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Cette semaine nous avons choisi de retourner en arrière dans nos expériences africaines et de parler d’aventures (dont certaines un peu moins agréables) que nous avons eu au Ghana au début des années 90, donc cela remonte quand même assez loin. Il n’est donc pas impossible que certains souvenirs se soient un peu estompés, donc vous nous excuserez si certains aspects du récit sont un peu plus vagues.
Notre séjour au Ghana a été un moment clé dans notre vie à beaucoup de points de vue. Les enfants devant être scolarisés, nous avons été obligés de vivre à des endroits séparés pendant la semaine car la société dont j’étais responsable était située à Ejura, soit 5 heures de route de la capitale Accra où était située l’école. Un week-end sur deux soit Marie-Claude et les enfants faisaient la route pour me rejoindre, soit j’allais passer le week-end à Accra.
A Accra nous n’avions pas de maison et nous logions dans un studio en annexe de la maison du DG de la fabrique de tabac faisant partie du même groupe que la société dont j’étais responsable (“Leaf Development Company” ou “LDC”) à Ejura. Cet arrangement nous permettait d’avoir notre logement à nous, mais malheureusement sans beaucoup d’intimité car notre voisin (un anglais et son épouse) avaient tendance à considérer l’annexe comme une extension de leur maison librement accessible. Ce n’était donc pas la situation idéale, d’autant plus que nos hôtes se croyaient “obligés” d’embrasser nos enfants sur la bouche, pensant que c’était la coutume de faire ainsi en Belgique/France (je ne sais pas d’où ils tiraient leur science), quand ils les voyaient le matin, ce malgré une explication claire que, dans notre famille, ce n’était pas de coutume. Avec le résultat que, l’un comme l’autre, jetaient un regard circonspect dans le couloir avant de quitter la chambre.
Notre maison à Ejura était elle, par contre, hors de l’ordinaire. Construite sur des pilotis en bordure d’une corniche avec une vue spectaculaire sur la vallée et disposant d’une petite piscine juste assez grande pour pouvoir faire quelques brasses et où les enfants pouvaient jouer sans trop de dangers. Je dis pas trop de dangers car un jour Emilie, qui avait 5 ans à ce moment là, est venue vers nous en disant “regardez les petites bêtes que j’ai sauvé de l’eau” et tenant trois petits scorpions dans la main… A Ejura il y avait une grande variété d’animaux , beaucoup de serpents dont certains assez dangereux, des caméléons, des oiseaux de toutes sortes dont des perroquets gris du Gabon et évidemment les scorpions. Ce qui n’y manquait pas non-plus ce sont les moustiques et cela m’a valu quelques bonnes crises de malaria dont je me souviens encore. L’artémisia ne faisait pas encore partie de notre vie.
La société dont j’étais responsable était en fait une plantation de tabac qui avait été rachetée à l’état par le groupe Rothmans et qui produisait principalement du “Light Burley”, un tabac séché à l’air et du “Flue Cured” ou “Virginia”, qui est un tabac séché à l’air chaud dans une sorte de grande étuve. Pour ce dernier type de tabac nous avions besoin de quantités assez importantes de bois de chauffage pour alimenter les “chaudières” des séchoirs. Chaudières assez rudimentaires composées d’une sorte de foyer en briques relié à un réseau de tuyaux passant dans le séchoir fermé.
Afin de répondre aux besoins de bois de chauffage, la société d’état qui gérait précédemment la plantation avait, selon les informations reçues, planté des arbres à croissance rapide dans une région voisine à environ deux heures de route à l’ouest d’Ejura. La direction du groupe m’a demandé de bien vouloir aller vérifier l’état de la dite forêt pour voir s’il serait intéressant d’entrer dans des négociations avec l’état pour l’acquisition du bois pour nos besoins de combustible. L’autre alternative à l’étude était de convertir nos séchoirs au gaz, mais nous avons rapidement réalisé que cette option n’était pas économiquement viable. Nous avons donc décidé d’aller visiter la dite forêt avec un chauffeur qui connaissait l’endroit. Marie-Claude et les enfants étaient à Accra, heureusement sinon nous aurions plus que probablement été faire cette excursion ensemble… Je suis donc parti seul avec le chauffeur et notre chienne “Bulle” pour notre balade en forêt. La forêt, composée d’Eucalyptus et d’Acacias était bien développée et donc un endroit plutôt agréable pour se balader à l’ombre avec Bulle. Il aurait été triste de couper tous les arbres, mais probablement qu’un abattage sélectif n’aurait pas été une mauvaise chose pour permettre un meilleur développement de l’ensemble. N’étant pas un forestier, je me suis contenté de prendre des photos et profiter du moment dans ce beau cadre.
Sur le chemin de retour, nous avons été surpris de voir qu’un arbre était tombé en travers du chemin nous barrant le passage. A peine arrêtés, une foule de personnes a surgi des fourrés et certaines ont commencés à taper sur la voiture avec des bâtons, au risque d’endommager celle-ci. Quand je suis sorti de la voiture pour essayer de raisonner les assaillants, je suis aussi devenu la cible de coups de bâtons et jets de pierre et j’étais sincèrement persuadé que ma dernière heure était arrivée. Ma pensée à ce moment-là était de savoir comment expliquer cela aux enfants… Mon chauffeur avait lui aussi été empoigné et lapidé pour ensuite être entraîné dans les bois hors de ma vue.
Alors que la situation devenait assez désespérée, un homme plus âgé est arrivé venant du village en gesticulant et criant qu’il fallait arrêter et a réussi à calmer la foule. Le danger immédiat étant passé je me suis retourné et vu une grande traînée, de ce que je pensais être du sang, couler de la voiture et j’ai cru que les assaillants avaient tué notre chienne restée dans la voiture au moment de l’attaque. C’était heureusement une fausse alerte, la traînée rouge provenait en réalité du réservoir de carburant qui avait été percé et qui mêlé avec la terre rouge donnait une impression de sang. Bulle était quand à elle restée sagement couchée à l’arrière de la voiture et avait ainsi échappé à l’attention des personnes détruisant la voiture. Quand j’ai sorti Bulle de la voiture, tout à coup l’espace autour de moi s’est sensiblement agrandi, car notre briard avec ses longs poils était plutôt impressionnant.
La voiture étant inutilisable, nous avons marché jusqu’au village voisin où le chef du village m’a expliqué que la révolte des villageois avait été provoqué par l’annonce que je venais voler la forêt… Je ne suis pas certain comment ils pensaient que j’allais faire cela où si j’ai mal compris le motif de l’attaque, toujours est-il qu’il y avait manifestement quelqu’un ou quelque chose qui avait poussé les villageois à cet état d’agressivité plutôt inhabituel par rapport à l’attitude générale des ghanéens. Le “hasard” faisait que deux représentants de “British American Tobaccos” ou “BAT”, une société concurrente de Rothmans, étaient eux aussi présents dans le village, bien que n’ayant pas de productions dans les environs immédiats. Hasard ou non, ces personnes ont accepté que je monte à l’arrière de leur camion pour être déposé à la ville la plus proche pour aller voir un médecin, car l’effet de l’adrénaline étant passé mes coups et blessures étaient devenus plutôt douloureux. L’on m’avait assuré que le chauffeur avait déjà été évacué vers l’hôpital (je ne sais pas comment) où il finira par passer trois semaines de convalescence. Dans mon cas le médecin s’est contenté de me prescrire des anti-douleurs et onguents à mettre sur les plaies et un autre chauffeur de LDC est venu me chercher pour me ramener à la maison.
Le lendemain, une équipe de la police est allée sur place pour enquêter sur la situation et récupérer la voiture que nous avions du abandonner dans la forêt. L’équipe de police aurait elle aussi été attaquée et leur voiture même retournée par les villageois rendant la récupération de notre voiture temporairement impossible. Est ce que c’était la réalité ou une excuse pour ne pas nous restituer la voiture? Je ne le saurai probablement jamais car, même si je suis sorti de l’expérience sans séquelles, cela nous a malgré tout marqué. Cela, combiné avec les conditions de vie pas vraiment optimales de Marie-Claude et des enfants durant la semaine, plus l’envie de faire un MBA, nous avons décidé de quitter le Ghana pour d’autres aventures.
Mais le Ghana ne nous a pas laissé que de mauvais souvenirs car c’est là aussi que nous avons également rencontré un couple franco-germanique et leurs enfants qui sont devenus des amis très chers avec lesquels nous sommes restés en contact jusqu’à ce jour. Nous retournerons volontiers au Ghana dans l’avenir si et quand l’opportunité se présentera.
A très bientôt vous lire,
Marc & Marie-Claude
Nous n’avons malheureusement pas de photos de nos années au Ghana, celles-ci ayant été détruites dans l’incendie de notre maison en 2013.
We unfortunately have no pictures from our years in Ghana as these have been destroyed in the fire of our house in 2013.
This week we have chosen to go back in time to past African experiences and talk about adventures (some of them a bit less pleasant) we had in Ghana in the early 90’s, hence it goes back quite a long way. Therefore it is not impossible that some of the memories may have faded somewhat, so you’ll forgive us if some aspects of the story are a little more vague.
Our time in Ghana was a key moment in our lives in many ways. As the children had to go to school, we were forced to live in separate places during the week as the company I was responsible for was located in Ejura, a 5 hour drive from the capital Accra where the school was located. Every other weekend either Marie-Claude and the children would drive to join me in Ejura or I would spend the weekend in Accra.
In Accra we did not have our own house and we stayed in a studio attached to the house of the GM of the tobacco factory which was part of the same group as the company I was in charge of (“Leaf Development Company” or “LDC”) in Ejura. This arrangement allowed us to have our “own” accommodation, but unfortunately without much privacy as our neighbour (an Englishman and his wife) tended to regard the annex as an extension of their house with free access. It was therefore not an ideal situation, especially as our hosts felt “obliged” to kiss our children on the mouth, thinking it was the custom to do so in Belgium/France (I don’t know where they got their science from), when they saw them in the morning, despite a clear explanation that, in our family, it was not done. As a result, both of children would glance warily into the hallway before going outside.
Our house in Ejura, on the other hand, was out of the ordinary. It was built on stilts on the edge of a ledge with a spectacular view of the valley and had a small swimming pool just big enough to swim in and where the children could play without too much danger. I say not too dangerous because one day Emilie, who was 5 years old at the time, came up to us saying “look at the little creatures I saved from the water” and holding three little scorpions in her hand… In Ejura there was a great variety of animals, many snakes, some of them quite dangerous, chameleons, birds of all kinds, including African Grey parrots and of course scorpions. There was no lack of mosquitoes either, and I had a few good bouts of malaria which I still remember. Artemisia was not yet part of our life.
The company I was in charge of was in fact a tobacco plantation that had been bought from the state by the Rothmans group and which produced mainly “Light Burley”, an air-cured tobacco, and “Flue Cured” or “Virginia”, which is a tobacco that is cured with hot air in a closed drying space. For the latter type of tobacco we needed fairly large quantities of firewood to fuel the “boilers” of the drying houses. These boilers were quite rudimentary and consisted of a sort of brick hearth connected to a network of pipes passing through flues located inside the dryer (hence the name “flue cured”).
In order to meet our firewood needs, the state-owned company that previously managed the plantation had reportedly planted fast-growing trees in a neighbouring area about two hours’ drive west of Ejura. The management of the group asked me to go and check the state of the said forest to see if it would be worthwhile to enter into negotiations with the state to acquire the wood for our fuel needs. The other alternative under consideration was to convert our dryers to gas, but we soon realised that this option was not economically viable. So I decided to visit the said forest with a driver who knew the place. Marie-Claude and the kids were in Accra, fortunately, otherwise we would have more than likely gone on this excursion together… So I went alone with the driver and our dog “Bulle” for our walk in the forest. The forest, composed of Eucalyptus and Acacia trees was well developed and therefore a rather pleasant place to walk in the shade with Bulle. It would have been sad to cut down all the trees, but probably a selective felling would not have been a bad thing to allow a better development of the whole. Not being a forester, I was content to take photos and enjoy the moment in this beautiful setting.
On the way back, we were surprised to see that a tree had fallen across the path blocking our way. As soon as we stopped, a crowd of people came out of the bushes and some of them started hitting the car with sticks, risking to damage it. When I got out of the car to try to reason with the assailants, I also became the target of sticks and stones and I was sincerely convinced that my last hour had arrived. My thought at the time was how to explain this to the children… My driver had also been grabbed and stoned and dragged into the woods out of my sight.
Just as the situation was becoming quite desperate, an older man arrived from the village, gesticulating and shouting for them to stop and managed to calm the crowd. The immediate danger having passed I turned around and saw a large trail of what I thought was blood running from the car and thought the attackers had killed our dog who had remained in the car at the time of the attack. Fortunately it was a false alarm, the red trail was actually from the fuel tank which had been punctured and mixed with the red dirt made it look like blood. Bulle had wisely stayed in the back of the car and thus escaped the attention of the people destroying it. When I took Bulle out of the car, suddenly the space around me became much bigger, because our briard with his long hair was quite impressive.
The car being unusable, we walked to the nearby village where the village chief explained to me that the villagers’ revolt had been provoked by the announcement that I had come to steal the forest… I’m not sure how they thought I was going to do that or if I misunderstood the motive for the attack, but obviously someone or something had provoked the villagers into this rather unusual state of aggression compared to the general attitude of Ghanaians. As luck would have it, two representatives of British American Tobaccos or BAT, a competitor of Rothmans, were also present in the village, although they had no production in the immediate vicinity. Coincidentally or not, these people agreed to let me climb into the back of their truck to be dropped off at the nearest town to see a doctor, as the effect of the adrenaline having passed my wounds had become rather painful. I was assured that the driver had already been evacuated to hospital (I don’t know how) where he would eventually spend three weeks convalescing. In my case the doctor just prescribed painkillers and ointments to put on the wounds and another LDC driver came to pick me up to take me home.
The next day, a police team went to investigate the situation and retrieve the car that we had to abandon in the forest. The police team was also attacked and their car even turned over by the villagers making the recovery of our car temporarily impossible. Was this the reality or an excuse not to return the car? I will probably never know because, even if I came out of the experience without any visible after-effects, it still left its mark on us. This, combined with the less than optimal living conditions of Marie-Claude and the children during the week, plus the desire to do an MBA, we decided to leave Ghana for other adventures.
But Ghana did not leave us with only bad memories as it was also there that we met a Franco-German couple and their children who became very close friends with whom we have remained in contact to this day. We will gladly return to Ghana in the future if and when the opportunity arises.
See you soon,
Marc & Marie-Claude