “gravada” here are much more pleasant than the average in Europe where the heat wave seems to persist; we have an average of 24°C without air conditioning. The only downside is that there is much less sun because of the persistent cloud cover. On the other hand, the cage for passion fruit vines that we had built is starting to be well covered and the blue morning glories that we planted at the same time are also well established.
As usual, we hope to hear from you soon,
Marc & Marie-Claude

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