Voici une semaine que je suis à Sao Tomé, plutôt dans le sud-est de l’île entre Sao Joao do Angolares où se trouve l’hôtel qui m’héberge et Riveira Peixe qui est la localité principale près du centre de la plantation. En fait la plantation s’étend jusque dans le sud de lîle vers Porto Alegre et a la réputation (dixit notre neveu, qui est venu ici en stage il y a deux ans) d’être une vraie pissotière parce qu’il pleut tout le temps. Notre neveu va jusqu’à prétendre que les pluies et l’humidité permanente ont même eu raison de son ordinateur, raison pour laquelle j’ai préféré voyager avec mon ancien laptop qui donne déjà des signes de fatigue depuis nos dernières semaines en RDC, mais curieusement depuis que je suis ici il fonctionne tout à fait normalement… allez comprendre.
Il faut dire que le « pispot » (pour ceux qui ne parleraient pas la langue de Vondel, c’est l’équivalent flamand de pissotière, car je n’ai pas encore appris comment cela s’exprime en portugais) qui m’avait été annoncé ne s’est pas encore matérialisé, il est vrai qu’il a plu (deux fois) depuis que je suis ici, une fois pendant la nuit mais dès le lendemain il a fait grand beau et j’ai vu de la pluie ce matin, mais au moment où je vous écris ces lignes le soleil a refait son apparition et il fait radieux. Cela étant dit, mes collègues me disent que ce temps est tout à fait inhabituel et que pour l’un d’eux qui est arrivé il y a cinq mois, c’est la première fois qu’il voit un ciel bleu sans nuages.
Bon, assez parlé de pluie qu’il n’y a pas (encore) vraiment, ce n’est probablement pas ces informations-là qui vous intéressent le plus. Cette première semaine a été consacrée en grande partie à la prise de contact avec la plantation, qui est relativement jeune car elle a été replantée entre 2011 et 2014 sur des zone qui étaient précédemment des plantations d’état de cacao, café et aussi palmiers à huile, mais où partout il y des traces des développements massifs qui avaient été réalisés par les colons portugais avec même une voie de chemin de fer qui reliait la côté au centre de pays pour transporter les noix de coco, principale production de l’époque. A quelques très rares petits morceaux près, toutes les voies ont disparu, mais les tronçons parfois creusés dans la roche ou au contraire où des digues surélevées sont généralement toujours présentes et utilisées par la population pour accéder à leurs jardins ou la forêt pour aller chasser. De temps en temps il est possible de voir des vestiges d’ouvrages d’art permettant à la voie ferrée de traverser les multiples rivières et torrents qui parsèment le pays. La plupart de ces ponts sont écroulés et ont été remplacés par des gués, qui ne sont évidemment praticables que lorsque le niveau d’eau n’est pas gonflé par les pluies. A l’époque, les portugais bordaient toutes les voies (ferrées ou non) avec des arbres à pain pour stabiliser les coteaux et en même temps fournir un moyen de subsistance aux travailleurs car à l’origine l’île de Sao Tomé n’avait ni population ni plantes comestibles connues. Bref, un peu partout dans la plantation il y a des lignes d’arbres à pain massifs qui dénotent la présence d’une route ou d’une ancienne voie de chemin de fer et à juger du nombre de ces arbres que j’ai vu pendant les balades dans la plantation, les anciens colons n’avaient pas chômé. Dans la plantation elle-même, entre les palmiers, tous les grands arbres ont été préservés. D’une part cela permet aux oiseaux et en particulier aux rapaces, d’avoir un perchoir, mais d’autre part compte tenu de la grande fertilité du sol et des pluies abondantes, ceux-ci ne représentent pas une concurrence pour les éléments nutritifs nécessaires aux palmiers. En fait, la plantation n’utilise ni engrais chimiques ni pesticides et a été certifiée organique depuis quelques années. Il a toutefois été décidé d’essayer de booster un petit peu la production en appliquant un peu d’engrais organique, dans ce cas du fumier de moutons composté, mais les palmiers n’ont pas l’air de souffrir beaucoup du fait que jusqu’à ce jour ils n’ont eu que la fertilité du sol pour se développer. Un peu partout en bordure de la plantation (qui à certains endroits sont des petites parcelles limitées à la zone qui avait été défrichée pour y établir les plantations autrefois) il y a des cacaoyers, caféiers, poivriers, vanilliers plus ou moins exploités et évidemment des (restes) de plantations de cocotiers dont la taille suggère qu’ils sont là depuis très longtemps. Sans aucun doute favorisés par le climat, en une semaine j’ai déjà eu l’occasion de voir quatre serpents dans la plantation (indistinctement appelés cobras ici) et il semble que dans certaines parcelles les travailleurs ont même dû suspendre la récolte tellement il y en avait. Du coup, j’ai évidemment fait bien attention aux endroits où je mettais les pieds et les branches en-dessous desquelles je passais. Mais mes collègues me disent que depuis la présence d’Agripalma (2009) il n’y a jamais eu d’accident de morsure de serpent. Ce que j’ai aussi et entendu vu en nombre important sont les chasseurs qui partent vers le parc national pour y chasser tout gibier possible, principalement des singes et oiseaux. L’un des chasseurs rencontrés, armé d’une pétoire de fabrication russe, avait tiré six singes (dont plusieurs manifestement des jeunes) qu’il ramenait fièrement vers le village pour les manger. A la vue de notre mine peu enthousiaste, il s’est empressé d’ajouter qu’il allait aussi à la pêche si cela devait nous intéresser. Le seul moment où j’étais un peu moins fier était lorsque nous avons entendu plusieurs coups de feu tous proches alors que nous étions en train d’explorer des vestiges de plantation de cacao dans la forêt, j’ose espérer que les chasseurs savent faire la différence entre leur gibier et un visiteur…
La combinaison d’eau et de chaleur fait que la végétation est évidemment luxuriante et combinant cela avec un terrain accidenté et une multitude de petits torrents et autres cours d’eau crée une environnement assez extraordinaire, surtout lorsque l’on se retrouve soudainement surplombant la mer qui vient lécher les rochers en contre-bas. J’ai essayé de faire quelques photos pour illustrer cela, mais elles sont loin de refléter l’ambiance, les sensations et les odeurs. Les odeurs en particulier sont extraordinaires sans pour autant pouvoir réellement en déterminer l’origine car je n’ai pas nécessairement vu des fleurs ou des fruits qui pourraient en être l’origine, sans doute cachés dans la canopée des grands arbres qui nous surplombaient.
Parlant de saveurs, l’hôtel ou je suis logé, Roça Sao Joao, est une ancienne ferme, comme il en reste un peu partout dans l’île, qui est tenue par un chef dont la réputation n’est plus à faire au Portugal où il avait son propre show télévisé, et dont la cuisine est basée essentiellement sur les produits du terroir. La Roça (qui est l’équivalent de « plantation ») a encore ses propres serres et jardin potager dont proviennent les produits (légumes, fruits, épices) que l’on va récolter en fonction des besoins en plus des produits de la pêche locale. Le petit déjeuner est une orgie de fruits (carambole, cajamangue, fruit de la passion, ananas, avocat, papaye, goyave) que je dévore avant de partir à la plantation (pas trop tôt car ici le travail ne commence qu’à 7 heures) et le dimanche midi (aujourd’hui donc) le chef propose un menu de dégustation de 10 plats que j’ai l’intention de tester. Le restaurant et la cuisine est un même et grand espace ouvert sur une espèce de grande terrasse couverte en bois qui surplombe le baie de Angolares et où il est possible d’admirer tous les ingrédients exposés dans des plats ou accrochés aux poutres de la cuisine. Les choses sont un peu difficiles pour l’hôtel en ce moment car Covid aidant je suis le seul client pendant la semaine et un autre couple c’est ajouté hier soir en visite de la capitale. Pour les trois clients de ce jour il n’y a pas moins de dix personnes en cuisine, je sais puisqu’ils sont tous devant moi tandis que j’écris ces nouvelles sur l’une des tables du restaurant. La pandémie a mis un gros coup de frein à l’économie locale qui dépend principalement du tourisme et hormis les personnes qui sont ici pour des raisons professionnelles (comme moi) les seuls autres étrangers sont des jeunes (filles principalement) qui viennent du Portugal pour des projets d’études et/ou ONG, mais qui gravitent dans les environs de la capitale et ne descendent pas vers le sud (plus humide) alors que les plus belles plages sont dans le nord.
Hier j’ai accompagné un collègue jusqu’à la capitale (qui compte quand même 56.000 habitants) et en route nous nous sommes arrêtés dans une petite gargote locale pour manger un morceau de poisson fraîchement pêché dans la mer juste à nos pieds. C’était délicieux, mais il ne faut pas être pressé et du coup nous sommes arrivés tout juste à temps au supermarché où mon collègue souhaitait faire ses provisions pour la semaine. Supermarché qui pourrait être n’importe où en Europe (enfin plutôt au Portugal compte tenu de la marque des produits que l’on y trouve). Nous étions un petit peu à la bourre, donc je n’ai pas vraiment eu l’occasion de prendre des photos des plus beaux bâtiments qui datent de l’époque coloniale et dont plusieurs sont vraiment bien préservés. Ce sera pour une prochaine fois…
Tandis que je profite de la chaleur tropicale de Sao Tomé, Marie-Claude profite du climat plus frais de la Normandie, où elle peaufine les aménagements de notre maison et se plie aux règles de confinement qui ne lui permettent pas de bouger beaucoup.
Nous espérons très bientôt avoir de vos nouvelles,
Marc & Marie-Claude
I have been in Sao Tome for a week now, in the south-east of the island commuting between Sao Joao do Angolares where the hotel I am staying at is located and Riveira Peixe which is the main town near the centre of the plantation. In fact, the plantation extends to the south of the island towards Porto Alegre and has the reputation (according to our nephew, who came here for an internship two years ago) of being a real piss pot because it rains all the time. Our nephew goes as far as to say that the rain and the permanent humidity even got the better of his computer, which is why I preferred to travel with my old laptop, which was already showing signs of fatigue since our last weeks in the DRC, but strangely enough, since I’ve been here, it’s been working perfectly normally… go figure.
It must be said that the permanent rain that was announced before I travelled has not materialised yet, It is fair to say that it has rained (twice) since I have been here, once during the night, but the next day it was very sunny and for the second I actually saw rain this morning when I woke up, but as I write this newsletter, the sun has come out again and it is a bright and pleasant (warm) day again. Having said that, my colleagues do tell me that this weather is quite unusual and that for one of them, who arrived five months ago, it is the first time he has seen a blue sky without clouds.
Well, enough about the rain not really happening (yet), it is probably not the information you are most interested in. This first week was largely devoted to getting to know the plantation, which is relatively young as it was replanted between 2011 and 2014 on areas that were previously state plantations of cocoa, coffee and also oil palms, but where everywhere there are traces of the massive developments that had been carried out by the Portuguese settlers, who went as far as building a railway that linked the coast to the centre of the country to transport coconuts, the main production at the time. With the exception of a few very small pieces, all the tracks have disappeared, but the sections sometimes dug into the rock or where the passage had to be raised are generally still present and used by the population to access their gardens or the forest to go hunting. From time to time it is possible to see the remains of bridges that allowed the railway to cross the many rivers and streams that dot the country. Most of these bridges have collapsed and have been replaced by fords, which are obviously only passable when the water level is not swollen by the rains. At the time, the Portuguese lined all the roads (railways or not) with breadfruit trees to stabilise the hillsides and at the same time provide a means of subsistence for the workers, as originally the island of Sao Tome had no population and no known edible plants. In short, all over the plantation there are lines of massive breadfruit trees that denote the presence of a road or an old railway line and judging by the number of these trees I saw while walking around the plantation, the old settlers had not been idle. In the plantation itself, between the palm trees, most of the large trees have been preserved. On the one hand this provides a perch for birds, especially raptors, but on the other hand, given the high fertility of the soil and the abundant rainfall, they do not compete for the nutrients needed by the palms. In fact, the plantation does not use chemical fertilisers or pesticides and has been certified organic for some years. However, it has been decided to try to boost production a little by applying some organic fertiliser, in this case composted sheep manure, but the palm trees do not seem to suffer much from the fact that up to now they have only had the fertility of the soil to grow on. All around the edges of the plantation (which in some places are small plots limited to the area that had been cleared in the past to establish the previous plantations) there are cocoa and coffee trees, and pepper and vanilla vines more or less exploited and of course (remnants of) coconut plantations whose size suggests that they have been there for a very long time. Undoubtedly favoured by the climate, in one week I already had the opportunity to see four snakes in the plantation (indistinctly called cobras here) and it seems that in some plots the workers even had to suspend the harvest because there were so many. So I was obviously very careful about where I stepped and which branches I walked under. But my colleagues tell me that since the presence of Agripalma (2009) there have never been any snakebite accidents. What I also saw and heard in large numbers were hunters going towards the neighbouring national park to hunt any game they could find, mainly monkeys and birds. One of the hunters we met while walking around the plantation, armed with a old Russian-made hunting rifle, had shot six monkeys (several of them obviously very young) which he proudly carried back to the village to eat. At the sight of our unenthusiastic face, he hastened to add that he would also go fishing if we were interested. The only time I was a little less proud was when we heard several gunshots nearby as we were exploring the remains of an overgrown cocoa plantation next to the forest, I hope the hunters can tell the difference between their game and a visitor…
The combination of water and heat makes the vegetation very lush and combining this with the rugged terrain and a multitude of small streams and rivers creates a rather extraordinary environment, especially when you suddenly find yourself overlooking the sea that licks the rocks below. I tried to take some pictures to illustrate this, but they are far from reflecting the atmosphere, the sensations and the smells. The smells in particular are extraordinary, but I could not really determine their origin because I did not necessarily see any flowers or fruits that could be the source, probably hidden in the canopy of the big trees that were above us.
Speaking of flavours, the hotel where I stay, Roça Sao Joao, is an old farmhouse, like the ones that are left all over the island, which in this case has been taken over and is run by a chef whose reputation is well known in Portugal where he had his own TV show, and whose cuisine is essentially based on local products. La Roça (which is the equivalent of “plantation”) still has its own greenhouses and vegetable garden from which the produce (vegetables, fruit, spices) are harvested according to need, in addition to the products of local fishing. Breakfast is an orgy of fruit (carambola, cajamango, passion fruit, pineapple, avocado, papaya, guava) that I devour before leaving for the plantation (not too early as work here work only starts at 7am) and on Sunday lunchtime (so today) the chef proposes a 10-course tasting menu that I intend to try. The restaurant and the kitchen are the same large open space on a large covered wooden terrace overlooking the Bay of Angolares, where you can admire all the ingredients displayed in dishes or hanging from the kitchen beams. Things are a bit difficult for the hotel at the moment as a result Covid. I am the only customer during the week and another couple came last night visiting from the capital. For today’s three guests there are no less than ten people in the kitchen, I know because they are all in front of me as I write this news on one of the restaurant tables. The pandemic has put a big dent in the local economy which depends mainly on tourism and apart from people who are here for professional reasons (like me) the only other foreigners are young people (mainly girls) who come from Portugal for study projects and/or NGOs, but who gravitate to the outskirts of the capital and don’t go down south (wetter) when the most beautiful beaches are in the north.
Yesterday I accompanied a colleague to the capital (which has a population of 56,000) and on the way we stopped at a small local restaurant to eat some grilled fish freshly caught in the sea just below us. It was delicious, but you can’t be in a hurry and so we arrived just in time at the supermarket where my colleague wanted to stock up for the week. A supermarket that could be anywhere in Europe (well, more like Portugal, given the brand name of the products they sell). We were a bit short of time, so I didn’t really have the opportunity to take pictures of the most beautiful buildings which date from the colonial era and many of which are really well preserved. That will be for another time…
While I am enjoying the tropical heat of Sao Tomé, Marie-Claude is enjoying the cooler climate of Normandy, where she is fine-tuning our house decoration and furnishing and complying with the confinement rules that do not allow her to move around much.
We hope to hear from you soon,
Marc & Marie-Claude